Claire PONTAIS ex formatrice INSPE à Caen et responsable du dossier EPS en primaire au SNEP FSU invite à investir les « 30 minutes de bouger » mais en termes d’EPS et non à la place de celle-ci ! Son objectif est de partager plusieurs démarches pour faire apprendre en EPS. Elle a participé avec le SNUipp à la publication de la plaquette intitulé : « 20 mesures pour apprendre en EPS à l’école primaire, développer le sport scolaire et augmenter l’activité physique quotidienne ».
Penses-tu qu’il est possible de faire de la bonne EPS en 30 minutes ?
Je dirais oui… mais il y a des conditions à réunir. La première est d’avoir des équipements au sein de l’école pour n’avoir aucune perte de temps en déplacement. C’est d’ailleurs ce que font les écoles maternelles tous les jours, avec une séance d’EPS d’environ 30-40 minutes, grâce à leur salle d’EPS au sein de l’école. Pour moi, une séance courte d’EPS ne veut pas dire faire un petit jeu comme au centre aéré, ni des exercices dont les élèves se lasseront vite, mais plutôt dire aux élèves : « On va faire des séances courtes, comme ça, on fera plus souvent de l’EPS ! Vous savez que c’est important de faire du sport quotidiennement pour la santé ! Pour cela, il ne faudra pas perdre de temps, donc écouter les consignes, ne pas se disputer, etc. » On installe donc une ambiance de travail et pas seulement de défoulement. « On ne fera qu’un jeu à chaque séance, et on refera le même jeu plusieurs séances, il faudra apprendre pour progresser et devenir meilleur.e dans ce jeu (suivant le sport étudié : plus adroit.e, plus stratège, plus performan.ee, plus fluide…). A la fin, on pourra faire une rencontre avec les autres classes ».
Cela revient à dire finalement que les enseignants doivent penser non pas seulement 30 minutes de « bouger » mais un module d’apprentissage incluant des séquences de 30 minutes par jour avec un jeu. Mais tu dis par ailleurs que l’enjeu de l’école n’est pas d’apprendre des jeux mais d’apprendre à bien jouer. Comment faire en si peu de temps ?
Sans doute qu’à la première et deuxième séance, il faut prendre le temps d’installer le dispositif, mais ensuite quand les enfants ont compris, on doit pouvoir avoir un bon rapport temps d’activité EPS / sortie de la classe (au moins 20 minutes d’activité sur 30 minutes de séance). Il peut être nécessaire d’alterner une séance courte/une séance longue. La séance courte peut être un seul jeu (avec une organisation qui est toujours la même) ou au contraire une séance d’exercices en rapport direct avec ce que l’on doit améliorer dans le jeu. Cela dépend de beaucoup de choses : de l’activité choisie, des conditions matérielles, si on est au début ou à la fin du module…
Peux-tu nous donner quelques conseils que l’on pourrait partager avec les professeurs des écoles?
Je choisis quelques situations qui peuvent être faites dans la cour d’école et que ne nécessite pas une longue mise en place (exceptée la première séance) : Saut à la corde : le but est de faire un spectacle de saut à la corde, mais pour ça, il faut apprendre à sauter (une corde par personne). La référence culturelle est un « mélange » de cirque, de GRS et de double -dutch. Je propose des vidéos pour que les collègues puissent visualiser ce que cela peut donner (10-12 séances) ; exploit avec ballons : le but du jeu est de faire un spectacle en faisant les exploits (rebonds et lancers-rattraper) les plus difficiles possibles ( 10-12 séances). Il faut impérativement un ballon par personne. On peut aussi faire la même situation avec des balles de jonglage, les exploits seront évidemment différents. ; course de vitesse : 5 mn d’échauffement (course tranquille + 5 minutes d’étirements pour ne pas avoir mal aux jambes. But du jeu : courir le plus vite possible en 6 secondes, il faut choisir son couloir et essayer de battre son record. (Au moins 5 séances avant de passer au relais sur le même dispositif)
Je m’arrête ici ! On peut aussi proposer des situations de lancer athlétique (sur le même modèle que la course où chacun.e choisit l’espace correspondant à sa performance), des situations de course longue (pourquoi pas ritualiser : « « Le lundi, on court ! Je n’oublie pas mes baskets ! ») ou des séquences de danse expressive avec l’apprentissage d’une courte phrase gestuelle qui deviendra plus tard une chorégraphie ou encore des danses traditionnelles (qui reviennent à la mode !) que les enfants ont apprises lors de séances plus longues.
Beaucoup de choses sont possibles…. Le principe de base est un jeu de référence avec un but du jeu très clair, des critères de réussite très explicites, une organisation ritualisée, et une ambiance d’EPS (règles définies, je réfléchis à ce que je fais…).
Vous venez de publier avec le SNEP conjointement avec le SNUipp une plaquette intitulée « 20 mesures » en faveur de l’éducation et de l’activité physique, peux-tu nous en parler ?
C’est un enjeu de santé publique et de réduction des inégalités que de chercher à atteindre les recommandations de l’OMS (1 heure d’activité physique par jour pour les 6-11 ans, soit 7h par semaine ; 3heures par jour pour les moins de 5 ans). Cette plaquette a pour objectif d’alerter les politiques sur les mesures urgentes pour développer l’EPS et le sport scolaire sans les confondre avec la récréation, l’activité physique quotidienne (monter les escaliers, aller à l’école à pied), ni avec le sport des fédérations, ce que ne cesse de faire le MEN. L’enjeu est de réussir à stopper toutes les mauvaises réformes qui dégradent toujours plus la situation (baisse de la formation initiale, bouger 30 mn, suppression des conseillers péda EPS, etc). L’enjeu est également de donner des perspectives : avoir des équipements très proches des écoles, rétablir la formation initiale et continue en EPS, avoir un ou une enseignante ressource EPS dans chaque école (cela existe déjà mais de manière informelle), donner des moyens à l’USEP, etc. Grâce à des liens, la plaquette est également un outil pour les professeurs d’école pour les aider à résister collectivement aux injonctions du ministre et à considérer l’EPS comme une matière fondamentale. Bouger 30 mn par jour en plus de l’EPS c’est reconnaitre implicitement qu’il faudrait 2 heures d’EPS en plus à l’école primaire… soit 5 heures d’EPS par semaine !! Bien sûr, c’est totalement illusoire dans le temps scolaire actuel, mais tendre vers une « vraie » séance d’EPS par jour à l’école primaire serait une révolution culturelle ! Bien sûr, cela supposerait des moyens pour la FDE, de revoir la hiérarchie des disciplines et les programmes …et en premier lieu d’avoir un débat de fond sur le rôle de l’Ecole primaire…
Claire Pontais dans le café
Plaquette à télécharger sur :