Sur France Inter le 7 juillet, Pap Ndiaye demande à être jugé sur sa politique de lutte contre les inégalités. Or un petit cadeau de fin d’année à l’école privée inaugure sa politique au B.O. le même jour. Sous le titre anodin « mesures complémentaires à la circulaire n°2017-122 du 22 août 2017 », une circulaire ouvre l’utilisation du budget des fonds sociaux directement aux directeurs des écoles privées sous contrat qui sont à plus de 90% des écoles catholiques. Drôle de lutte contre les inégalités et de défense de la laïcité…
Net avantage aux écoles primaires privées
La circulaire de 2017, qui est étendue par le nouveau texte, régit l’usage des fonds sociaux des collèges et des lycées. La nouvelle circulaire permet d’utiliser les fonds sociaux académiques au profit d’élèves du premier degré. Mais elle institue une nette différence dans l’accès à ces fonds entre école publique et école privée.
Pour une école publique, les fonds sociaux ne peuvent être utilisés qu’à la demande d’un établissement secondaire et sous couvert du chef d’établissement du collège ou lycée public. Une école publique ne peut pas demander d’elle même à utiliser ces fonds. Et on ne voit pas non plus dans quelle circonstance une établissement secondaire utiliserait ces fonds pour d’autres élèves que les siens.
L’extension au privé sous contrat va beaucoup plus loin puisque l’utilisation des crédits de fonds sociaux en faveur d’élèves du privé sous contrat se fait directement à la demande du directeur de l’école privée. Ce qui est impossible pour le directeur d’une école publique.
» Les directeurs d’écoles privées sous contrat peuvent solliciter les crédits de fonds sociaux pour financer des actions sociales ou éducatives en faveur d’un public cible d’élèves relevant de l’enseignement privé sous contrat du premier degré, préalablement défini par l’État », dit la circulaire. « L’instruction des demandes d’aides présentées par les familles est du ressort du directeur de l’école, qui formule des propositions d’attributions. Ces propositions ainsi que les dossiers correspondants sont transmis au recteur qui a compétence pour attribuer l’aide exceptionnelle dans la limite de l’enveloppe des crédits inscrits dans le budget opérationnel académique (BOPA) ».
Après le premier, un second quinquennat favorable à l’école privée ?
C’est un nouvel avantage accordé par le ministre aux établissements privés. Les demandes du privé vont prélever des crédits des budgets académiques alors que le ministère les a baissé de 17% entre 2017 et 2022. « Cette mesure en faveur du privé, prise à crédits constants, va amputer d’autant l’enseignement public », explique JP Delahaye, ancien Dgesco, dans un tweet. « Cette décision politique relève t-elle d’une simple circulaire » demande t-il. Elle intervient dans un contexte inflationniste où les familles populaires ont plus de mal à boucler leur budget.
Cette mesure fait suite à d’autres avantages accordés à l’enseignement privé par JM Blanquer. L’exemple type est l’instruction obligatoire à 3 ans, qui a eu pour seul effet la prise en charge des dépenses des écoles maternelles privées par les communes et finalement l’Etat (pour environ 100 millions). JM Blanquer a aussi fait entrer des établissements privés dans l’éducation prioritaire grâce à la création des contrats locaux d’accompagnement. Le nombre des établissements privés admis dans les CLA doit quintupler à la rentrée 2022. En même temps le ministère a arrêté les programme de mixité sociale qui ne subsistent que grâce à la volonté des élus locaux. Le budget 2022 est aussi très favorable au privé : celui des établissements privés sous contrat augmente de 3% soit le double du second degré public et davantage que le premier degré public.
Cette mesure est conforme à la politique suivie par JM Blanquer. Mais cette circulaire est publiée sous le ministère Ndiaye. Interrogé le 7 juillet , sur France Inter, sur le fait que ses enfants soient scolarisés dans une école privée, Pap Ndiaye appelle à être jugé sur sa politique. « Il n’y a pas de contradiction à partir du moment où on accepte de penser que la politique de ce ministère est fondée sur une politique de réduction des inégalités. Je dois être jugé sur cette politique ». Ca commence mal…
François Jarraud