« J’ai dit chiche ! Mais c’est vous qui construisez le projet ». Rien ne semble plus éloigné qu’un défilé de mode et un cours d’EMC. Pourtant Jean-François Dreyer, professeur d’histoire-géo au lycée Malherbe de Caen, a fait plus que réunir les deux. Partant du projet de défilé de mode, il a entrainé ses élèves de première technologique à la découverte de la Fast Fashion et d’une entreprise locale d’insertion sociale. Mieux encore, le défilé a été un révélateur et un outil pour dépasser les tensions dans l’établissement. Parce que l’EMC cela sert aussi à réparer l’estime de soi des élèves…
De l’EMC au projet
Au départ de ce projet, une situation pédagogique difficile. Comment rendre attractive et utile l’heure quinzaine d’EMC en fin d’après midi dans une classe pas facile de 1ère STMG ? La solution est venue des élèves. « J’avais choisi comme thème le lien social et j’ai organisé un débat avec les élèves. Ils ont parlé de codes vestimentaires », explique JF Dreyer. « Cela les a amenés à parler de leur place dans le lycée et dénigrement dont ils se disent victimes. A un moment un élève a lancé l’idée de faire un défilé de mode. « J’ai dit chiche ! Mais c’est vous qui construisez le projet ».
JF Dreyer ne savait pas encore dans quoi il se lançait. Mais dans les semaines suivantes il initie les élèves à la gestion d’un projet. Les élèves s’organisent en commissions chargées de la rédaction, de l’intendance, des photos et aussi du mannequinat puisque 6 élèves assureront le défilé.
Découvertes de terrain
Le projet est aussi creusé dans sa dimension savante. Les élèves réfléchissent à partir d’un film sur l’industrie de la Fast Fashion. Ils découvrent l’économie de cette industrie qui repose sur l’exploitation des salariés et qui participe à la pollution. Et ils creusent. Entre alors en scène d’autres enseignants. C’ets leur professeure d’espagnole, Marie Ressot, qui met les élèves en contact avec une association d’insertion locale qui recycle des vêtements. Les élèves visitent la boutique et l’atelier. « Ils touchent du doigt la réalité », explique JF Dreyer.
Soigner le lien social dans l’établissement
Les élèves affrontent aussi la question du lien social dans l’établissement. Il sont besoin de vêtements et en trouveront chez leurs camarades. Mieux, avec l’aide de Nicolas Fache, professeur de SES, ils entrent en contact avec des élèves de 1ère générale qui entrent dans le projet. Une réalité qui soigne leur relation à un établissement où ils sentent dénigrés.
Mais ce qui va vraiment changer la donne et être l’aboutissement de ce travail sur le lien social, c’est le défilé. Les élèves réussissent à le faire et 300 élèves et personnels du lycée sont là pour le regarder.
Un projet qui change la place des élèves
« Par rapport au programme d’EMC, je m’y retrouve, nous dit JF Dreyer. « Ces élèves qui se sentaient méprisés sont devenus des acteurs de premier plan de leur communauté. Ils ont trouvé leur place. Il sont compris qu’ils sont capables de réaliser un projet ambitieux ». Ce projet a aussi des conséquences pour les enseignants. « Les professeurs de la classe qui n’ont pas participé au projet m’ont dit que les élèves avaient changé dans leur attitude scolaire. Ils sont devenus plus concernés ».
Pour Jean-François Dreyer, ce défilé est une expérience intéressante. « Je savais que dans ces classes il faut concrétiser ce qu’on veut transmettre. Je savais qu’il faut leur faire confiance et leur donner du grain à moudre. J’ai découvert que c’est pas mal de leur donner aussi de la joie ».
Propos recueillis par François Jarraud