Où en est la pensée ministérielle sur le numérique éducatif ? La Direction du numérique éducatif (DNE) du ministère de l’éducation nationale organise aujourd’hui à Paris un colloque pour définir une « stratégie numérique » couvrant tout le second quinquennat. Pour élaborer sa « doctrine », la DNE a lancé une consultation dont le compte rendu est dressé dans un « Bilan de la consultation » que le Café pédagogique s’est procuré. En émergent des questions (la maintenance, l’accès aux logiciels, leur labellisation, la captation des travaux des enseignants…) bien anciennes. Sur le numérique éducatif la DNE fait du sur place. Mais elle le fait avec une haute conception du rôle de l’Etat dans la société numérique…
Une stratégie pour le quinquennat
» Ce document a donc pour objet de restituer les orientations et les propositions clefs qui ont émergé lors de la consultation des acteurs, qui sont autant d’éléments et analyses pour nourrir une stratégie du numérique pour l’éducation que le ministère publiera à la rentrée 2022 et déploiera, avec les acteurs, sur la période 2022-2027″.
Le colloque organisé le 1er juillet par la DNE pour définir cette « stratégie » s’ouvrira par une intervention d’Henri Verdier ambassadeur du numérique. Il a été préparé en amont par la consultation des acteurs du secteur : collectivités locales, entreprises, administrations. Un vrai mille feuilles où les utilisateurs finaux se limitent à « des enseignants ». Et cela a peut-être à voir avec l’ancienneté des conceptions.
« Comment le numérique éducatif peut-il favoriser progrès et égalité dans l’apprentissage des élèves ?… Comment le numérique peut-il encourager la liberté, la créativité et l’innovation pédagogique des enseignants et des équipes pédagogiques ? », demande la DNE comme si le numérique pouvait réellement régler les problèmes du système éducatif.
Des problématiques non résolues depuis 10 ans…
Le Bilan propose des problématiques récurrentes : » Les enseignants et les équipes pédagogiques doivent être acculturés aux bons usages », » Il existe un fort intérêt à pouvoir certifier les agents formés », » il semble naturel que la production des ressources pédagogiques se développe en s’appuyant sur les moyens numériques mis à disposition ». La question de la maintenance est posée dans les termes de 2013 : » il est à souligner qu’un renforcement des services de support et de maintenance est à réaliser, en particulier sur l’aspect assistance et aide à la prise en main des outils et équipements, dans le respect de la répartition des compétences issues de la loi Peillon ».
Les réponses font aussi du sur place. Le Bilan évoque la plateforme unique pour éviter « la multiplicité d’outils ». Il est question de définir « un ensemble de règles de design, d’interopérabilité, de sécurité. Avec ces questions, le bilan fait la promotion du GAR,de PIX, d’Educonnect. Et aussi à la vieille question : » L’ambition est de parvenir à une répartition claire des compétences et des acteurs – État, collectivité locale, ou établissement d’enseignement – sur chacune des fonctions considérées… La gouvernance pourrait ainsi être mieux articulée, entre le national et le local, avec une vision claire de partage des compétences telles qu’issues de la loi Peillon et d’engager, dans chaque territoire, un plan de convergence des responsabilités sur la base d’un diagnostic partagé ».
Des réponses données avant les ateliers…
Même l’innovation doit être captée : » Il sera important également de lancer une étude sur la mise en place d’un dispositif et d’un processus transparent de pilotage et de partage de l’innovation. Il s’agit notamment de mesurer et de suivre la valeur et l’avancement des initiatives tout au long de leur mise en oeuvre. Il s’agit également d’assurer une bonne diffusion des pratiques ».
On mesure la place que l’Etat soit prendre dans la société numérique, telle que la DNE la voit. Dans le schéma (page 15) des acteurs du numérique éducatif publié dans le Bilan, enseignants , parents et élèves sont au centre. Mais ils ont totalement encadrés par les innombrables acteurs institutionnels (tous patiemment désignés) qui les encerclent. C’est cette vision, très étatiste, de la société numérique qui émerge du Bilan.
La stratégie semble déjà dessinée par des années de fonctionnement de la DNE. Et on se demande à quoi servent les ateliers organisés ce 1er juillet puisque le Bilan contient déjà les propositions pour répondre aux questions posées…
François Jarraud