On s’attendait à une catastrophe. C’est encore pire : Seulement un poste sur trois est pourvu au concours externe de recrutement des professeurs des écoles en Ile-de-France. Ce sont près de 2000 postes qui vont rester vacants à la rentrée. Il sera très difficile de trouver 2000 contractuels supplémentaires cet été. Le ministère a bien plongé l’enseignement publique dans une crise inédite.
Du jamais vu
On n’a jamais vu de tels résultats aux concours de recrutement de professeurs des écoles. En Ile-de-France, aux concours externe des professeurs des écoles (CRPE externe) on compte seulement 424 admis dans l’académie de Versailles pour 1430 postes proposés. C’est plus de 1000 postes qui restent vacants. Dans l’académie de Créteil il y a 419 admis pour 1079 postes, soit 660 postes vides. Et même à Paris la crise est là : 157 admis pour 219 postes mis au concours, soit 62 postes sans titulaire. A Versailles on a donc seulement 30% des postes qui sont remplis. A Créteil c’est 39% et à Paris 72%.
Pour comprendre la profondeur de la crise, il faut rappeler que Créteil et Versailles sont traditionnellement déficitaires. Ensuite il faut comparer avec 2021. En 2021 on comptait 1271 admis à Versailles pour 1409 postes proposés, soit trois fois plus que cette année. A Créteil il y avait 1056 admis pour 1420 postes. Soit plus que deux fois plus que cette année. A Paris en 2021 tous les postes étaient pourvus avec 202 admis.
A la rentrée 2022, 1728 postes vont manquer en Ile-de-France. Certes il y a bien les concours spéciaux de Versailles et Créteil. Mais il auront probablement moins de candidats ne serait ce que parce que les listes complémentaire pourraient être utilisées dans les autres académies. Et ces concours n’offrent que 700 postes (500 à Créteil et 200 à Versailles). Même s’ils étaient tous pourvus la situation resterait catastrophique , notamment à Versailles.
Une crise programmée
Cette crise n’arrive pas par hasard. Elle découle en partie de la réforme du concours qui a repoussé en M2 un concours qui avait lieu en M1. Pour les masters MEEF cela a asséché le vivier et c’est particulièrement visible dans le premier degré. Cette évolution aurait du être anticipée car elle était parfaitement prévisible. Elle ne l’a pas été. Régulièrement invité par la Cour des Comptes et les rapporteurs du budget de l’Education nationale à anticiper la baisse démographique , le ministère semble avoir privilégié un management à long terme des postes. Effectivement il y aura probablement moins de titulaires en 2022 que 2021. Mais il sera très difficile de trouver près de 2000 contractuels supplémentaires pour le premier degré cet été.
Concrètement on va dans les 3 académies vers des fermetures de classes à la rentrée, en remplissant les autres classes. Et il n’y aura peut-être quand même pas assez de professeurs pour accueillir les élèves.
Cette situation dramatique se déroule dans les académies les plus populaires. On voudrait avoir la garantie qu’il n’y aura pas de suppressions de classes dans les écoles de l’éducation prioritaire. Si c’était le cas cela veut dire que le management ministériel a fait le choix de faire des économies sur les enfants les plus fragiles et qui ont le plus besoin de l’école.
Les syndicats ont alerté le ministre de la gravité de la situation. Le Snuipp FSU a appelé à utiliser les listes complémentaires et à rendre le métier attractif. Le Se Unsa a déposé une alerte sociale et fait des propositions pour faire face à la crise. Le Snudi FO demande lui aussi l’utilisation des listes complémentaires.
Mais comment ne pas faire le lien entre cette situation et les choix de management du gouvernement ? Au delà des questions salariales et du discrédit entretenu sur le métier d’enseignant (comme l’ont encore montré les jobs datings), la loi de transformation de la fonction publique a fait le choix de favoriser la contractualisation comme mode d’embauche normal des agents de l’Etat. C’est à la fois le choix du management à moyen terme (ne pas créer des postes qui pourraient devenir excédentaires si la baisse démographique continue) et celui à long terme (remplacer les fonctionnaires par des contractuels) qui expliquent la crise actuelle du recrutement. Et ce sont les enfants des académies populaires qui en font les frais.
François Jarraud