En tête des défis qui attendent le nouveau ministre de l’Education nationale figure la lutte contre les inégalités sociales à l’Ecole. C’est ce que rappelle Marc Douaire, président de l’Observatoire des Zones Prioritaires, une association qui fédère des acteurs de l’éducation prioritaire. Il demande une rupture avec la politique suivie par JM Blanquer et le redémarrage de l’éducation prioritaire, en commençant par des Assises nationales.
La question sociale est centrale
L’élection présidentielle vient de souligner les profondes fractures qui divisent la société française. Ce constat, malheureusement ne date pas d’hier mais depuis plusieurs mois revient au premier plan la question des inégalités sociales, des fractures territoriales et de l’efficacité des politiques publiques censées y répondre. Ces questions sont connues, expertisées mais elles n’ont pas trouvé encore de réponses dans un projet politique de justice sociale d’envergure pour les traiter.
La question sociale est centrale dans le traitement des inégalités en particulier concernant la question scolaire. Comment prétendre revivifier la citoyenneté quand, dès le départ, le système éducatif par son discours, son fonctionnement, ses codes implicites, son culte de l’évaluation normative entretient les inégalités sociales ? Dans l’histoire française, l’école est la matrice de l’idée républicaine mais, aujourd’hui, elle défigure son ambition émancipatrice en se conduisant trop souvent comme une machine qui classe, trie et conduit à l’échec et à la perte d’estime de soi nombre d’enfants qui ne sont pas des héritiers mais des enfants des classes populaires.
Le défi républicain
Pour qui refuse l’idéologie libérale de sélection naturelle dès l’enfance s’impose la nécessité d’une politique scolaire en rupture avec ce modèle afin que l’école publique soit vraiment l’école de tous et en particulier pour les élèves qui vivent dans les quartiers de relégation.
Cette politique de rupture existe : elle se nomme « politique d’éducation prioritaire ». Son ambition ; rendre possible la réussite du plus grand nombre d’élèves dans les territoires où le fonctionnement ordinaire du service public n’est pas en mesure de l’assurer. L’analyse territoriale permet d’éviter les écueils d’une approche centrée sur le parcours individuel. Le travail à entreprendre est donc tant dans l’école que dans le territoire. Il s’agit donc, à la fois, de renforcer la cohérence et continuité pédagogique et éducative tout au long de la scolarité et de construire un véritable projet partenarial.
Ce défi républicain, le ministre JM.Blanquer l’a refusé. Tournant le dos au projet politique fondateur des ZEP de 1981, il a réduit la politique d’éducation prioritaire aux dédoublements des classes de CP et CE1, dispositif coûteux pour des résultats très décevants. Il n’a pas tenu l’engagement de procéder en 2019 à l’évaluation publique de la carte de la géographie prioritaire ainsi que des projets portés par l’ensemble des réseaux. Cette entreprise de déconstruction visait à remettre en cause l’ensemble de la refondation de l’éducation prioritaire engagée en 2014.
Ce que nous attendons :
– Une parole forte du ministre pour engager et conduire une politique d’éducation prioritaire qui donne corps à la justice sociale et bénéficie des moyens d’une vraie priorité.
– Un respect et une écoute de l’ensemble des acteurs de l’éducation prioritaire. Une volonté d’impulser une politique nationale volontariste tout en respectant et en encourageant la professionnalité des collectifs des réseaux.
– L’organisation dans les prochains mois d’Assises nationales de l’éducation prioritaire préparées localement avec tous les acteurs.
Marc Douaire