Comment garder trace des activités réalisées au sein de la classe ? Fort de plusieurs années d’expérience avec Twitter, Loïc Perrin, enseignant de SVT au collège Jacqueline de Romilly de Magny-le-Hongre (77) donne ses conseils pour utiliser le réseau social Tweeter de façon pédagogique. En favorisant l’interaction avec la classe et en relayant ses idées créatives, son compte, « La boîte à outils de SVT », est particulièrement riche en situations expérimentales. Source de motivation et de valorisation du travail des élèves, ses tweets SVT contribuent aussi au partage du travail fait en classe vers la maison. L’enseignant a aussi mis en place un concours intercollège de modélisation cellulaire.
Comment avez-vous intégré Twitter dans votre pratique pédagogique ?
J’utilise depuis longtemps mon site qui me permet de compléter le travail de classe avec les élèves, aussi lorsque j’ai commencé à utiliser twitter, le premier intérêt que j’y ai trouvé est qu’en l’intégrant à la page d’accueil de mon site cela me permet d’y faire apparaitre ce qui ce passe en classe au moment même où nous le faisons. En effet, la mise en ligne de ressources sur un site personnel est un peu fastidieuse et génère un intervalle de temps entre le moment de l’activité en classe et l’apparition des ressources en ligne. Ce n’est plus le cas. Le fait de le diffuser sur le site de SVT permet aussi à tous les élèves de consulter le fil de tweets sans avoir besoin d’avoir un compte twitter ou de faire une recherche internet.
Le fait de pouvoir publier les photos des activités de classe me permet aussi de pouvoir récupérer les images d’un élève (observation au microscope, schéma expérimental, hypothèse…) et de les vidéo-projeter à toute la classe pour interagir avec. Les ressources produites en classe par les élèves trouvent ensuite une seconde utilisation en exercice à la maison. En effet, les élèves vont pouvoir utiliser les photos Twitter ou leurs propres photos s’ils ont un outil de prise de vue comme un téléphone.
Les élèves peuvent alors légender les images d’observation au microscope (en classe le travail d’observation aboutit à la réalisation d’un dessin qui permet de fixer l’attention sur les détails d’intérêts) pour garder une trace de l’observation réelle et ainsi réviser le vocabulaire appris en classe. Les collégiens peuvent aussi faire des diaporamas narratifs à partir des photos de dissection ou du déroulé d’une expérience.
J’utilise aussi Twitter pour publier des ressources d’intérêts en lien avec les chapitres travaillés en classe. Ainsi, pour que les élèves sachent rapidement si la ressource les concerne j’introduis souvent les tweets par le niveau ciblé. Je peux leur mettre des liens vers des articles de journaux, les derniers tremblements de terre (le compte twitter @sismolachatre est particulièrement efficace pour ce sujet), des sites (pour trouver les annales des sujets du DNB par exemple) ou encore des retweets d’idées créatives réalisées dans d’autres établissements et susceptibles de les stimuler pour mettre en œuvre dans notre collège.
Pour quels effets positifs ?
Mon premier souhait était d’avoir un outil permettant de faciliter le retour d’expérience des élèves lorsqu’ils rentraient à la maison. Les enfants ont ainsi un support visuel pour les aider à raconter leur séance de SVT, contrairement au cahier de SVT sur lequel l’activité est formatée et donc peu personnalisée, les photos twittées sont celles des événements vécus par les élèves, ce qui les relient aux émotions ressenties et permet d’indicer les souvenirs de l’enfant, de favoriser leur restitution et par cette remobilisation l’ancrage des notions.
Lors de la séance le fait de prendre en photo le travail d’un élève, sa préparation microscopique ou son expérience valorise son travail vis à vis des autres élèves de la classe et vis à vis de ses parents. Valorisation qui participe au processus d’engagement actif en classe puis à la consolidation par le retour aux parents fait à la maison et donc à l’apprentissage. Aussi la possibilité d’être publié devient une source de motivation pour proposer des réalisations qualitatives.
L’utilisation de la fonction répondre sur un tweet permet aussi de générer une discussion dans laquelle j’ajoute les tweets publiés par mes différentes classes d’un même niveau, ainsi les élèves peuvent utiliser les ressources de leurs classes ou des autres. Cette démarche collective du « un pour tous » trouve aussi un intérêt comparatif vis à vis des résultats expérimentaux mais aussi des démarches mises en œuvre pour réponde à un problème scientifique.
Ainsi, nous sommes amenés à faire une analyse critique d’une démarche menée dans la classe par rapport à une autre (par exemple, l’étude des secousses sismiques à l’aide de tablettes dans une classe aura surtout été orientée sur l’évolution de l’intensité en fonction de la distance là ou une autre classe se sera davantage intéressée à l’importance de la nature du sol dans la propagation des ondes). On peut aussi compléter les observations faites dans une classe comme la découverte de la biodiversité des micro-organismes de la mousse.
Quels sont ces challenges proposés à vos élèves ? Comment sont-ils primés ?
Les élèves ont un potentiel de créativité qui ne demande qu’à s’exprimer et twitter me permet de générer une émulation au sein de mes classes. J’ai pris l’habitude de proposer à mes élèves une fois par trimestre ou maintenant 2 fois par semestre d’avoir la possibilité d’obtenir un 10/10 pour une production facultative (affiche, infographie, animation, maquette…) en lien avec le cours. Le fait de publier les ressources produites par les élèves permet de les valoriser, de les responsabiliser vis à vis de la qualité de leur réalisation et de générer une émulation dans les classes qui découvrent les productions des élèves du niveau.
J’invite les élèves à aller au delà du travail obligatoire en me légendant les photos d’observation au microscope ou en faisant des vidéos ou diaporamas à partir des photos prises en classe. Les élèves vont sur le site de SVT, font défiler le fil de tweets et récupèrent les images qui les intéressent (ils peuvent le faire à la maison ou au CDI en fonction de leurs moyens numériques), les élèves sont ensuite récompensés par un 10/10. Les élèves ne peuvent pas avoir moins de 10/10, si le travail n’est pas abouti, je leur indique les modifications à effectuer jusqu’à arriver à l’attendu final, les élèves osent davantage se lancer sachant qu’il n’y a pas de risque.
Il est arrivé que des élèves décrocheurs trouvent ainsi un élément de réussite à l’origine d’une dynamique vertueuse (plaisir, réussite avec le 10/10 en s’appuyant sur les qualités techniques, artistiques, créatives… de l’élève, écoute plus active en classe, rétention de l’information, amélioration des résultats en contrôle).
Plus les années passent, plus les élèves s’approprient l’outil des tweets via le site de SVT et celui-ci prend de plus en plus d’importance et trouve de plus en plus d’utilités.
Je reste vigilant pour que twitter reste au maximum sous mon contrôle aussi je ne suis personne avec le compte que j’utilise avec les élèves et je veille à bloquer les individus au profil suspect qui « likeraient » les tweet de @boiteoutilssvt. Les élèves de tous les niveaux du collège peuvent ainsi utiliser le fil de tweets sans risque.
Quel est ce travail sur la reproductibilité des résultats en multipliant les expériences avec vos élèves ?
Le fait d’avoir accès aux résultats des groupes des autres classes permet de multiplier les résultats d’expériences. Lorsque les protocoles sont similaires cela permet de s’interroger sur les éventuelles différences obtenues d’un groupe à l’autre. Les élèves de 6ème peuvent s’interroger sur les mesures des caractéristiques physiques prises au même endroit par un autre groupe et qui ne sont pas identiques (cela permet aussi de garantir que les mesures sont prises au même endroit) ou sur les conditions de germination qui, bien qu’idéales peut ne pas permettre de voir ses graines pousser pour un groupe, observation qui pourrait amener à une conclusion fausse. On peut ainsi faire un travail sur la validité des résultats expérimentaux allant au delà de la simple comparaison test/témoin en ajoutant la notion de reproductibilité des résultats.
En 3ème, cela permet lors d’une activité sur le brassage génétique lors de la fécondation de pouvoir augmenter l’échantillonnage statistique et de faire le lien avec le professeur de mathématiques et son cours sur les probabilités (un groupe fait 10 « enfants » à partir de gamètes piochés au hasard avec une quinzaine de groupes dans une classe et multiplier par 4 ou 5 classes on arrive à avoir des pourcentages des phénotypes observés qui se rapprochent de plus en plus des résultats probables attendus).
Quelques mots sur ce concours de maquette de cellules qui connaît un franc succès…
Il s’agit d’un projet initié par une collègue qui enseigne au collège à Bussy Saint-Georges qui avait constaté que les élèves avaient tendance à concevoir la cellule comme un objet en 2 dimensions du fait de l’observation au microscope. Elle a donc eu l’idée de proposer aux élèves de 6ème de réaliser une maquette de cellule en 3 dimensions reprenant au minimum les légendes : membrane plasmique, cytoplasme et noyau, en laissant les élèves libres dans les moyens de leur réalisation.
Le fait de développer ce projet dans nos deux collèges permet de valoriser le travail de nos élèves, de les stimuler par l’organisation d’un concours et de leur faire s’approprier les critères d’évaluation car ils sont les juges du concours du collège partenaire. Les élèves d’un collège votent pour les ma-quettes représentant le mieux une cellule en 3 dimensions et identifiant clairement les 3 légendes de base demandées ce qui permet de faire un podium des meilleures réalisations photographiées dans chacune des classes.
Propos recueillis par Julien Cabioch
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