La publication de nouveaux résultats des épreuves d’admissibilité aux concours de recrutement des enseignants montre l’extension de la crise dans le premier degré et dans l’enseignement professionnel. Ce sont donc tous les secteurs de l’éducation nationale qui sont touché par une crise sans précédent. La rentrée est bien compromise. Les syndicats demandent des mesures d’urgence.
Catastrophe dans le premier degré
On attendait le 13 mai de nouveaux résultats des concours de professeurs des écoles, notamment ceux de l’Ile de France. Ils sont beaucoup plus mauvais que ce qui était attendu. A Créteil, il n’y a que 521 admissibles pour 1079 postes offerts. En 2021 il y avait eu 1321 admissibles pour 1420 postes et 1056 admis. La même proportion donnerait entre 300 et 400 admis cette année et plus de 600 postes vacants.
A Versailles, on compte 484 admissibles pour 1430 postes proposés. En 2021 il y avait 1508 admissibles pour 1408 postes et il y avait eu 1271 admis. Avec le même ratio on aurait 400 admis en 2022 et un millier de postes vacants.
Même à Paris la crise est là. Il n’y a que 180 admissibles pour 219 postes proposés. Il y avait 366 admissibles en 2021. Rien que sur ces trois académies 1600 à 1700 postes vont rester vacants. Les concours supplémentaires offrent 700 postes (500 à Créteil et 200 à Versailles). On restera donc loin du compte.
D’autres académies sont aussi en déficit grave. Ainsi en Guyane il y a 105 admissible spour 172 postes, à Mayotte 40 pour 160.
On peut encore citer des académies où le nombre d’admissibles ne permet pas d’envisager sereinement la rentrée. Ainsi à Aix Marseille il n’y a que 499 admissibles pour 395 postes, à Amiens 320 pour 256 postes, à Dijon 198 pour 172, à Grenoble 495 pour 406, à Nancy-Metz 310 pour 264 postes, à Reims 200 pour 154 postes. Au total en France , il y a 9597 admissibles pour 8323 postes proposés. Soit un ration de 115% qui ne permet pas un recrutement de qualité ni même d’affecter les postes.
Le second degré en crise
On sait que la crise existe aussi dans le second degré. En maths il n’y a que 816 admissibles pour 1035 postes. En lettres on compte 720 admissibles pour 755 postes. En lettres anciennes c’est pire : 60 admissibles pour 134 postes. En allemand on compte 83 admissibles pour 215 postes. En anglais il n’y a que 904 admissibles pour 781 postes. En espagnol 490 pour 320 postes. En SES 175 pour 121 postes.
Catastrophe aussi dans l’enseignement professionnel
Mais la situation n’est pas meilleure dans l’enseignement professionnel. Selon le Snuep Fsu, la grande majorité des 27 disciplines n’atteint pas le ratio attendu de deux admissibles pour un poste. Pour 4 d’entre elles, le nombre d’admissibles et inférieur au nombre de postes. C’ets le cas en maths sciences où il y a 201 admissible spour 240 postes, lettres allemand avec 3 admissibles pour 5 postes, génie civil ETE avec 15 pour 27 postes et biotechnologies avec 137 pour 190 postes.
Le ministère n’a rien anticipé
Cette situation découle en partie de la réforme du concours qui a repoussé en M2 un concours qui avait lieu en M1. Pour les masters MEEF cela a asséché le vivier. Il y a aussi les conditions très difficiles d’entrée dans le métier à temps plein pour ces même masters. Mais on voit bien que la crise n’est pas la même dans toutes les disciplines. Ce sont aussi les conditions de rémunération et de travail qui font fuir les candidats. Avec JM Blanquer le salaire des professeurs débutants a atteint un plancher historique : il ne représente plus que 1.1 fois le SMIC.
Le ministère refuse de publier les nombres de candidats dans les différents concours pour cacher la déroute de sa politique. Il affirme qu’il a anticipé ces résultats et dispose de réserves d’enseignants. Pourtant le nombre de postes proposés est à peu près le même qu’en 2021. Alors que 8000 postes ont été supprimés dans le 2d degré en 5 ans malgré des effectifs élèves en hausse on se demande bien où elles se cachent ! En réalité le ministère n’a rien anticipé et se retrouve face à une impasse. Certaines académies ont déjà lancé des offres d’emploi de contractuels. C’est sur place qu’il faudra compenser l’incompétence ou le sabotage venu d’en haut.
Plan d’urgence demandé
Les syndicats demandent des actions urgentes. Ainsi le Sgen Cfdt » demande une série de mesures à plus ou moins long terme : revalorisation significative des salaires des débutants mais aussi tout au long de la carrière pour donner des perspectives aux enseignants, augmentation de la prime d’entrée dans le métier, aide au logement. Le sujet n’est pas que financier : les conditions de travail et l’état de l’école dans notre pays nécessiteront de vrais débats, totalement absents de la campagne présidentielle. La formation initiale est un autre chantier qui nécessitera d’importantes réorientations pour travailler à une véritable attractivité des métiers de l’enseignement ».
Le Se-Unsa parle « d’auto-sabotage ». « L’habituelle rentrée « techniquement » réussie est ainsi sérieusement menacée pour septembre 2022. C’est alarmant pour les conditions de scolarité des élèves : on court le risque important d’un manque d’enseignants, CPE et PsyEN », écrit le syndicat. « A-t-on jamais vu un employeur se donner aussi peu les moyens d’attirer des candidats ? »
Le Snes Fsu met aussi en cause la réforme de la formation. « La réforme de la formation des enseignant-es qui entre en vigueur cette année a restreint le vivier d’étudiant-es de la session de concours 2022, du fait du déplacement du concours du M1 (jusqu’en 2021) au M2, sans aucune mesure transitoire. Les nouveaux dispositifs de M2 MEEF, que ce soient le stage d’observation et de pratique accompagnée (SOPA) ou, davantage encore, le contrat d’alternance (ECA), ont induit une charge de travail importante pour les candidat-es et une réduction drastique des cours et des temps de préparation des épreuves écrites », écrit le Snes. « La situation matérielle des candidat-es aux concours n’a pas non plus permis de résorber la crise ancienne des recrutements. Les 125 euros de gratification mensuelle pour les M2 SOPA ont été versés plusieurs mois après la rentrée de septembre, et aucune aide n’est mise en place pour les autres candidat-es déjà titulaires d’un Master, décourageant de nombreux candidat-es inscrits en octobre qui ont abandonné avant les épreuves ».
Le Snes demande la création de listes complémentaires au capes interne. Il exige un plan pluri annuel de recrutements et la mise en place d’un concours exceptionnel à la fin de la session 2022. « La revalorisation des salaires ne peut plus attendre ».
François Jarraud