On peut vaincre la ségrégation scolaire et les inégalités en éducation. Le message nous vient du Québec où un collectif de parents, bien appuyé par des spécialistes de l’éducation, propose un véritable plan en 6 ans pour rendre l’école égalitaire. Le collectif « Ecole ensemble » présente un plan très concret pour mettre fin à ces inégalités. Pour réussir, il faudra peu de ressources financières mais beaucoup de volonté politique…
Mettre fin à la concurrence entre les écoles
Le Québec n’est pas épargné par les inégalités de réussite scolaire. Le système scolaire y est soumis à une logique de marché qui a gagné même le public : des écoles publiques ont le droit de sélectionner leurs élèves ce qui renforce l’écrémage social des écoles publiques ordinaires, déjà mené par un privé largement subventionné.
« La concurrence en éducation est indissociable de la perception que toutes les écoles ne sont pas équivalentes : elle alimente donc la crise de confiance qui fragilise le système public », écrit le collectif. « Cette crise de confiance accentue la tendance à regrouper les élèves selon leur profil scolaire et socioéconomique. Il en résulte une forme de ségrégation qui conduit à un système d’écoles à plusieurs vitesses. L’écart se creuse donc entre les milieux : certains établissements ou certaines classes sont considérés comme moins propices à l’apprentissage (les familles qui le peuvent les fuient) et les conditions de travail y sont plus difficiles (les enseignants qui le peuvent les fuient également) ». Or pour le collectif Ecole ensemble, » de nombreuses recherches ont montré que les groupes hétérogènes sont à la fois les plus efficaces et les plus équitables ».
Un réseau unique des écoles publiques et privées
Pour rompre avec ces inégalités le collectif Ecole ensemble présente un véritable plan, budgeté et étalé sur 6 ans pour réorganiser le système éducatif en unifiant dans le même réseau écoles publiques et privées tout en gardant une marge de manoeuvre pédagogique pour chacune.
Le plan proposé par le collectif prévoit de réunir les écoles privées et publiques au sein d’un réseau unique. Les écoles privées qui n’entreront pas dans le plan ne percevront plus d’aides publiques. Toutes les écoles du réseau seront gratuites.
La carte scolaire
Toutes les écoles seront soumises à une carte scolaire et plus aucune école ne pourra sélectionner ses élèves. Le collectif a réfléchi à ce que serait une carte scolaire équitable. La carte scolaire privilégiera la distance à l’école. Mais l’objectif reste que les bassins scolaires soient les plus semblables possible. Il faudra donc optimiser ces bassins pour atténuer la ségrégation résidentielle. Là où il ne sera pas possible d’avoir un bassin très équilibré socialement, il y aura des mesures de compensations. Mais « il ne s’agit pas de permettre la création de bassins inéquitables en contrepartie de compensations », prévient le collectif. « Tout doit être fait pour obtenir l’équité des bassins ».
La diversité pédagogique maintenue
Le collectif estime que l’égalité passe aussi par la diversité des écoles. « Chaque école secondaire offrira à tous ses élèves un choix de parcours particuliers en s’assurant que ce choix de cours n’ait pas de conséquence ségrégative. La sélection intra-école des élèves ne sera donc plus permise. Une école ne pourra pas conditionner le choix d’un parcours particulier à des résultats scolaires ou à des frais comme c’est le cas pour de nombreux projets particuliers, concentrations ou profils actuels ». C’est le modèle de »la cinquième période » que le collectif veut généraliser. La « cinquième période » c’est une heure ajoutée chaque jour à l’horaire en réduisant la durée des 4 périodes précédentes qui passeront de 75 à 60 minutes. La 5ème heure de cours quotidienne sera consacrée à des cours au choix. Chaque élève choisit deux cours de 5ème période par an et les suit toute l’année. Ces cours sont donnés par les enseignants et obligatoires.
Pour le collectif cette démarche pédagogique est riche de promesse. « Sentiment d’appartenance en hausse. Assiduité en hausse et élèves plus engagés. Les élèves en difficulté sont avantagés par la période de soutien pédagogique, beaucoup plus encadrée que la récupération ordinaire. Les élèves perçoivent plus positivement les enseignants. Certains enseignants deviennent des mentors qui influencent les autres cours. Change aussi la perception qu’ont les enseignants des élèves ».
Le collectif veut maintenant convaincre les parents et les politiques. Il ose s’attaquer résolument à un problème que la France partage avec le Québec. On verra quelles résistances ce programme rencontrera dans la société.
F Jarraud