Le repentir c’est quand le peintre retouche son tableau. Après une très mauvaise toile sur l’Ecole le 17 mars, Emmanuel Macron ne cesse, avec son équipe, d’apporter des retouches à ses propos sur l’éducation pour en changer la perception, sinon le sens. Le 4 avril, sur France Inter, il s’est lancé dans une nouvelle tentative de séduction envers les enseignants et il a nié avoir voulu orienter les élèves dès la 5ème.
Rattrapage sur la revalorisation
« Je suis petit fils d’enseignant, époux d’enseignante et je sais que c’est une vocation ». Emmanuel Macron n’a pas fait dans la dentelle en revenant sur son programme éducatif sur France Inter le 4 avril. Annonçant vouloir « clarifier », il a quand même confirmé l’essentiel du programme du 17 mars.
« Nos enseignants ne sont pas bien payés surtout en début de carrière », dit-il. « Ils ont une meilleure fin de carrière , une retraite meilleure. Il y a plus de vacances que chez nos voisins. Je souhaite que l’on puisse changer cela », dit-il sans aller jusqu’à affirmer le sens du changement. Le 17 mars, E Macron avait été plus précis. Il avait dit que les enseignants devraient travailler plus pour gagner plus et que cela ne concernerait que ceux qui accepteraient un nouveau contrat. D’ailleurs il précise : « il faut mieux reconnaitre nos enseignants qui font des choses difficiles (il cite en exemple devoirs faits).
« Je veux aussi qu’ils aient plus de liberté pédagogique. Je veux plus de liberté au niveau du directeur d’établissement. C’est la grande innovation… L’école ne peut pas fonctionner de la même manière à Amiens, Marseille et Clichy ». Il confirme ainsi l’éclatement de l’éducation nationale, sa fragmentation, aussi proposée par V Pécresse, avec des chefs d’établissement et des directeurs dotés de nouveaux pouvoirs. On voit mal comment la liberté pédagogique des enseignants pourrait être compatible avec les nouveaux pouvoirs des directions.
Repentir sur l’orientation à 12 ans
« Jamais je n’ai dit qu’il fallait mettre des jeunes en apprentissage », a continué E Macron. « J’ai dit qu’à 12 ans il fallait permettre a des enfants de connaitre des métiers c’est à dire aux régions et aux entreprises de venir quelques heures ». Pourtant le 31 mars, en réponse à un restaurateur, E Macron avait dit : « On a besoin de faire mieux connaitre ces métiers. Donc alternance, apprentissage et orientation dès la 5ème ».
Cette phrase avait fait grand bruit puisqu’elle laissait entendre l’envoi au travail d’enfants de 12 ans. Il semble donc que l’orientation, c’est à dire le processus d’envoi dans une autre filière comme l’apprentissage, ne sera pas faite à 12 ans. Si E Macron se trompe c’est peut-être parce que ces propos sont conformes à la philosophie de la réforme de la voie professionnelle qu’il a présenté le 17 mars. E Macron a par exemple annoncé le doublement des semaines de stage en entreprise, c’est à dire aussi une division par deux de la formation générale pour des jeunes qui en ont bien besoin. Il a parlé de l’adaptation des filières de la voie professionnelle en fonction des besoins locaux. Des propos qui font dire à S Gérardin, secrétaire générale du Snuep Fsu, qu’il « organise le séparatisme de la jeunesse lycéenne ». Si la mise sur une voie de garage des jeunes de familles populaires n’a pas lieu en 5ème c’est quand même l’idée de séparer les destins des jeunesses qui se trouve dans son programme. Les enfants des familles populaires, que l’on retrouve dans la voie professionnelle, se verraient définitivement fermer l’accès à l’enseignement supérieur qui serait réservé aux autres jeunes.
Que faire de JM Blanquer ?
« Les enseignants ne se sentent pas assez reconnus, les parents d’élèves sont dans l’angoisse quand même assez souvent et les élèves. Ce n’est pas l’école de la confiance », a ajouté E Macron le 4 avril. La formule illustre la grande difficulté du candidat président : quelle place accorder au ministère Blanquer ? D’un coté le candidat dit que « beaucoup a été fait en 5 ans », de l’autre il critique les années Blanquer. La contradiction tient au fait que le programme du Macron de 2022 est le même en matière éducative que celui de 2017. Payer au mérite, donner plus d’autorité aux chefs d’établissement et directeurs, faire éclater l’éducation nationale, tout cela a été annoncé par JM Blanquer dès 2017, puis exposé par Edouard Philippe en 2018. Mais tout n’a pas pu être fait. L’opposition très forte à la loi Blanquer a tout gelé.
Aujourd’hui E Macron reprend ce projet. Mais l’opposition des enseignants est toujours là. Les récents sondages du Snuipp Fsu et du Snuep Fsu montrent que la politique qu’il a initiée n’est soutenue que par une infime minorité des enseignants, moins de 5%. En 2017, 38% des voix des enseignants s’étaient portées dès le premier tour sur E Macron selon un sondage Ipsos. E Macron semble croire qu’il peut les récupérer. Cela explique les tentatives de rattrapage du candidat. Et le discrédit jeté sur JM Blanquer par E Macron lui-même…
François Jarraud