Un signe qui ne trompe pas : pour 79% des enseignants le comportement des élèves s’est dégradé ces 5 dernières années. C’est un des résultats du sondage Harris commandé par le Snuep Fsu qui est révélé ce matin lors des "Ateliers de la voie professionnelle" organisés par ce syndicat. Ce que les enseignants mettent en cause c’est la transformation de la voie professionnelle, lancée par JM Blanquer en mai 2018. Une majorité d’enseignants (59%) trouve moins de satisfaction dans son métier (contre 15% pour qui il y a amélioration). Pour 71% cette réforme est une mauvaise chose. Ils déplorent une réforme qui démobilise les élèves et les empêche d’obtenir la formation auxquels ils ont droit. Le développement de l’apprentissage est lui aussi jugé négativement par 53% des enseignants. Là aussi, JM Blanquer a aggravé la situation. Le Snuep Fsu entend mettre les candidats à l’élection présidentielle face à ces résultats.
Une certaine satisfaction pour le métier
Réalisé par Harris pour le Snuep Fsu, le sondage porte sur 500 professeurs de lycée professionnel trouvés au hasard par Harris dans les établissements. Ils n’ont pas été sélectionnés par le syndicat.
Le sondage révèle d’ailleurs une certaine satisfaction par rapport au métier enseignant. 59% des sondés sont satisfaits (41% insatisfaits), particulièrement les enseignants des matières scientifiques (83%). Les enseignants apprécient les relations avec leurs collègues et aussi avec la hiérarchie de l’établissement. Par contre ils sont très insatisfaits de la reconnaissance de l’Education nationale, de la qualité des programmes, du salaire et aussi de l’investissement des élèves.
Une nette dégradation sous le ministère Blanquer
59% juge que leur situation s’est dégradée sous JM Blanquer (15% qu’elle s’est améliorée) et cela quelque soit la discipline et l’ancienneté. Cette dégradation est due à la réforme introduite par JM Blanquer en 2018. Seulement 4% des enseignants voient dans les nouveaux horaires une amélioration, 13% dans les programmes. 79% des enseignants jugent que le comportement des élèves s’est dégradé et 67% la possibilité de faire progresser les élèves. 76% accusent aussi la baisse des horaires disciplinaires.
Pour Axel Benoist, co secrétaire général du Snuep Fsu, "pour les professeurs la réforme a affaibli le sens de leur formation chez les élèves. Par exemple avec la mise en place des familles de métier (en seconde au lieu d’apprendre un métier précis les élèves découvrent une famille de métier) les élèves n’entrent plus vraiment dans un métier. On accueille des élèves qui parfois sont en rupture avec l’école. Avec les enseignements en barrettes ils ont l’impression de zapper. Et on passe moins de temps avec les élèves. La notion de groupe classe s’affaiblit. Or c’est cette approche qui permet d’améliorer la classe".
Le rejet de la transformation de la voie professionnelle
La transformation de la voie professionnelle est perçue comme une mauvaise chose par 71% des enseignants, là aussi toutes matières confondues. 79% des enseignants estiment qu’elle rend plus difficile d’atteindre les objectifs de formation. Pour 55% c’est le sens des enseignements qui se perd et pour 54% l’implication des élèves.
Si, dans la réforme, la co intervention partage les enseignants (49% y sont favorables), les familles de métier et le chef d’oeuvre sont massivement rejetés (24% d’appréciation positive pour le chef d’oeuvre). Les enseignants jugent que cela complexifie la vie de l’établissement et que cela dégrade les conditions de travail et le sens du métier. 82% jugent qu’ils manquent d’heures pour leur disciplines.
L’apprentissage est déjà installé dans 63% des établissements des enseignants sondés. Une majorité des enseignants qui ont des élèves en apprentissage (53%) estime que cela dégrade les conditions d’enseignement et 47% que cela baisse le niveau.
La pédagogie de projet caporalisée
"Le rejet vient de la perte d’heures d’enseignement et de l’imposition des dispositifs", nous dit Axel Benoist. "Les familles de métier se traduisent par une diminution des savoirs techniques. Les enseignants considèrent que les élèves ne peuvent pas se former correctement et cela crée des frustrations". Les frustrations sont aussi pour les jeunes qui au dernier moment découvrent qu’ils ne pourront pas accéder au métier précis qu’ils convoitaient. La contestation du chef d’oeuvre est plus surprenante dans une profession très habituée à la pédagogie de projet. "Avant ils pouvaient mener les projets en les adaptant à leur classe par exemple sur la durée", nous dit A Benoist. "Maintenant le projet est totalement enfermé. Il ne peut plus être pensé en fonction des capacités des jeunes et il dure deux ans ce qui est trop long".
Ce sondage négatif pour l’action ministérielle "va être un outil pour montrer que cette piste n’est pas bonne", nous dit A Benoist. "On voit les programmes de candidats promouvant l’apprentissage. On a maintenant quelque chose à leur opposer : sur le terrain cela ne fonctionne pas".
François Jarraud
Les ateliers de la voie professionnelle
Sur la réforme du lycée professionnel