« Une politique publique menée dans la précipitation, à la mise en oeuvre mal accompagnée ». Le rapport-bilan adopté par la Commission de l’éducation du Sénat est sévère pour l’action de JM Blanquer tout au long du quinquennat. Il souligne notamment le peu d’impact des dédoublements sur le niveau des élèves et la défiance généralisée des enseignants envers leur ministre. Mais dans cette chambre où la droite domine, le rapport ne remet pas en cause les réformes décidées par JM Blanquer, se bornant à demander un meilleur accompagnement. Ce n’est pas « la rupture » annoncée par certains sénateurs à droite.
Plus d’autorité pour renforcer le lien école – société ?
Adopté par la commission de la culture et de l’éducation du Sénat, où l’opposition est majoritaire, le rapport du Sénat analyse 6 mesures phares décidées par JM Blanquer : le lien entre école et société, l’abaissement de l’âge d’instruction à trois ans, le développement de l’école inclusive, la priorité donnée au primaire à travers les politiques de limitation des effectifs de la grande section au CE1, la réforme du lycée et l’attractivité du métier d’enseignant.
Sur le premier point, le rapport entre l’école et la société, les sénateurs soulignent la « défiance » des Français envers leur école. » Seulement 4 % des professeurs des écoles considèrent que leur métier est valorisé par la société », rappelle le rapport en se basant sur l’enquête internationale Talis (OCDE). Mais c’est pour ajouter, en se basant sur un sondage commandé tout exprès par le Sénat, que » moins d’un Français sur deux estime que l’institution scolaire est efficace dans la transmission des savoirs fondamentaux ». En fait 57% des parents d’élèves estiment que l’école transmet bien les fondamentaux, selon ce même sondage. Les enseignants sont beaucoup plus critiques : seulement 38% d’entre eux estiment qu’ils atteignent cet objectif, 21% jugent que l’Ecole réduit les inégalités et 34% qu’elle prépare aux études supérieures (contre 41 et 47% des parents d’élèves). Pour le Sénat, « l’avenir de l’école semble morose ». Ce qui est plus intéressant ce sont les conclusions qu’en tirent le Sénat : « garantir aux EPLE la capacité d’agir dans leurs domaines d’autonomie » et « défendre systématiquement toute remise en cause de l’autorité de l’enseignant », un principe dont la mise en pratique laisse rêveur.
Sur l’obligation de l’instruction à 3 ans
Sur l’abaissement de l’âge d’instruction à 3 ans, le Sénat note qu’il n’a rien changé puisque 98% des enfants de cet âge étaient déjà scolarisés. Là où le taux est nettement plus faible, en Guyane et à Mayotte, le gouvernement se donne 6 ans pour atteindre cet objectif, sacrifiant pou rle Sénat des générations. Cela n’empêche pas le Sénat de regretter que les enseignants n’aient pas été accompagnés pour la mise en oeuvre de cette mesure dont ils viennent de souligner l’inexistence et de demander des formations. Le Sénat évoque aussi le coût de ma mesure pour les communes et l’Etat pour regretter que les communes ne soient pas traitées à égalité dans les indemnités versées par l’Etat du fait de la prise en charge obligatoire des maternelles du privé. Le Sénat se garde bien de dénoncer que cette mesure n’a eu comme objectif que ce transfert massif (estimé à 100 millions) d’argent public vers le privé. Le Sénat demande que les directeurs d’école puissent gérer eux mêmes les aménagement d’assiduité des petites sections. Plus intéressant est le passage sur la scolarisation à deux ans, victime des mesure d’économie de JM BLanquer. Le taux de scolarisation à deux ans qui avait atteint 35% est descendu à 9% alors même qu’un mouvement inverse se fait dans les autre spays de l’OCDE. Là aussi le Sénat ne demande pas de relever le taux mais se borne à demander de la formation pour les enseignants…
Le Sénat écarte les créations de postes
La priorité à l’école primaire a été sans doute la politique la plus mise en avant par JM BLanquer, faisant oublier qu’elle avait démarré dès 2012. Le Sénat remarque que les dédoublements en Rep et Rep+ » n’ont pas permis une inversion franche des difficultés scolaires rencontrées par les élèves de REP et REP + » avec notamment un effet faible en Ce1. Le Sénat interroge les moyens pour mettre en oeuvre cette politique. Il y a aussi le plafonnement à 24 élèves hors éducation prioritaire des mêmes classes. » Les rapporteurs s’interrogent sur l’adéquation entre les besoins humains à la suite de ces annonces et les moyens mis à disposition par l’éducation nationale. En effet, ces deux mesures – dédoublement et plafonnement – nécessitent 19 300 emplois », relève le Sénat dont 2600 pour le plafonnement. Or seulement 7079 ETP ont été créés sous le quinquennat. Il est vrai que seuls 15 400 ETP sont nécessaires sur cette période, le plafonnement devant se prolonger après 2022. » Les rapporteurs appellent à une vigilance toute particulière dans le déploiement de cette mesure, alors même que d’autres annonces gouvernementales sont également consommatrices de moyens humains supplémentaires dans le primaire. Tel est le cas du renforcement des temps de décharges des directeurs d’école : sur l’année scolaire 2021-2022, cela correspond, selon les documents budgétaires à 643 ETP. » Ils craignent des fermetures d’écoles rurales et l’assèchement des remplacements. Mais le Sénat ne demande pas de recruter davantage d’enseignants. Il se limite à demander des formations notamment pour les enseignants de Ce2 , là où des élèves de Rep passent brusquement de petites classes à des groupes plus importants.
Et la revalorisation
La réforme du lycée n’est pas plus remise en cause. Le rapport souligne « des choix novateurs » de spécialités pour la moitié des élèves, alors que la réforme ne réalité a reconduit les inégalités sociales et de genre et reconstitué la filière S. Le Sénat est sensible à l’argumentation des associations mathématiques mais e borne à demander « un enseignement de mathématiques pouvant prendre la forme de maths appliquées » pour tous les élèves du cycle terminal sans préciser la durée , qui pourrait n’être que d’une heure. Surtout le Sénat veut améliorer l’orientation en inscrivant les 54h dans la DHG et améliorer la DHG des petits lycées pour améliorer leur offre ou assurer un enseignement à distance pour les spécialités non proposées dans ces lycées.
Reste l’attractivité du métier enseignant. On pourrait attendre un vrai effort de revalorisation des enseignants. Le Sénat se limite à demander une « accélération des rendez vous de carrière afin d’améliorer la rémunération des enseignants », une mesure qui aurait à peu près le même impact que la revalorisation Blanquer. Pour le Sénat l’attractivité passe par une meilleure formation des enseignants qui devraient faire davantage de stages, ce qui est aussi un moyen de réaliser des économies…
Continuer les réformes Blanquer
A la lecture de ce rapport on reste bien sur sa faim. Le rapport ne condamne pas les réformes Blanquer. Il se borne à proposer des améliorations marginales et peu originales, comme le recours systématique aux formations pour régler des problèmes systémiques. Interrogé par le Café pédagogique, Max Brisson, sénateur LR qui est un des rapporteurs avec Annick Billon (PS) et Marie Pierre Monnier (centriste), et un des orateurs les plus suivis au Sénat sur les questions d’éducation, nous dit que le rapport « a cherché ce qui était consensuel » entre les différents courants du Sénat car « l’école a besoin de points de vue partagés ». « Nous estimons qu’il faut laisser vivre les réformes », ajoute-il. « On est en termes d’ajustements, d’accompagnement des orientations prises qui nous semblent en phase avec ce qu’attend la majorité des professeurs de terrain ». Le 2 décembre il promettait pourtant « la rupture » en matière d’éducation après 2022. En cas de victoire de la droite, ce ne sera pas le cas.
François Jarraud