JM Blanquer ne devait plus faire de vagues. C’est raté. Il réussit à mobiliser à nouveau tous les syndicats du premier degré. Ils demandent la suspension des évaluations de mi-CP qui viennent d’être maintenues par le ministère et qui doivent avoir lieu à la rentrée des congés de février. Pour les syndicats, cette mesure qui intervient dans une période très difficile pour les écoles, est purement dogmatique. Les syndicats préviennent : ils s’opposeront à toute sanction contre des enseignants qui ne les feraient pas passer. Voilà le gouvernement pris entre deux exigences : ne plus faire de vagues avec les enseignants et maintenir un fleuron de la politique scolaire du candidat Macron…
A nouveau l’unanimité syndicale
L’esprit du 13 janvier n’est pas mort. Tous les syndicats du premier degré, Snuipp fsu, Se Unsa, FO, Sgen Cfdt, Cgt, Sud, Snalc et Sne, menacent ensemble le ministre de l’éducation nationale. Motif : le maintien des évaluation de mi-CP.
« Depuis deux mois, la vague Omicron a eu, dans les écoles, des conséquences catastrophiques avec des absences d’élèves, d’enseignants et d’AESH qui n’ont pas permis à tous les élèves d’apprendre et de progresser », écrivent-ils dans un communiqué commun. « Tous les professionnels font le constat d’une difficulté accrue des apprentissages, d’une perturbation du rythme de travail, du fait de collectifs classes abimés où les habitudes nécessaires à des apprentissages efficaces sont à reconstruire. A la reprise des vacances de février, les élèves et les enseignants auront besoin de sérénité pour réparer l’école et reconstruire les apprentissages ». Ils avaient demandé avant les vacances l’annulation des évaluations de mi-CP reportées car infaisables en janvier.
Pour les syndicats, la décision ministérielle de maintien de ces évaluations est « dogmatique ». « De l’aveu même de la DEPP (direction de l’évaluation du ministère), ces évaluations ne pourront même pas être utilisées en comparaison des années précédentes du fait de leurs conditions perturbées de passation et des conditions d’apprentissage dégradées depuis la rentrée », expliquent-ils. » Non, l’urgence n’est pas d’imposer ces évaluations. L’urgence est de soutenir pleinement les personnels de terrain dans le difficile tissage des liens pédagogiques rompus par des semaines de crise, pour réengager tous les élèves dans les apprentissages et limiter le creusement des inégalités scolaires. L’urgence est aussi de redonner confiance à tous les élèves, ce qui ne peut commencer par la présentation d’une liste de manques et de fragilités à leur famille ».
Les syndicats menacent. « Les organisations syndicales, de façon unitaire et unanime, réaffirment leur exigence de suspension des évaluations CP. Elles rappellent leur opposition à toute forme de sanction qui toucheraient des enseignantes et enseignants refusant la passation des évaluations nationales de mi CP ».
Pour le ministère, un maintien à la demande des enseignants
Les évaluations de mi CP ont été reportées en raison de la situation sanitaire en janvier. Le 15 février le ministère a annoncé leur maintien et leur passation au retour des congés. Très précisément , les évaluations auront lieu du 28 février au 11 mars en zone B, du 7 au 18 mars en zone A et du 14 au 25 mars en zone C. Les cahiers seront les mêmes que l’an dernier.
Le motif de leur maintien donné par le ministère c’est que ces évaluations sont indispensables… pour les enseignants. Il se base sur des réponses d’enseignants aux évaluations de cette rentrée. 55% des enseignants ont déclaré que les évaluations servent à déceler des difficultés des élèves. Une réponse très officielle avec un taux très élevé par rapport aux années précédentes.
Mais cet argument ministériel s’inverse. Au bout de 4 ans la moitié des enseignants de CP ose déclarer que ces évaluations ne leur servent à rien. Et puis il s’agit des évaluations de mi CP dont l’importance est peut-être moindre que celle d’entrée en CP, les enseignants ayant eu plusieurs mois pour connaitre leurs élèves. En août 2020, une étude de la Depp montrait que seulement 30% des enseignants jugeaient l’évaluation de CP utile pour découvrir des difficultés d’élèves. Elle sert surtout pour se justifier lors de rencontre avec les parents (65% des professeurs) mais très peu entre enseignants (27% l’utilisent en conseil d’école). Les seuls professionnels qui s’en servent sont les IEN qui déclarent à 90% qu’elle sert pour le plan de formation.
En ce qui concerne les évaluations de mi-CP de cette année, F Rosenwald, directrice de la Depp, reconnait que cette année on ne pourra pas comparer les évaluations à celles des années antérieures, qui ont eu lieu en janvier.
En lien avec la campagne d’E Macron
Alors pourquoi entrainer 780 000 enfants et leurs professeurs dans ces évaluations ? Les syndicats parlent d’une décision dogmatique. C’est qu’on touche là à l’héritage principal du ministre. JM Blanquer avait introduit de premières évaluations nationales au primaire quand il était Dgesco entre 2010 et 2012. C’est lui qui a ensuite généralisé comme ministre les évaluations nationales là où de simples échantillons suffiraient pour évaluer le niveau des élèves.
S’il l’a fait c’est que ces tests sont la base du nouveau management public que ce gouvernement veut affirmer dans l’école. Ce que mesurent ces évaluations ce n’est pas vraiment le niveau des élèves. C’est leur capacité à répondre au test, comme le montrent les études sur les test similaires développés outre-Atlantique. C’est aussi l’évaluation individuelle de chaque enseignant, comme la Depp elle-même l’a montré en 2015. On a ainsi une base pour calculer le « mérite » de chaque professeur et , en l’occurrence, son « rendement » entre septembre et janvier.
Ces principes du « nouveau management public » sont décrits dans les livres de JM BLanquer. Ils pourraient aussi se retrouver dans le futur programme du candidat Macron. Supprimer ces évaluations serait faire un pas en arrière par rapport à ce programme en devenir. Le gouvernement est pris entre deux urgences : affirmer son oeuvre scolaire en vue des présidentielles et ne plus faire de vagues avec les enseignants. Il lui reste l’issue de fermer les yeux…
François Jarraud
Le ministère maintient les évaluations