On croyait le monde enseignant en état d’hibernation. On avait tort. La journée du 13 janvier a montré que c’était juste une hivernation : le réveil a été prompt. Et les effets puissants. Sur cet élan, il lui reste juste un trimestre pour bloquer la nouvelle école qu’on lui prépare.
Il y a des leçons à ne pas oublier. Le 13 janvier en est une. Il aura fallu une journée seulement de mobilisation de l’ensemble des personnels de l’Ecole pour que le ton change au gouvernement. Tout d’un coup les syndicats sont vraiment consultés et on répond à leurs questions. Tout d’un coup on se soucie des enseignants en liste complémentaire. Tout d’un coup on écrit aux enseignants avant de faire les plateaux télé. Tout d’un coup on pèse ses mots sur ces plateaux. Et même on s’y fait un peu oublier.
Les enseignants avaient déjà vu l’effet de leur mobilisation lors de la loi Blanquer. Mais ils l’avaient oublié. Il faut espérer que le 13 janvier ne le soit pas de sitôt.
Parce que ce qui se dessine aux élections présidentielles c’est une vraie rupture avec l’Ecole actuelle. Le programme de Valérie Pécresse, qui a toutes ses chances d’être au second tour, fragmenterait l’Ecole. Elle veut recréer des filières dès le collège, un système que le général de Gaulle a supprimé. Surtout elle veut donner une très large autonomie aux établissements publics aussi bien en ce qui concerne les programmes que les personnels. Le chef d’établissement aurait le pouvoir de recruter les enseignants et aussi de fixer leur paye à travers un contrat de 5 ans.
On ne connait pas le programme éducation d’Emmanuel Macron, lui aussi promis au second tour. Mais ce qu’il a imaginé pour les écoles de Marseille est tout à fait cohérent avec le programme de V Pécresse. Le propos sur le « nouveau métier enseignant », avant la pandémie puis lors du Grenelle de l’éducation va aussi dans le même sens. Peut-être E Macron n’ira t-il pas jusqu’à privatiser les établissements publics. Mais les enseignants se verraient soumis à une autorité locale beaucoup plus forte et leur rémunération dépendrait aussi des missions que le chef d’établissement ou le directeur voudrait leur confier.
Les enseignants ont fait une remarquable, quoique brève, démonstration de force. Ils peuvent peser sur la campagne électorale. S’ils ne le font pas, ils seront les premières victimes du nouveau pouvoir. Il leur reste 3 mois pour être convaincants.
François Jarraud