Cacophonique. Il n’y a nul autre adjectif pour décrire la situation dans les écoles lundi 3 janvier. Enseignants absents, élèves absents, protocole illisible, cas contacts isolés puis finalement non… Bref, rien ne va plus dans les écoles. On avait presque l’habitude avec JM Blanquer. Mais l’annonce du nouveau protocole dans un article payant le dimanche en fin de journée passe très mal chez les enseignants et enseignantes.
Dans les écoles, directrices et directeurs sont complètement submergés. Lundi matin, ce sont eux qui ont dû répondre aux interrogations de leurs collègues et aux inquiétudes des parents. Lorsqu’ils ont pu commencer à apporter un début de réponse c’est après avoir passé leur weekend à guetter les informations sur les conditions de cette rentrée particulière. Pour une grande majorité d’entre eux, dimanche a été consacré à recenser les enseignants qui prévoyaient d’être absents, à prévenir les parents, à envoyer des mails à la circonscription… Bref, un dimanche de vacances consacré au travail. Du côté des enseignants et enseignantes, les questions sont multiples. Dans quelles conditions accueillir les élèves ? que fait-on si on est cas contact ?
La pêche aux informations
Pour Henda Zine, professeure des écoles à l’école maternelle Nanteuil de Montreuil (Seine-Saint-Denis), la question était tout simplement de savoir si elle devait se rendre à l’école ou pas. En effet, depuis quelques semaines, elle héberge un ami, personnel soignant. Le samedi 25 décembre, il présente les premiers symptômes du Covid. Lundi 27, cela se confirme. Suspicion d’Omicron car les premiers résultats ne montraient pas les trois mutations du variant Delta. Henda évite donc au maximum les interactions sociales et décide de s’isoler au sein de son appartement de trois pièces avec ses trois enfants. Elle fait un test et en fait faire un à ses enfants, même son petit garçon de quatorze mois. Tests qui s’avèrent négatifs. Selon le protocole en vigueur le 1er janvier, Henda aurait dû rester chez elle pendant 17 jours, ses enfants aussi. « Je n’ai pas reçu d’appel de l’assurance maladie qui semble submergée par cette nouvelle vague de contamination ». Elle part à la pêche aux informations dès le vendredi précédant la rentrée scolaire. MGEN, assurance maladie, l’enseignante passe ses journées à téléphoner afin d’avoir une réponse claire sur la marche à suivre pour elle et ses enfants : doivent-ils retourner au collège, à l’école et chez la nounou ? Une recherche laborieuse. C’est par voie de presse qu’Henda apprend dimanche matin que finalement il n’y a plus d’isolement pour les cas contacts. « J’ai lu qu’il n’y avait plus de distinction selon les variants. Concernant les contaminations intrafamiliales, rien n’était clair ». Elle décide, finalement, de refaire avec son fils (collégien) un test le dimanche, avant de retourner devant ses élèves de petite section, élèves non masqués. Résultat négatif. Sa fille en MS, non vaccinée et non masquée est retournée en classe, et son petit garçon chez la nounou. Une situation qui ne cesse d’angoisser Henda.
Un dimanche consacré à préparer la rentrée
Christine Leroy est directrice d’école élémentaire sept classes au nord de Rennes. « J’ai appris dimanche matin que deux collègues étaient positives au Covid. J’ai envoyé un mail aux familles dès le dimanche après-midi en prévenant qu’il n’y aurait surement pas de remplaçant ». Information confirmée lundi matin, aucun enseignant remplaçant n’est disponible dans toute la circonscription. « Heureusement, seulement quelques enfants se sont présentés, les parents n’avaient pas lu le mail. Ils sont venus très rapidement lorsque je les ai contactés. Les parents jouent le jeu, ils sont agacés par le non remplacement et commencent à se plaindre à l’inspection ». Christine n’a qu’un jour de décharge par semaine, le lundi. Alors la rentrée a été très compliquée. « Heureusement que je travaille dans une équipe soudée. Les voisins de classes surveillent mes élèves pendant je fais tout ce travail ». Les absences sont aussi très nombreuses au niveau des élèves. « Nous sommes à vingt élèves absents sur 120 élèves normalement présents. Ce sont soit des cas contacts ou positifs. Les parents ne sont pas très au fait du nouveau protocole, alors je les appelle pour les informer que si les enfants sont cas contact et qu’ils présentent un test négatif, ils reviennent à l’école ».
Beaucoup de questions et d’incompréhension
Caroline Marchand est co-secrétaire départementale du SNUIpp-FSU 93. Le téléphone du syndicat ne cesse de sonner depuis lundi. « On reçoit beaucoup d’appels de collègues perdus face au nouveau protocole : isolement ou pas ? Des questions et aussi de l’incompréhension quant à la gestion des contacts intrafamiliaux. Beaucoup ne comprennent pas que lorsqu’un parent est positif, l’enfant ne soit pas s’isoler même si des tests sont prescrits. Faire un autotest à un élève est loin d’être évident pour tous, surtout avec les petits ». Inquiétude partagée par les médecins scolaires qui ont sollicité l’ARS pour savoir s’il était bien raisonnable de laisser en classe les cas contacts intrafamiliaux surtout en maternelle où les élèves ne sont pas masqués. « L’ARS a répondu que contacts intrafamiliaux ou pas, ce sont les mêmes conditions. On ne comprend pas cette position ». Sur le département, le syndicat estime à 400 les classes fermées à cause du non-remplacement. « Le ministère n’a pas anticipé. Et puis, même avant les absences Covid, ils n’arrivaient pas à recruter des enseignants, ce n’est pas aujourd’hui que cela va changer. Dans notre département, nous avons déjà près de 10% des enseignants qui sont contractuels ».
Dans l’école où exerce Caroline, à Pierrefitte-Sur-Seine, sur onze enseignants et enseignantes, cinq étaient absents dont la directrice. « Les parents ont été prévenus dès le weekend. Il y a eu très peu d’enfants ». Mais là aussi il y a énormément d’élèves absents, « soit ils sont malades, soit leurs parents mais on note aussi beaucoup de peur de la part des familles, peur que leurs enfants soient contaminés à l’école».
Pacôme Dumoulin est PE remplaçant dans l’académie de Versailles. Cas contact Omicron au sein de son foyer, il est placé à l’isolement le 21 décembre pour 17 jours avec un retour en classe prévu le 6 janvier sur ordre de l’assurance maladie. Alors lorsqu’il reçoit un mail de l’inspection le dimanche qui indique qu’il n’y a plus d’isolement pour les cas contacts, il vérifie à nouveau avec l’assurance maladie, qui invalide l’information transmise par l’IEN. Il décide de contacter la cellule RH dédiée au Covid au sein du rectorat de Versailles. « Ils m’ont confirmé que si on était cas contact avant le 3 janvier, les anciennes mesures s’appliquaient, soit mise à l’isolement 17 jours pour les cas contacts Omicron. Pour les personnes cas contact intrafamilial après le 3 janvier, pas d’isolement ». Une situation assez ubuesque. Surtout lorsque l’on sait que dans le 93, la décision est rétroactive selon Caroline Marchand. « Très peu de gens ont des informations concrètes, c’est laissé à la libre interprétation de chacun des acteurs » ajoute l’enseignant remplaçant.
Cela devient une habitude sous l’ère Blanquerienne, enseignants et enseignantes se démènent comme ils peuvent avec les bribes d’informations qu’ils glanent dans les médias – souvent dans des articles payants. Sur le terrain, on constate que l’assurance affichée par le ministre de l’Éducation est loin de s’appuyer sur le vécu des enseignants et enseignantes. Encore de la communication, à croire que depuis bientôt cinq ans, ce Ministre a été celui de la communication plus que celui de l’éducation…
Lilia Ben Hamouda