« Ce que ça m’apporte ? Un peu d’insécurité ». Anna Dreuil enseigne les SES au lycée Kessler et au lycée Nouvelle chance de Cergy (95). Son intérêt pour le Monopoly des inégalités, un jeu imaginé par l’Observatoire des inégalités, dépasse le goût de l’aventure pédagogique. Le jeu permet aux élèves d’incarner les inégalités et de les vivre de façon distanciée et rapide. de quoi éveiller leurs questionnements et construire des savoirs.
Un Monopoly avec d’autres règles
« Je l’utilise surtout pour sensibiliser les élèves à la découverte des SES en première ou en début du chapitre sur les inégalités en terminale ». Le Monopoly des inégalités utilise le même plateau que le célèbre jeu. Mais les cartes chance sont différentes et les élèves incarnent des personnages qui ne vivent pas les mêmes règles que leurs camarades. les filles touchent moins d’argent en passant par la case « Départ », les personnages en situation de handicap avancent moins vite que les autres et ne peuvent pas accéder aux gares, certains joueurs n’ont qu’un seul dé pour jouer, ou doivent s’arrêter régulièrement pour un contrôle au faciès, etc. Quand il s’agit de tirer une carte chance là aussi elle entraine des actions différentes selon les joueurs.
« Cela permet aux jeunes d’expérimenter à travers leur personnage les inégalités dans de nombreux domaines de manière distanciée », explique A Dreuil. « Ils comprennent par exemple le caractère cumulatif des inégalités ».
Qui a gagné ? Pas évident…
En classe , avec l’aide du guide du jeu, les élèves travaillent avant de jouer pour identifier les inégalités. Après le jeu, qui dure une demi heure, Anna Dreuil anime un échange avec eux. « Je leur demande qui a gagné et pourquoi. Ils ne sont pas tous d’accord. Certains identifient que les plus riches au final gagnent. D’autres font gagner les plus méritants. J’axe alors la discussion sur la lutte contre les inégalités et ses outils qui sont abordés dans le jeu. Le jeu fait aussi émerger des représentations. Il implique les élèves ».
Mais, dans les temps actuels, les professeurs ne doivent ils pas donner une vision positive de la société ? « Le jeu a réfléchi à cette question », nous dit A Dreuil. « Il n’est pas déprimant car il permet d’aborder des moyens concrets pour corriger les inégalités. Par exemple la fiscalité : sur certaines cases certains joueurs doivent payer et leurs versements vont à d’autres joueurs plus défavorisés. Le jeu donne la possibilité d’une mobilité sociale. Il n’est pas fataliste. Et d’une façon plus générale, les élèves ont déjà connaissance des inégalités. Les dévoiler les inégalités ce n’est pas déprimer. C’est ouvrir des possibilités d’action ».
Derniers atouts du jeu : le Monopoly des inégalités , qui sera bientôt disponible sur le site de l’Observatoire des inégalités, comporte un guide pédagogique très bien fait. « Il permet aussi de travailler dans une ambiance agréable ». Et ça aussi ça n’a pas de prix.
François Jarraud