Les solutions proposées par la Cour de Comptes pour faire face aux absences non remplacées sont elles viables ? Nous avons interrogé Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes Fsu, et Stéphane Crochet , secrétaire général du Se-Unsa. Quatre questions pour faire le tour du rapport de la Cour des Comptes.
La Cour des Comptes propose d’assurer les remplacements des enseignants absents an généralisant l’annualisation des services. Qu’en pensez-vous ?
S. Vénétitay : On a toujours dit que ce n’est pas la solution. Pour pouvoir remplacer les professeurs absents il faut des moyens de remplacement. Or on voit de plus en plus de TZR affectés sur des postes du fait de la crise de recrutement. Dès lors qu’on n’a pas assez de monde pour faire les remplacements la continuité pédagogique n’est ps assurée. L’annualisation ne répond pas à la question des moyens.
S Crochet : C’est la rengaine habituelle qui semble vouloir dire que les enseignants ne feraient pas leurs heures. Il faut rappeler que le temps de travail va au delà des heures de cours. Et toutes les enquêtes disent que le temps de travail des enseignants ne cesse d’augmenter. Par ailleurs le recours massif aux heures supplémentaires fait reposer sur de moins en moins de personnes les possibilités de remplacement. On n’a plus de réserve. Les protocoles de remplacement fonctionnent s’il y a des professeurs disponibles. Or on a déjà beaucoup tiré sur la corde. Les jeunes qui envisagent de devenir enseignants ne lisent pas les rapports. Ils écoutent les enseignants en poste. Et ceux là ne leur conseillent plus d’entrer dans le métier comme le montre le Baromètre Unsa. A trop tirer sur la corde on va rendre ce métier insupportable.
La Cour veut modifier les obligations réglementaires de service (ORS). Qu’en pensez vous ?
S Crochet : C’est le même sujet. POur modifier les ORS encore faut il que les enseignants aient du temps libre. Ensuite regarder le remplacement que sous l’angle des heures de cours ne dit rien de ce qu’on fait durant ces heures. L’enjeu c’est la continuité des apprentissages, pas la garderie.
S Vénétitay : La Cour est dans une perspective de maitrise des dépenses publiques. Nous sommes dans une logique pédagogique et d’amélioration du système pédagogique. Or remplacer au pied levé un collègue cela nuit à un véritable remplacement. On ne reprend pas une classe au pied levé. Un cours ça se prépare. Dans la vision de la Cour la dimension pédagogique est totalement absente. Il s’agit de mettre quelqu’un devant les élèves pour afficher un mantra présidentiel.
La Cour remet en question les accords PPCR. Qu’en pensez vous ?
S Vénétitay : Ce n’est pas surprenant car on est dans une logique manageriale avec la volonté de donner davantage de pouvoir aux chefs d’établissement. Les accords PPCR ont apporté des gains salariaux substantiels et ont permis à tout le monde d’avancer plus vite. Cette remise en cause renvoie à l’individualisation et à une relation directe au supérieur hiérarchique qui peut être source d’arbitraire. J’aimerais qu’on me montre comment le management va améliorer le système éducatif…
S Crochet : Ca semble vouloir dire que les enseignants pourraient faire plus pour avoir un bonus. Franchement aujourd’hui ils donnent beaucoup.Pas pour leur carrière mais pour aider leurs élèves. Ces approches déconnectées de la réalité vont finir par décourager ceux qui s’échinent tous les jours à faire classe. Le découragement de la profession devient de plus en plus palpable.
A votre avis pourquoi publier ce rapport maintenant ?
S Crochet : La Cour a publié un rapport identique en 2017 au moment des présidentielles. Ce rapport dépeint une école mal gérée. Mais il ne reconnait pas qu’on lui demande tous les jours davantage et que le métier devient plus difficile. Compte tenu du démarrage de la campagne des présidentielles on peut craindre les angles sous lesquels le rapport sera regardé. L’école a été l’objet de toutes les attentions notamment au moment de l’assassinat de S Paty et pendant la crise du covid. Finalement on revient à des approches comptables qui nient la complexité et les défis du métier.
S Vénétitay : Il y a la volonté de mettre la question du statut des esneignants dans le débat public. Est-ce une façon de préparer le terrain à des projets politiques ? En tous cas le rapport passe sous silence la question des moyens de remplacement. On va parler de l’absentéisme des enseignants et on oubliera tout ce qui a pu être dit sur l’engagement des enseignants pendant la crise.
Propos recueillis par F Jarraud