Avant qu’une réforme profonde diminue peut-être sa capacité de conseil, l’Inspection générale livre en forme de rapport annuel une étude sur l’orientation de la 4ème au master. Il préconise de créer de nouveaux outils d’orientation post troisième et post seconde mais aussi de mettre au clair les attendus ministériels en matière d’orientation. Enfin il demande une réelle relance du Parcours Avenir.
Carences et inégalités
Dans le système éducatif français l’orientation a longtemps été un outil pour assurer le tri des meilleurs et éliminer ceux qui étaient jugés moins bons. Or, comme le remarque le rapport, la sélection opérée était et reste marquée par des inégalités de genre et sociales. Une hiérarchie scolaire implicite s’est bien installée dans le système éducatif qui entre en contradiction avec le discours sur l’égalité des voies de réussite . » Les constats établis dans ce rapport mettent à mal l’idée d’une « orientation choisie » pour tous. Nonobstant de réelles avancées en matière d’information, de développement d’outils et de dispositifs d’accompagnement des élèves et des étudiants ou encore de lutte contre le décrochage, comment expliquer la permanence de choix d’orientation aussi genrés ? Comment comprendre la concentration des élèves et des étudiants dans quelques formations sans lien avec l’offre existante ? Comment interpréter la présence d’inégalités territoriales importantes en matière d’offre de formation ? », dit le rapport.
Le rapport souligne aussi les carences dans le dispositif d’orientation. » Malgré l’existence d’initiatives locales encourageantes qu’il convient de recenser et de diffuser, l’absence d’une coordination effective des différents acteurs et la faible lisibilité des stratégies mises en oeuvre au sein des établissements conduisent à reléguer à la périphérie du système une question pourtant centrale dans le cadre de la construction des parcours. Ainsi, tout en reconnaissant le rôle des professeurs principaux et des psy-EN dans le secondaire et des SCUIO-IP dans le supérieur, nombre d’élèves et d’étudiants continuent de nourrir leur « projet d’orientation » et leur « projet professionnel » au seul sein de la sphère familiale ».
Un pilotage à revoir
Mais pour changer cela, il demande davantage de clarté dans le pilotage. » Dans un contexte de réformes systémiques, la nécessité de faire converger l’action des différents acteurs au-delà des professeurs principaux ou encore des professionnels de l’orientation implique que soient énoncés clairement les objectifs ministériels poursuivis en matière d’orientation à travers un texte de politique générale qui précise les compétences respectives des différents acteurs et ce qui est attendu de chacun d’entre eux. Il est en outre essentiel de soutenir l’action de celles et ceux qui, bien que convaincus de l’importance d’accompagner les élèves et les étudiants dans la construction de leurs parcours, continuent de se heurter à la difficulté d’objectiver l’analyse des parcours des élèves et des étudiants faute de bénéficier eux-mêmes d’une formation et/ou d’un accompagnement… Au plan local, c’est toute l’organisation du lycée, le fonctionnement des instances, le système de représentation des élèves et des familles, le rôle du conseil de classe qui se trouvent remis en question. Au plan territorial, le décloisonnement de l’appareil de formation inhérent à la notion de parcours promue par les réformes actuelles interroge l’effectivité du principe de réversibilité. Si ce dernier dépend du degré de porosité des divers dispositifs de formation, il est cependant pour partie lié à la façon dont les acteurs en région se saisiront de leurs nouvelles prérogatives en matière d’orientation et d’offre de formation. De toute évidence, la reconfiguration régionale, d’un côté, la réforme territoriale sous-tendue par les principes de simplicité, de proximité et d’efficience16, de l’autre, posent en de nouveaux termes la question du rôle respectif de chacun des niveaux de décision et notamment celui des niveaux infrarégionaux (académies, départements, établissements) en matière de cartographie de l’offre ou encore d’orientation. ».
On le voit le rapport demande une réorganisation de haut en bas de l’orientation et ne se limite pas à la traditionnelle lamentation sur le peu d’implication des professeurs principaux.
Aussi dans les préconisations on relève la nécessité de « définir dans un texte de politique générale les attendus ministériels en matière d’orientation. La coordination des nombreux acteurs censés intervenir auprès des élèves et des étudiants nécessite de préciser ce que les ministères attendent précisément de chacun d’entre eux et à quel projet commun ils contribuent. Bien que ces acteurs puissent se référer à des textes précisant leur rôles et missions, ces textes en l’état ne font pas système. Or, c’est de l’action du plus grand nombre, en particulier les enseignants, appuyée par celle des professionnels de l’orientation, les psychologues de l’éducation nationale, action par ailleurs convergente avec celle des parents, que l’on peut attendre des avancées significatives en matière d’accompagnement et d’aide à l’orientation. ».
Des outils pour les familles et les établissements
De même le rapport demande « de rationaliser et d’harmoniser les outils éditoriaux proposés aux usagers et aux acteurs » par l’Onisep et le Cidj.
D’autres outils sont jugés nécessaires : » créer à l’instar de Parcoursup un univers décisionnel de nature à permettre de produire des analyses plus fines en matière d’affectation des élèves au plan national ». Il s’agit bien de doter le niveau national des outils nécessaires àl’analyse de l’orientation.
Le rapport pense aussi à l’information des familles. » Formaliser systématiquement dans le cadre d’une information à destination des parents la nature et les modalités de l’accompagnement et de l’aide à l’orientation des élèves mis en place dans l’établissement. Rendre publique l’organisation retenue sur le site web de l’établissement. Doter les directions d’établissement du secondaire des outils leur permettant de procéder au suivi des élèves ayant quitté l’établissement. Dans le cadre de l’évaluation des établissements et afin de leur permettre de s’autoévaluer, mettre à disposition des établissements les résultats de cohortes réelles à partir de l’identifiant élève ».
Le rapport invite à une véritable reconstruction de l’orientation en mettant au centre une relance du Parcours Avenir, présenté comme l’outil principal d’une orientation construite. « Relancer la dynamique du parcours Avenir afin d’en faire un véritable outil destiné à lutter contre les clichés et les stéréotypes qui entourent les métiers et les formations ».
Une certification pour les enseignants ?
Des recommandations concernent aussi les enseignants. » Faire évoluer l’organisation et les modalités du conseil de classe en lycée compte tenu des évolutions liées à la réforme du baccalauréat », ce qui reste encore assez mystérieux tellement la réforme du lycée a quasiment aboli la notion de classe. En tous cas le travail de préparation et de suivi des élèves qui pouvait être mené par le professeur principal de la 2de à la terminale est rendu beaucoup plus compliqué quand il n’arrive même pas à connaitre tous les élèves de la classe qu’il a en charge.
L’Inspection propose aussi de jouer sur la carrière des enseignants pour les forcer à l’impliquer dans l’orientation. » Former les personnels enseignants à l’orientation. Intégrer des modules de formation à l’orientation dans le cadre de la formation initiale et continue. Ces modules de formation donneront lieu à la délivrance d’une attestation qui sera prise en compte dans le déroulement de carrière des personnels ». C’est une façon de ne pas voir l’existence de cultures professionnelles différentes alors même que la formation initiale n’est toujours pas claire là dessus. Une réflexion allant un peu plus loin que la carotte et le baton ne serait peut etre pas inutile…
Enfin l’Inspection veut » Institutionnaliser dans le cadre des projets académiques et des projets d’établissement le principe des Cordées de la réussite ». Ce dispositif est présenté , comme le parrainage, comme la solution aux difficultés des jeunes. Le budget 2022 revalorise d’ailleurs fortement le soutien ministériel aux Cordées. Celles ci n’ont pourtant eu pour le moment que des rapports d’évaluation plutot négatifs et n’ont pas fait leur preuves. Elles sont pour le moment surtout des éléments de communication politique.
Dernier point du rapport : alors que l’orientation scolaire est devenue une compétence régionale, le rapport accorde peu de place à cette réalité. Sur ce point là aussi il est en dessous de la réalité que les jeunes et les familles constatent. Dans les lycées, les heures théoriquement dévolues à l’orientation ne sont pas financées et souvent n’ont pas lieu. Les interventions régionales se sont rarement matérialisées. Comme l’a bien montré A Van Zanten, l’orientation est travaillée de façon très différente et socialement inégalitaire entre les établissements. Les familles qui ont le plus besoin d’aide sont les jouets des forums d’orientation où les logiques commerciales sont reines.
François Jarraud