Le Café pédagogique ne peut pas louper l’événement. Un colloque universitaire internationale entièrement dédié à l’école primaire, c’est une première en France. Et le Café vous en parlera toute cette semaine. À l’initiative du laboratoire EMA de l’université CY Cergy Paris Université, le colloque « L’école primaire au 21ème siècle » s’est doté d’un comité scientifique impressionnant avec cent-cinquante-six chercheurs français et internationaux. Cinq cents communicants présenteront leurs travaux et/ou communications et plus de six cents professionnels sont attendues pour suivre les débats. Bruno Robbes et Marie-Laure Elalouf, tous deux co-présidents de l’évènement, répondent à nos questions.
Pourquoi un colloque dédié à l’école primaire ?
Bruno Robbes : Nous sommes partis du constat qu’aussi étonnant que cela puisse paraitre, aucune manifestation scientifique d’ampleur n’avait été consacrée à l’école primaire en France depuis très longtemps. En fait, nous n’avons pas trouvé trace qu’un colloque aussi important ait déjà été organisé… Or, l’école primaire française est l’objet de beaucoup d’attentions, sans que l’on sache toujours ce qui s’y fait vraiment. Elle connait de multiples transformations et de vifs questionnements qui surgissent, avec passion ou tragiquement, dans l’actualité. On parle beaucoup actuellement du rôle des directrices et directeurs, du travail et du salaire des professeurs des écoles. Il y a quelques temps, l’école maternelle ou les rythmes scolaires étaient à la une. Régulièrement, les apprentissages dits « fondamentaux », les réformes des programmes qui se sont accélérées depuis une vingtaine d’années, l’inclusion des élèves en situation de handicap, les demandes sociales des parents à l’égard de l’école publique ou la possibilité d’y faire exister des pratiques pédagogiques alternatives font débat. Toutes ces raisons expliquent pourquoi ce colloque est si important.
Quelle en est la particularité ?
Marie-Laure Elalouf : La particularité de ce colloque est d’avoir proposé différents types de contributions qui rendent compte des circulations entre terrain, formation, recherche. Des équipes pédagogiques, des partenaires associatifs ou institutionnels présenteront des expérimentations pédagogiques. Des équipes de formateurs – notamment en INSPÉ – analyseront aussi les évolutions des scénarios de formation ou encore, proposeront des symposiums recherche-formation. Ces propositions entrent en résonnance avec les contributions scientifiques de chercheurs et chercheuses – sous formes de conférences, de tables rondes, de posters, d’ateliers et de symposiums.
Les grands événements se dérouleront à Cergy, mais ils seront retransmis sur les autres sites de l’INSPÉ, Antony, Évry, Gennevilliers, Saint-Germain-en-Laye. En outre, le mercredi 13 octobre, un programme spécifique a été conçu en étroite collaboration avec les équipes de formateurs de ces sites, chacun ayant proposé des initiatives originales. Des communicants se déplaceront sur tous les sites. Cinq cents personnes supplémentaires sont attendues.
Autre particularité, de nombreux étudiants et stagiaires ont été impliqués à différents niveaux : les étudiants de licence de sciences de l’éducation vont interviewer des chercheurs, ceux du master « médiation culturelle » présenteront l’exposition du musée de l’éducation, les étudiants futurs professeurs des écoles, travailleurs sociaux, en formation de formateurs suivront les échanges…
Quels sont les enjeux de ce colloque ?
Bruno Robbes : Ils sont nombreux. Il s’agit d’abord de dresser un état des recherches sur toutes les questions qui concernent l’école primaire française, y compris dans une perspective de compréhension des mutations des systèmes d’enseignement à l’international. Nous pensons aux conférences sur l’école maternelle ou sur la gouvernance à l’ère du new public management.
Deux problématiques singulières feront l’objet de tables rondes. Celle de la polyvalence, peu étudiée et aux contours mal définis. Par contraste, beaucoup de maquettes de formation ont des entrées principalement disciplinaires, que l’« appel aux fondamentaux » vient renforcer. L’autre problématique est celle de la forme scolaire, que nous questionnons comme une réalité paradoxale. La forme « classe » reste dominante, malgré les tentatives de mises en place des cycles d’enseignement ou de la réforme des rythmes scolaires. Or, l’école n’a plus le monopole des savoirs, qu’il s’agisse de l’importance des « devoirs » à la maison, du marché du soutien scolaire, des critiques parentales à l’égard des pédagogies pratiquées, de l’instruction à domicile, d’Internet…
Ajoutons l’enjeu du travail enseignant, entre prescription institutionnelle et compétence professionnelle. On assiste en effet aujourd’hui à une multiplication de préconisations concernant les curricula, les savoirs, les méthodes d’enseignement, d’apprentissage, insuffisamment mises en débat scientifique. Ce mouvement s’opère notamment à travers une culture de l’évaluation pensée davantage en termes de résultat, de performance, que de processus, de soutien aux pratiques enseignantes et aux progrès des élèves. On n’étudie pas suffisamment en quoi ces pratiques recommandées auraient ou non des effets bénéfiques sur la qualité des apprentissages et la réduction des inégalités de réussite scolaire selon l’origine sociale des élèves. L’école française reste, on le sait, très inégalitaire.
Enfin, la question brûlante de la formation des professeurs des écoles fera l’objet de la conférence introductive. Elle sera aussi abordée le mercredi tout particulièrement, dans les très nombreuses contributions de chercheurs, de formateurs et/ou de professionnels.
Quel public vise-t-il ?
Marie-Laure Elalouf : Si le colloque est ancré dans l’académie de Versailles, il s’ouvre aussi aux professionnels qui y travaillent, à l’ensemble des professionnels et des chercheurs de France, et au-delà… En plus de la France métropolitaine et outremer, la Belgique, la Suisse, l’Italie, la Roumanie, la Tunisie, le Maroc, la Turquie, les États-Unis, le Canada, le Brésil seront représentés. Cent-cinquante-six chercheurs français et internationaux ont expertisé les contributions. Six cent cinquante personnes sont inscrites aux trois jours du colloque – 12, 13 et 14 octobre, et cinq cents supplémentaires le mercredi.
Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda