40 ans seulement l’EPS ? En 1981, sous Alain Savary, ministre de l’éducation nationale, l’EPS quittait le ministère des sports pour intégrer l’éducation nationale. Le 7 octobre, le Snep Fsu, syndicat hyper majoritaire des professeurs d’EPS, revenait sur ce tournant. Que signifie quitter les Sports pour entrer dans l’Education nationale ? A la fois pour les professeurs d’EPS, passés d’un grand corps des Sports à un petit dans l’Education nationale, et pour la discipline EPS elle-même ? Finalement les injonctions du retour au sport lancées en ce moment rappellent l’acculturation de 1981 dans l’éducation nationale et est peut-être simplement un retour de balancier…
Quels fondamentaux pour l’EPS ?
Avec plus de 600 professeurs d’EPS inscrits à cet événement, la question de la place de l’EPS dans l’éducation nationale a démontré sa pertinence. JM Blanquer y a aidé, a rappelé Benoît Hubert, secrétaire général du Snep Fsu, en relançant de « vieilles recettes » : les 30 minutes de « bouger » par jour, le 2S2C etc. Derrière ces sujets c’est bien la discipline qui est interrogée dans ses finalités et B Hubert veut aussi que cette réflexion ait lieu dans le contexte électoral actuel.
« On ne parle plus d’EPS mais de sport à l’école », dit B Hubert. « C’est une volonté de transformer notre discipline et de faire entrer d’autres acteurs. La stratégie vise à externaliser l’EPS ce qui n’est pas nouveau ». Il relève aussi que l’EPS est la seule discipline à avoir autant d’objectifs puisque accrochée par tous les « enseignements à ». « Résultant de l’intégration dans l’éducation nationale, l’EPS a besoin de justifier sans cesse sa place ». D’un coté le sport, de l’autre « une intellectualisation à outrance » dans le cadre de l’éducation nationale. B Hubert dénonce des dérives et appelle à « revenir aux fondamentaux ».
1981, une année tournant ?
Il revenait à Michael Attali (Rennes 2), ancien professeur d’EPS et historien, de revenir sur la façon dont l’intégration de 1981 s’est faite. Ou plutôt s’est refaite car l’EPS a été ballottée avant 1981 de ministère en ministère et il n’est pas certain que ce soit un vrai tournant, même si l’intégration a des conséquences sur les enseignants. Leur problème c’est d’intégrer ce grand corps sans perdre leur spécificité et celle de la discipline. Ce qui explique que le Snep ait refusé l’intégration avant 1981.
Sous Alain Savary, l’entrée de l’EPS s’accompagne d’un nouveau paradigme éducatif : l’EPS doit participer à la lutte contre ‘l’échec scolaire. Mais sur ce terrain, M Attali place la césure avant 1981. C’est dans les années 1970 qu’il y a un renouvellement de la discipline. On met l’accent sur le « comment apprendre », la didactisation, l’évaluation, les situations problèmes. C’est l’éducation nationale avant l’éducation nationale.
En même temps , l’EPS se détache des pratiques sociales avec des effets boomerang comme celui vécu par l’EPS en ce moment. Pour M Attali, « le « bouger plus » n’est pas une rupture. C’est le produit d’une période où on a tâtonné et de la difficulté à percevoir la discipline ».
Vaut-il mieux être le géant d’un petit ministère ou le nain d’un grand ministère ?
Et professionnellement cela s’est passé comment ? Un des ateliers réunissait trois vétérans du Snep Fsu pour un échange sur la façon dont le syndicat a vécu le passage dans l’Education nationale.
Annick Davisse, ancienne secrétaire nationale, rappelle que le Snep était « la bête noire » du ministère des sports. Dans ce petit ministère, les gros corps des professeurs d’EPS pesait très lourd. « Nos interventions sur la gestion des carrières étaient entendues. On était conquérant. C’était plus simple », dit-elle. La situation actuelle, un petit corps dans un immense ministère, est plus complexe.
Bernard Charlier, lui aussi ancien secrétaire national, montre que l’intégration a eu des effets positifs. Par exemple pour la carrière des chargés d’EPS et des adjoints d’EPS, corps mis en extinction. Il n’y aura plus que des professeurs d’EPS (PEPS) et des agrégés. Ces avancées « sont insuffisantes » avec notamment « le recul considérable des droits du personnel » avec la disparition des commissions paritaires (CAP).
Simone Sans, elle aussi ancienne du secrétariat national du Snep, montre comment la gestion des carrières des professeurs d’EPS est devenue plus difficile. Un exemple intéressant est celui des deux carrières masculine et féminine. Il y avait deux concours et deux système d’affectation. Avoir réuni les deux dans une seule gestion s’est fait au détriment des femmes qui sont devenue moins nombreuses en EPS. La gestion actuelle des carrières est devenue moins positive pour les enseignants du fait de la disparition des CAP et de la baisse du recrutement. Moins de recrutement c’est moins de possibilité au mouvement.
« On ne peut pas parler de progrès mais de rapports de force différents », dit-elle. Avec la gauche aux affaires, on a de meilleurs recrutement et une meilleure mobilité. Avec JM Blanquer les régressions sont plus graves.
Une identité qui reste à affirmer
L’intégration dans l’éducation nationale n’a pas forcément signifié le progrès social. Pour la discipline elle a été l’occasion d’afficher un nouveau paradigme pédagogique qui était en évolution déjà avant 1981. Cela s’est fait au prix d’une distanciation avec les pratiques sociales qui est renvoyée maintenant sur l’EPS et remet en question le métier. 40 ans après son intégration dans l’éducation nationale, l’EPS doit toujours se trouver et faire ses preuves. C’est probablement ce qui distingue cette discipline des autres.
François Jarraud