Secrétaire national du PS pour l’éducation, Yanncik Trigance réagit à l’ouverture de l’éducation prioritaire à l’enseignement privé.
Le Ministre Blanquer et sa Secrétaire d’État en charge de l’Éducation prioritaire Nathalie Elimas viennent de décider d’intégrer, à titre expérimental, six établissements de l’enseignement catholique privé dans le dispositif de l’éducation prioritaire qui, malgré ses insuffisances, a permis dans bon nombre d’endroits de freiner – sans pour autant la faire disparaître– l’aggravation des inégalités.
Concrètement, ces établissements privés vont bénéficier des financements publics de l’Éducation nationale dans le cadre du Contrat Local d’Aménagement (CLA), dispositif qui s’inscrit dans la réforme de l’éducation prioritaire mise en œuvre par le ministre Blanquer et qui concerne actuellement 172 établissements.
Cette «première» qui pourrait précéder une généralisation du financement des établissements privés sur le budget public de l’Education nationale n’est pas sans soulever un certain nombre de problèmes et de questions:
– Cette décision de financement des établissements privés a été prise sans aucune concertation de la part du ministère de l’Education nationale. Quels critères? Quelles conditions? Quels engagements demandés aux établissements privés? Nul ne le sait.
– Si ces établissements privés prétendent accueillir un public défavorisé avec des critères sociaux très bas, la réalité globale est toute autre: ces établissements privés sont extrêmement minoritaires et la mixité sociale y est bien moindre que dans l’enseignement public qui, rappelons-le, scolarise par exemple la grande majorité des élèves boursiers.
– Quand bien même certains établissements privés accueillent un public populaire, ils continuent pour autant à choisir leurs élèves sans être soumis à la carte scolaire contrairement aux établissements publics qui scolarisent tous les élèves sans distinction aucune.
– Cette expérimentation modifie profondément la clé de répartition de l’éducation prioritaire en passant du financement par zones au financement par établissements. Les CLA sont en effet attribués par les recteurs sous la forme de contrats avec les établissements, glissant ainsi vers un pilotage local de l’éducation prioritaire avec toutes les dérives qui peuvent en découler en termes d’attributions et d’arbitrages des moyens.
– Versé aux établissements privés qui ne remplissent pas les mêmes obligations d’accueil et qui n’assurent pas de mission de service public, cet argent constitue un manque à gagner pour les établissements publics.
A l’évidence, cette décision inédite et non concertée marque une nouvelle étape de la politique éducative libérale engagée par l’actuel gouvernement.
Elle traduit également la conception à géométrie variable de la laïcité du ministre Blanquer qui n’hésite pas à renforcer le financement de l’enseignement privé catholique au-delà de ce que la loi impose à l’Etat.
Après avoir rendu obligatoire l’instruction dès 3 ans pour obliger les communes à financer l’école maternelle privée, le ministre Blanquer enfonce le clou d’une privatisation, d’une marchandisation rampante de l’enseignement public et d’une accentuation de la mise en concurrence enseignement privé/enseignement public.
Cette stratégie est en parfaite cohérence avec la récente annonce d’Emmanuel MACRON au sujet des 50 écoles de Marseille pour lesquelles les directions d’école choisiront leur équipe pédagogique et obtiendront des aides financières selon leurs projets, porte ouverte au clientélisme et à l’opacité en matière de gestion des établissements.
Privilégier l’enseignement privé aussi ostensiblement constitue non seulement une volonté délibérée de renforcer l’enseignement privé mais au-delà, un véritable choix de société qui remet en cause la place de notre Ecole publique comme pierre angulaire de notre pacte républicain.
Yannick Trigance
Secrétaire national PS Education Enseignement supérieur
Conseiller régional Ile-de-France