Que vont faire les professeurs ? Diffusées tout le mois de septembre, les affiches sur la laïcité réalisées par le ministère de l’Education nationale suscitent déjà la discorde. Alors que pour le ministère, elles inscrivent « la laïcité dans le quotidien des élèves », pour la Vigie de la laïcité, émanation de l’Observatoire supprimé par le gouvernement, « elles entretiennent une lourde ambigüité : implicitement est diffusée l’idée que la laïcité concernerait en premier lieu les personnes issues de l’immigration ». Le problème va maintenant arriver dans les établissements : vont-ils placarder ou non les affiches et que vont dire les enseignants face à une campagne politicienne du ministère ?
Un bénéfice de la laïcité ?
» Cette campagne fait le choix d’inscrire le récit de la laïcité dans le quotidien des élèves en s’appuyant sur ses effets concrets, incontestables et partagés, tels qu’ils les vivent tous les jours à l’école, au collège et au lycée », affirme le minsitère. « Chacune des affiches met en évidence un bénéfice de la laïcité, en lien avec les valeurs de la République : la liberté, l’égalité, la fraternité… »
Pourtant les slogans ne parlent pas de la laïcité. « Permettre à Malia, Tidiane et Paloma de porter les mêmes couleurs ». « Permettre à Eva et Kellijah d’être inséparables tout en étant différents ». « Permettre à Milhan et Aliyah de rire des mêmes histoires », par exemple.
Assimilationniste
C’est ce que reproche la Vigie de la laïcité, une association crée par les responsables de l’ancien Observatoire de la laïcité. « Force est de constater une profonde confusion sur le sens de ce qu’est la laïcité. D’autant plus qu’à aucun moment ne sont rappelés ni même évoqués les fondements de la laïcité. À savoir la liberté de conscience et sa manifestation dans les limites de l’ordre public, la neutralité de l’État (découlant de la séparation) et l’égalité de tou.te.s devant la loi sans distinction de religion ou conviction », écrit la Vigie. « Derrière un a priori jovial et tolérant, le message porté par ces affiches réassignent les élèves à leurs identités. Celles-ci devant, selon cette campagne, être gommées au profit d’une homogénéisation normée… De par le choix des prénoms et des caractéristiques phénotypiques, ces affiches entretiennent une lourde ambiguïté : implicitement, est diffusée l’idée que la laïcité concernerait en premier lieu les personnes issues de l’immigration. Un autre sous-entendu est tout aussi lourd de sens : le fait que ce serait parce que l’école de la République accueille des enfants issus de la diversité qu’il faut réaffirmer la laïcité. Or, les débats sur la laïcité à l’école sont aussi anciens que ceux sur la laïcité tout court ».
Dévoiement raciste
Sud éducation estime que les affiches renvoient « à al campagne gouvernementale sur le séparatisme.. » En mélangeant religion, couleur de peau, origine géographique supposées, et en faisant des différences les freins à l’épanouissement et au vivre-ensemble, la campagne d’affichage est sur une pente dangereuse, celle d’un dévoiement raciste et xénophobe de la laïcité, appuyé sur un imaginaire colonial. Malheureusement le ministère est coutumier du fait. »
Les profs au pied de l’affiche
Malheureusement le ministère a décidé l’affichage de ces placards dans les établissements scolaires. Ils vont y porter la polémique. » Cette campagne est une nouvelle illustration de l’ensemble de la dynamique pédagogique engagée depuis plusieurs années autour des valeurs de la République », écrit le ministère. C’est malheureusement vrai. Elles s’inscrit dans les rappels normatifs et les appels aux signalements de la moindre déviance dont on a déjà vu les dérapages.
Cette politique n’accroche pas les enseignants comme en témoigne le très faible nombre de signalements. » Pédagogiser les dites « valeurs de la République » – en fait les valeurs au fondement de nos démocraties –, plutôt qu’attendre les écarts pour les sanctionner et claironner les sanctions : c’est de fait une stratégie gagnante en matière d’éducation, c’est la stratégie gagnante », expliquait Françoise Lorcerie dans le Café pédagogique. Ces affiches vont creuser l’écart entre les enseignants et le ministère. Et les mettre face au dilemme de devoir réagir à une campagne politicienne du ministère.
François Jarraud
Communiqué Vigie de la laïcité