A quelques mois de l’élection présidentielle, JM Blanquer a commencé, dans Le Figaro du 18 juillet, à faire campagne sur son bilan. Il parle de « résultats du dédoublement en éducation prioritaire très encourageants » et annonce même « un rebond de l’école primaire ». On aimerait bien lui donner raison. Mais les données mêmes de son ministère montrent une réalité bien différente.
Un rebond à l’école primaire ?
« Les résultats du dédoublement des classes de CP, CE1 et de dernière année de maternelle en éducation prioritaire sont très encourageants… Le rebond de l’école primaire a commencé.. Les courbes s’inversent ».
Disons le : ce serait une bonne nouvelle. Car les résultats des évaluations internationales donnent une toute autre image des résultats de l’école française, qu’il s’agisse de Timss 2019 en maths ou Pirls 2016 en français.
Des promesses contredites par les faits dès 2019
Mais que disent les évaluations nationales crées par JM Blanquer et organisées et évaluées dans des conditions définies par son ministère ?
Quand le ministre a lancé sa politique des dédoublements, il était question d’une amélioration des résultats de 20 points environ et même de « 100% réussite » quand ils ont été lancés. Dès les évaluations de 2019 le discours triomphal du ministre était contredit par les résultats médiocres par rapport aux investissements réalisés publiés par ses services. Début 2020, des études Depp montrent le creusement des inégalités entre éducation prioritaire et non prioritaire alors que la politique décidée par JM Blanquer devait les réduire.
2020-2021 : aggravation des inégalités
En novembre 2020, la Depp (division des études du ministère) a publié les résultats des évaluations de rentrée en CP et Ce1. Elles montrent une légère baisse de niveau en français et en maths, ce qui n’est pas surprenant venant après les perturbations de l’année 2019-2020.
Par contre ce qu’il faut retenir c’est une forte progression des écarts entre les élèves des écoles hors éducation prioritaire et ceux de l’éducation prioritaire en CP et un creusement encore plus grave des inégalités en CE1. Cela veut dire que, à cette rentrée 2020, les dédoublements n’ont pas eu les effets positifs promis par le ministre.
En mars 2021 ce sont les résultats des évaluations de mi CP qui sont publiées. L’écart entre les écoliers de l’éducation prioritaire et les autres augmente. Ainsi en compréhension à l’oral 14% des écoliers hors rep ont des difficultés mais 38% en Rep+. L’écart a aussi augmenté pour la compréhension d’un texte lu seul. En Rep+ malgré les dédoublements la moitié des élèves sont en difficulté sur cet item. C’est aussi un des enseignements de l’évaluation, pas mis en avant par le ministère, d’interroger l’efficacité des dédoublements. En maths on va retrouver la même problématiques. Hors éducation prioritaire un tiers des élèves a du mal à additionner. En Rep+ dédoublé c’est la moitié.
L’impasse des dédoublements
Tous les résultats disent la même chose : malgré les dédoublements et tous les « plans » français et maths, les écarts entre élèves favorisés et défavorisés augmentent. L’inefficacité de la politique installée depuis 2017 est démontrée depuis sa mise en place. Sur la base d’une étude menée par l’IPP, JM BLanquer avait promis des effets significatifs des dédoublements. Il continue à annoncer des résultats qui sont démentis par les publications de son ministère.
Cela commence à lui poser des problèmes politiques. Ainsi le très récent rapport de G Longuet (LR) sur le budget 2020, publié 11 jours seulement avant l’interview de JM Blanquer, demande à ce que les indicateurs budgétaires soient revus. » Contrairement à ce que peuvent laisser penser les taux de réussite aux diplômes en constante hausse, les évaluations menées par la DEPP comme les études internationales soulignent la faiblesse des performances des élèves français s’agissant de la maîtrise des compétences fondamentales, en particulier en français et en mathématiques », écrit G Longuet. « Ainsi, en 2018, 60 % des élèves avaient une maîtrise suffisante des compétences attendues en fin de scolarité primaire en français, ce qui signifie que plus d’un tiers des élèves n’a pas le niveau minimum requis. En CM2, près de six élèves sur dix ont un niveau en mathématiques jugé insuffisant. En sixième, en 2019, un élève sur quatre avait des difficultés en mathématiques. En 2017, plus de neuf élèves sur dix ont un niveau inférieur ou égal au niveau médian en 1987. Seuls 1 % des élèves atteignent le seuil des 10 % des élèves les plus performants en 1987. Cette baisse est comparable à la perte d’une année scolaire en trente ans ».
La vérité c’est que pour n’avoir pas réussi à changer de ministère à temps, JM Blanquer va devoir affronter son bilan. Il commence à le peindre à sa façon. Mais même des politiques proches de lui ne lui décernent pas de satisfecit. Les résultats réels sont très en dessous des promesses faites en 2017. Les dédoublements n’empêchent pas les inégalités de réussite scolaire d’augmenter. Les dédoublements, financés par des suppressions de postes ailleurs, sont une impasse dont les élèves des familles pauvres et tout le système éducatif payent le prix.
François Jarraud