« Les élèves sont ennuyés de ne pas garder 3 spécialités en terminale ». La mission « relative aux spécialités en terminale » a remis le 22 juillet son rapport à la commission éducation de l’Assemblée. Elle souligne la reconstitution des anciennes filières en terminale avec les inégalités de genre et sociales qui existaient avant la réforme du lycée. Et elle demande le maintien de 3 spécialités en terminale et la spécialisation des lycées pour remédier aux difficultés d’orientation des lycéens.
La question de l’offre en première
« Les élèves se sont bien appropriés la réforme », explique Agnès Thill (UDI), co-auteure avec Bertrand Bouyx (LREM) du rapport sur les spécialités en terminale. 91% des lycées offrent 7 spécialités (contre 92% qui proposaient les 3 anciennes filières) et les académies construisent une carte des spécialités pour que les élèves puissent faire leur choix. Ainsi pour les auteurs la réforme est réussie. Du moins en première et à condition de ne pas y regarder de trop près.
Parce que , même en première, ce qui est prévu pour garantir la liberté de choix des élèves ne fonctionne pas. En fait seulement 0.4% des élèves utilisent la possibilité de suivre la spécialité d’un autre établissement, la réforme ayant considérablement aggravé l’organisation des emplois du temps. Les académies recourent très peu aux possibilités du CNED : seulement 975 élèves de 1ère et terminale en bénéficient pour suivre des spécialités non offertes dans le lycée de secteur.
Inégalités de genre et sociales en terminale
En terminale, les rapporteurs constatent que la réforme fonctionne beaucoup moins bien. « Des établissements ne jouent pas le jeu », dit A Thill qui cite les établissements élitistes. Ils reconstituent les anciennes filières, en fait surtout la filière S. B Bouyx le dit : « la réforme n’a pas bousculé les préférences en fonction du sexe ». Les garçons font des maths et des sciences, les filles de la littérature. « Les élèves viennent à des choix plus classiques en terminale surtout s’ils sont favorisés ». Le cas des maths est emblématique. Alors que 41% des élèves ne font plus du tout de maths en terminale, ce sont les plus favorisés qui conservent les maths. « Le choix des maths est très discriminant socialement ». Et c’est un repère utilisé ensuite pour trier les élèves dans Parcoursup.
Un controle continu contesté
Gros scepticisme aussi des rapporteurs devant la nouvelle évaluation des épreuves communes. « On est réservé sur la possibilité que 40% de la note du bac vienne du controle continu », explique B Bouyx. Il signale le risque d’inégalités et de pressions sur les enseignants. « Il y aurait trop de proximité entre les professeurs et les élèves. Si on fait du controle continu il faut repenser le sens des évaluations. Faire que du controle continu n’est pas bienvenu ».
Spécialiser les lycées
Dernier problème soulevé par les rapporteurs :l’orientation. C’est lié à la disparition du groupe classe, un phénomène clé de la réforme puisqu’elle assure la rentabilité de la réforme en organisant partout des groupes de 35 élèves. Mais pour les rapporteurs cela nuit àl’orientation. Par exemple le professeur principal ne connait pas tous les élèves. Les heures destinées à l’orientation sont souvent prises pour faire le programme très lourd des spécialités.
Les rapporteurs proposent de spécialiser les lycées. Ce serait un retour aux anciennes filières et ca poserait d’autres problèmes de carte scolaire mais ce serait plus lisible pour les élèves.
Maintenir 3 spécialités en terminale
Surtout ils proposent de maintenir les 3 spécialités en terminale de façon à maintenir la liberté de choix qui existe en 1ère. Evidemment cela aurait un cout pour la réforme. Et cette proposition a peu de chance d’aboutir. Le ministère vient d’annoncer le retour des options dans le calcul du bac tout en précisant que le cout serait porté par la réduction de l’offre de spécialités. La réforme reste ce qu’elle est, mais que les rapporteurs ne voient pas : un nouveau mode de gestion des lycées permettant de dégager des marges.
François Jarraud