L’éducation nationale semble ne réussir ni à protéger ses agents ni à s’en séparer en de bons termes. C’est ce qui résulte du rapport annuel de la médiatrice de l’Education nationale, Catherine Becchetti-Bizot. Dans un contexte de très forte progression des saisines des médiateurs de l’Education nationale, elle attire l’attention sur le déficit de gestion des cas de harcèlement et sur les réticences de cette administration à user de la rupture conventionnelle.
Une forte hausse des saisines d’élèves
Stables de 2013 à 2017, les saisines des médiateurs de l’Education nationale ont fortement augmenté depuis 2018, passant de 14 000 à près de 20 000 en 2020. Pour cette seule année on enregistre une hausse de 18% qui interroge la gestion ministérielle. 80% des saisines sont le fait d’élèves et de leurs parents. Près d’un tiers renvoie aux aménagements des examens et concours (+91% en un an), particulièrement aux notes des élèves du hors contrat, malgré (ou à cause ?) les conditions très favorables faites aux clients de ces écoles privées.
Les réclamations des personnels ne représentent que 20% des saisines et se répartissent de manière presque égale entre questions financières (25%), mutations (17%), carrière (16%) et harcèlement (15%).
Des enseignants peu protégés contre le harcèlement
« Je n’ai pas été protégée alors que monsieur le Recteur était parfaitement au courant de ma situation depuis septembre 2017. Il avait d’ailleurs promis, à ma demande il y a un an, de diligenter une enquête administrative dont je n’ai aucune nouvelle des conclusions à ce jour », témoigne par exemple une victime de harcèlement.
La médiatrice relève que l’arrêté sur les procédures de signalement des cas de harcèlement n’a toujours pas été publié par l’Education nationale. Il y a pourtant urgence en la matière et au sein même de la « centrale » comme nous l’avions montré dans cet article de 2020. Il apparaissait d’ailleurs dans un compte rendu de CHSCT que le représentant du ministre mettait un nom directement sur un chef de service harceleur évoqué par les élus. Et que le harcèlement semble bien être un procédé de gestion du personnel.
« Si l’administration a l’obligation d’enclencher et de conduire une enquête lorsqu’elle est saisie ou informée d’une présomption de harcèlement, sous peine de voir sa responsabilité engagée, dans la réalité, même lorsque le principe en est accepté, force est de constater qu’une telle enquête tarde à être mise en oeuvre », écrit la médiatrice.
« Il semble que, dans certains cas, aucune solution ne soit apportée une fois l’écoute réalisée parce que les encadrants ne sont pas formés pour cela, ou parce que le lien entre les « écoutants » et l’autorité académique ou ministérielle est trop distendu. Les temps de dialogue ne devraient pas non plus repousser le moment de traitement du problème, notamment celui du déclenchement d’une enquête », note la médiatrice. Elle demande la publication de l’arrêté sur les procédures de signalement et la formation des cadres administratifs.
L’administration freine les demandes de rupture conventionnelle
Le second sujet relevé par la médiatrice concerne la rupture conventionnelle. Ce nouveau dispositif a été introduit par la loi de transformation de la fonction publique. Il permet de quitter l’éducation nationale avec un pécule.
En 2020, sur 1219 demandes seulement 296 ont été acceptées. 237 enseignants ont bénéficié du nouveau mécanisme, dont 100 professeurs des écoles et 79 certifiés. 26 personnels administratifs,13 AESH, 5 CPE 6 personnels de direction, 4 PsyEN en ont bénéficié. Ainsi seulement 22% des demandes des enseignants ont été acceptées contre 44% de celles des Psy EN et 43% des personnels de direction. Trois académies ont été particulièrement ouvertes : Aix Marseille, Montpellier et Bordeaux représentent plus de la moitié des accords, comme nous le signalions dans cet article de mars 2021.
La médiatrice a été saisie à 78 reprises sur ce dispositif pour des cas de non-réponse par l’administration, de calcul du montant de départ ou de refus. La plupart des refus sont justifiés par l’administration par le manque d’enseignants. La médiatrice demande que « les modalités d’accord pour des ruptures conventionnelles soient mieux anticipées… , que l’examen des demandes prenne en compte le calendrier scolaire plutôt que celui de l’année civile afin de mieux répondre à l’intérêt des requérants comme à celui des élèves ; que la dimension humaine et qualitative des dossiers soit prise en considération ».
François Jarraud