« Vous êtes dans un projet politique… Votre vision est pédagogiste ». Eric Debarbieux, ancien délégué ministériel (sous la droite et sous la gauche !) à la lutte contre la violence scolaire, a irrité la droite sénatoriale qui s’est exprimée par la voix de Jacques Grosperrin (LR). C’est qu’interrogé sur le harcèlement, Eric Debarbieux a montré que le problème ne se limitait pas aux élèves mais qu’il concerne notre conception de l’enseignement. Et que les politiques par leur comportement ont leur responsabilité dans le comportement des élèves.
Hausse ou pas du cyberharcèlement ?
En 2019, Eric Debarbieux, ancien délégué ministériel à la lutte contre les violences scolaires, avait refusé de participer aux assises régionales contre le harcèlement scolaire organisées par Laurent Wauquiez. Mais quand la mission sur le harcèlement scolaire et cyberharcèlement sur Sénat l’invite il est présent. Et il répond sans détour aux questions.
Le harcèlement est-il en hausse ? Pour Eric Debarbieux il ne faut pas séparer cyberharcèlement et harcèlement. Les liens entre les deux sont établis. Il n’y a pas de hausse du harcèlement et du nombre de victimes. Le cyberharcèlement est une nouvelle forme, dangereuse car elle donne l’impression à la victime que le monde lui en veut.
Par contre on ne peut pas dire que le confinement a amplifié le phénomène. Le cyberharcèlement suit souvent le harcèlement de cour de récréation. Or celle ci a été fermée. L’hypothèse d’une baisse ne doit pas être mise de coté.
Harcèlement et métier enseignant
Le ministère fait-il ce qu’il faut ? Pour E Debarbieux, la lutte contre le harcèlement devrait concerner tous les membres des établissements. Mais porter une obligation est difficile car la culture scolaire en France c’est que tout ce qui est hors de la transmission du savoir est considéré comme secondaire. Et on retrouve cela même dans les discours ministériels. Et on est dans un modèle où chacun travaille pour soi alors que lutter contre le harcèlement est un travail d’équipe. Il faudrait un changement idéologique, une autre conception du métier enseignant. Les textes sont là mais changer la réalité du non travail en équipe est plus dur. Là où harcèlement recule c’est où il y a un travail d’équipe sur le climat scolaire. ‘Ce sont les équipes et pas seulement les élèves qui doivent bouger ».
Eric Debarbieux invite le Sénat à prendre en compte deux éléments importants. Le premier est le turn over dans les établissements. L’autre concerne les punitions. « Plus on punit plus on aggrave le comportement », explique t-il. « Il faut un vrai débat sur le rôle de la répression et arrêter de penser de manière magique. Les punitions créent des noyaux durs d’élèves très harceleurs ».
La responsabilité des politiques
Eric Debarbieux s’adresse directement aux politiques que sont les sénateurs. »Le harcèlement est un phénomène de groupe, un groupe qui s’identifie contre une personne. Par exemple ca peut être de l’homophobie, du racisme , de la grossophobie ou contre un élève pas assez bons scolairement ou au contraire très bon. C’est aussi un problème politique. Quand des politiques français prennent comme argument électoral la peur de l’autre il ne fait pas s’étonner de l’impact dans la cour de récréation. Il faut apprendre aux enfants très jeunes les valeurs de la coopération ».
F Jarraud