Le futur bac correspondra bien à ce que le Café pédagogique avait annoncé le 17 juin. JM Blanquer choisit de renforcer le controle continu et de faire revenir les options dans la moyenne du bac. Si tout cela est présenté au conditionnel par le ministère alors que cela a été annoncé dans le détail devant le Sénat le 16 juin, puis confirmé par le ministre lui-même le 22 juin devant l’Assemblée, c’est que le ministre fait semblant de consulter le comité de suivi de la réforme du lycée. C’est le fameux micmac. Le Snes Fsu parle « d’avènement du bac local ». Le Sgen Cfdt de « réelle avancée ». Le Se-Unsa est « favorable ». Quand au Snpden Unsa, premier syndicat de personnels de direction, il a obtenu ce qu’il voulait. L’examen est simplifié dans son organisation matérielle mais reste une usine à gaz pour les candidats. Le bac devient un peu plus un diplôme local opaque. L’offre de spécialités sera forcément réduite. Les enseignants seront un peu plus sous pression des parents. Le Snes Fsu appelle les personnels à réagir.
La fin du micmac
Officiellement ce sont les échanges lors du comité de suivi du 22 juin qui amènent le ministre à décider une réforme du bac que Pierre Mathiot, co pilote de ce comité a présenté au Sénat le 16 juin et que le ministre a entériné devant l’Assemblée au même moment que se tenait le comité. Le micmac n’est pas subtil et il a déjà entrainé le démission du Snalc du comité de suivi.
Controle continu intégral
Le principal « ajustement proposé » concerne le contrôle continu au bac. JM Blanquer ne modifie pas sa part dans le calcul des points du bac. Cela reste 40% de la note totale. Mais pour ces 40% il passe à un contrôle continu intégral. Finies les épreuves communes (E3C) qui obligeaient le ministère à proposer des banques de sujets et les établissements à organiser de mini examens avec des jurys, des convocations etc.
Dans les disciplines du tronc commun qui ne font pas l’objet d’épreuves terminales (une complication nouvelle !), c’est à dire en langues vivantes, histoire-géo, EPS, enseignement scientifique en général, maths en technologie et enseignement de spécialité abandonné en terminale, « les évaluations communes sont supprimées au profit d’un contrôle continu plus souple ». La note sera basée sur la moyenne générale issue des moyennes annuelle des bulletins scolaires. Chaque discipline aura un coefficient 6 (3 pour la première et 3 pour la terminale) sauf l’enseignement de spécialité abandonné qui aura un coeff 8 et le bloc histoire-géo EMC qui monte lui aussi à 8 car l’EMC sera évaluée avec un coeff 2.
« La répartition des disciplines évaluées serait ainsi clarifiée et les modalités de calcul général simplifiées », explique le ministère. En réalité cela va devenir plus complexe pour les élèves de savoir pourquoi telle discipline est au controle continu dans le socle commun et pas telle autre. Surtout la course à la note, avec des évaluations qui comptent pour le bac et parcoursup dès le début de la 1ère est maintenue. C’est elle qui empêche le travail de fond avec les élèves pour les préparer au supérieur, tellement le bachotage pèse.
Retour des options
Second point important de cette réforme, JM Blanquer rétablit les enseignements optionnels dans le calcul de la note du bac. Seules les langues anciennes étaient prises en compte jusque là. Tous les enseignements optionnels seront évalués en controle continu avec un coefficient 4 si l’option a été suivie deux ans et coefficient 2 pour la seule terminale. Jusque là on calculait des points au dessus de 10. Ce n’est plus le cas. La totalité des options ne peut dépasser 14 coefficient.
Troisième point : le ministre propose de revoir les programmes des spécialités « pour mieux s’adapter à la progression des élèves ». Le calendrier des épreuves restera inchangé, notamment les épreuves de spécialité de terminale au printemps.
Le ministre annonce un calendrier avec une phase transitoire pour 2022 et une application totale en 2023. En 2022 seraient appliqués l’évaluation des options; celui de l’EMC et la non prise en charge des enseignements faisant l’objet d’une épreuve finale dans le calcul de la note de controle continu. Le ministère ne le dit pas mais on voit mal la passage au controle continu intégral attendre 2023 alors qu’il est très attendu par les chefs d’établissement.
La crise sanitaire utilisée pour faire passer la mesure
Pour le ministère « le nouveau baccalauréat gagnerait en lisibilité, en simplicité et en robustesse… Il pourrait ainsi davantage préparer les élèves aux exigences de l’enseignement supérieur ».
En adoptant le controle continu intégral, le ministère satisfait à la fois les conceptions du ministre et la demande du Snpden Unsa, le principal syndicat de personnels de direction. Ce sont les proviseurs qui ont eu à gérer les E3C puis les épreuves communes qui ont été aussi l’occasion de nombreux incidents. Le 16 juin devant le Sénat, B Bobkiewicz, secrétaire général du Snpden donnait la vraie raison de cette révolution dans le bac : » C’est un sujet qui peut maintenant passer… C’est un message qui peut être accepté par les enseignants. C’est l’occasion de transformer l’essai ». Syndicat et ministère saisissent l’occasion fournie par la crise sanitaire.
L’offre de spécialités sera réduite
Cette réforme aura pourtant des conséquences et certaines vont concerner très vite les personnels de direction.
La première va être la réduction de l’offre de spécialités dans les établissements. A partir du moment où les options reviennent il faut les financer. P Mathiot a été très clair sur ce point le 16 juin. « On était arrivé à un grand nombre de triplettes. Si un lycée va vers 20 triplettes proposées c’est pas mal… Si dans un lycée on réduit l’offre de triplettes on reste dans l’esprit de la réforme et on regagne des moyens sur la DHG à condition que les professeurs acceptent de modifier leur emploi du temps ». ET B Bobkiewicz avait donné son feu vert : « Si chaque établissement n’a pas toutes les spécialités ce n’est pas très grave ». Pourtant cela risque d’être mal pris sur le terrain.
Un bac local
La seconde c’est bien sur la perte du caractère national de l’examen. Au lieu des mini examens nationaux des E3C on a une note propre au lycée , même si le ministère promet un « guide d’évaluation » élaboré par l’Inspection générale et le maintien de la banque de sujets. Le bac devient un diplôme d’établissement. Il est vrai qu’il n’est plus utilisé pour l’orientation via Parcoursup. Mais la mise en place du controle continu intégral justifie après coup la pratique de Parcoursup de sélectionner les étudiants selon leur établissement d’origine. Il n’y a plus d’examen national anonyme où chacun a sa chance. C’est en fonction de la résidence de ses parents et de l’accès aux établissements de centre ville, autrement dit de son appartenance sociale, que les portes du supérieur s’ouvrent.
Des profs sous pression des parents
La troisième conséquence va peser très rapidement sur les professeurs. Même les syndicats de personnels de direction reconnaissent la montée des pressions des parents sur les enseignants pour l’évaluation. Avec le passage au controle continu intégral et ce bachotage permanent ces pressions vont augmenter. Cela ne sera pas sans conséquences sur les conditions de travail des enseignants.
Divisions syndicales
Les syndicats ont immédiatement réagi à ces « propositions » ministérielles qui seront bientôt soumises en CSE. Pour le Sgen Cfdt ces ajustements « marquent une nouvelle étape… La suppression des épreuves communes correspond à une demande que le Sgen Cfdt a été suel à porter depuis 2 ans ». Le syndicat y voit « une mesure de raison après les dysfonctionnements des examens ». « Nous portons depuis 2018 la simplification du contrôle continu pour le baccalauréat et nous sommes favorables à la suppression des épreuves communes à condition que celle-ci aille de pair avec un travail collectif au sein des lycées sur les évaluations certificatives avec l’accompagnement des corps d’inspection », écrit le Se Unsa. « Le chantier des épreuves terminales est aussi à ouvrir au plus vite. Nous demandons que les épreuves de spécialité soient décalées le plus tard possible et que les programmes limitatifs soient mieux calibrés. Quant au grand oral, il doit être mieux relié aux contenus des enseignements de spécialité et doit donner du sens au troisième trimestre dans ces enseignements qui auront été évalués en mars ou avril. La partie « entretien sur le projet d’orientation » doit être supprimée ».
« Il ne s’agit pas d’ajustements cosmétiques mais bien d’un nouveau coup de boutoir contre le baccalauréat comme examen national », écrit le Snes Fsu. « Le renvoi au local de l’évaluation, sans aucun cadre national, amplifie les inégalités, met les élèves et les enseignants sous la pression d’une évaluation permanente. Les tentatives d’objectivation du contrôle continu sont restées vaines : chacun se souvient de la mascarade des réunions dites d’harmonisation en juin 2020 quand les examinateurs avaient constatés, impuissants, que chaque lycée avait déjà construit ses propres notes. Le contrôle continu dénature également considérablement le travail des enseignants : course permanente à l’évaluation au mépris du temps nécessaire aux apprentissages, pressions des élèves et de leurs familles pour rattraper des résultats jugés pénalisants, pression de la hiérarchie pour se conformer à des objectifs d’évaluation souvent déconnectés des réalités. Ce n’est certainement pas un hasard si, lors des conclusions du Grenelle, Jean-Michel Blanquer illustrait le développement des fonctions mixtes avec l’exemple de professeurs chargés d’harmoniser le contrôle continu à l’échelle d’un établissement, accélérant le développement de hiérarchies intermédiaires contrôlant toujours davantage le travail des professeurs ». Le Snes appelle « les personnels à manifester dès cette semaine, dans les jurys, leur opposition à ces mesures par des prises de positions collectives (motions, pétitions etc.) »
François Jarraud