Double micmac sur le bac. Les nombreux dysfonctionnements sur l’organisation du grand oral sont remontés jusqu’à l’Assemblée où JM Blanquer s’est énervé face aux critiques. Sur le terrain on s’énerve aussi. Les syndicats protestent et des enseignants se son mis en grève contre l’épreuve. Mais il y a un autre micmac en préparation. Alors qu’on attendait lors du comité de suivi de la réforme du lycée, le 22 juin, une déclaration ministérielle suivant les déclarations de P Mathiot devant les sénateurs, elle n’a pas eu lieu. Le ministère fait comme s’il ne voulait rien changer à l’organisation du controle continu. Or au même moment, JM Blanquer fait une réponse aux députés qui donne à penser le contraire.
1er micmac : Bugs pour le grand oral
Qui est satisfait de l’organisation du grand oral ? Surement le ministre qui en a fait l’épreuve phare de sa réforme. Mais le problème des phares c’est qu’il faut qu’ils brillent. Et le grand oral brille surtout par les bugs en série.
Beaucoup d’exemples circulent sur les réseaux sociaux. Mais reprenons la liste du Se-Unsa. « Dans l’académie de Versailles, les convocations pour les enseignants sont souvent arrivées en retard, ne permettant pas de prévenir d’éventuelles erreurs ou absences. Dans l’académie de Lille, des enseignants ont pu être convoqués à 50 kilomètres de chez eux pour faire passer un seul élève. Dans l’académie de Grenoble, on a pu avoir des décalages entre des convocations reçues par les élèves et celles reçues par les enseignants. Dans l’académie de Caen, des professeurs ont dû assurer des oraux pour des sujets qu’ils n’enseignaient pas en spécialité… De nombreux collègues enseignant en spécialité ne sont pas convoqués alors qu’on a convoqué des collègues qui ne connaissent pas les programmes puisqu’ils ne les ont jamais enseignés. Des solutions de dernière minute se bricolent dans les centres d’examen, hors de tout respect des textes ». On trouvera sur le site du Snes d’autres exemples. Des enseignants se sont mis en grève dans quelques lycées, par exemple au Parc des Loges à Evry.
Cela vient de loin
Surtout on retiendra du texte du Se-Unsa que ces bugs viennent de loin. « La mise en œuvre du grand oral était mal engagée dès 2018 : définition floue de l’épreuve, programmes trop lourds dans les spécialités pour prendre le temps de préparer les élèves pour ces nouvelles compétences d’expression orale, absence de formations dédiées pour les enseignants qui assuraient cette préparation… » La plupart des formations n’ont eu lieu que quelques jours avant l’épreuve. Et elles se sont souvent limitées à une « messe » descendante.
Le ministère a sous-estimé la complexité de l’épreuve. La préparation de l’épreuve consomme beaucoup d’heures et de moyens : il faut pourvoir à 175 000 heures d’examen , multipliées par deux examinateurs, pour faire passer les 526 000 candidats. Et pour organiser les vacations il faut recueillir en amont les spécialités préparées par les candidats pour affecter les bons examinateurs. Visiblement à beaucoup d’endroits ça coince. Et quand des problèmes viennent d’aussi loin et qu’ils n’ont pas été anticipés , évidemment ça ne fait pas bonne impression.
Ecart abyssal avec le terrain
Alors le 22 juin ça a débordé à l’Assemblée. Le député LR Patrick Hetzel, un ancien de la « centrale » pourtant, n’a pas mâché ses mots. « Les dysfonctionnements sont hélas en train de s’accumuler… L’écart entre votre discours et ce qui se passe sur le terrain est une nouvelle fois abyssal, monsieur le ministre. On a vraiment l’impression que vous voulez devenir le fossoyeur du baccalauréat », dit-il. « Il est vrai que quelques erreurs de convocation avaient pu y être faites ; chaque année, des erreurs sont commises par les directions des examens et concours, mais le pourcentage de problèmes est largement inférieur aujourd’hui à ce qu’il était au cours des années antérieures. La situation s’est déjà améliorée par rapport à hier, et moins de 1 % des élèves sont concernés », minimise JM Blanquer. Qui ajoute : « À une époque de votre vie, vous avez servi l’éducation nationale et l’intérêt général, aujourd’hui, vous préférez la polémique à l’intérêt des élèves« .
2ème micmac : une réforme annoncée mais niée en comité de suivi
Mais c’est le second micmac qui va occuper les esprits. Auditionné par la commission éducation du Sénat, P Mathiot, co président du comité de suivi de la réforme du lycée, avait annoncé une modification du controle continu. » « Il s’agit de repenser la manière dont les 40% de controle continu au bac vont être calculés », déclarait-il en faisant allusion aux deux réunions à venir du comité de suivi de la réforme. « Les épreuves ponctuelles mettent en péril l’organisation du lycée. Il faut aller vers un controle continu intégral ». La balle était reprise au bond par B Bobkiewicz, le nouveau secrétaire général du Snpden Unsa, syndicat de personnels de direction. « C’est un sujet qui peut maintenant passer… C’est un message qui peut être accepté par les enseignants. C’est l’occasion de transformer l’essai ». Pour lui aussi le moment est venu de supprimer les épreuves ponctuelles pour mettre en place un controle continu intégral que le Snpden demande depuis le début.
Lors du comité de suivi du 22 juin, le Snes Fsu et le Snalc prennent les devants dans une déclaration commune. » Nos organisations ne pourront accepter un renforcement du contrôle continu. La crise sanitaire a conduit à renforcer sa place dans le baccalauréat à titre exceptionnel. Les personnels en ont vu les conséquences tout au long de l’année : augmentation de la charge de travail, des pressions des familles sur les enseignants, dénaturation de nos métiers et augmentation des inégalités entre les élèves. Dans ce contexte, vouloir renforcer la place du contrôle continu relèverait plutôt d’une instrumentalisation de la crise sanitaire afin d’imposer un projet politique : la réforme du bac telle qu’elle était initialement présentée dans le rapport Mathiot et voulue par le ministre ».
Mais les représentants du ministre ne confirment pas ce projet et la réunion se borne aux exposés des syndicats, renvoyant la proposition ministérielle au prochain comité.
Or au même moment JM BLanquer était interrogé par un député de la majorité sur cette évolution du controle continu. « depuis le début, je plaide pour un équilibre entre celui-ci et le contrôle terminal, qui ont chacun leurs vertus. Dans le projet, le contrôle continu représente 40 % de la note finale… Pour l’année prochaine, j’entends les critiques qui ont été émises. Le comité de suivi du baccalauréat que vous avez mentionné se réunit cette semaine pour écouter les parties prenantes. Ses conclusions donneront sans doute lieu à de nouveaux aménagements, non pas pour modifier la répartition – la part de contrôle continu restera de 40 % – mais pour adapter les modalités et donner aux élèves la sérénité nécessaire ».
La question du diplôme et de l’accès au supérieur
Sans être aussi précise, la formule donne à penser que les propos de P Mathiot le 16 juin n’étaient pas tenus à titre privé mais reflétaient bien la pensée du ministre. Il était aussi question dans l’exposé de P Mathiot de redonner de la place aux options du bac et donc des moyens d’enseignement pour elles. Et de diminuer l’offre de spécialités pour compenser cela.
Toucher à l’organisation du controle continu pose la question de la qualité du diplôme. Un « vrai » controle continu comme l’annonce P Mathiot diminue le caractère national du diplôme. Cela justifie ensuite le tri effectué par Parcoursup, largement par le lycée d’origine, et par suite les barrages mis à l’entrée dans le supérieur d’une partie croissante des jeunes et moins de dépenses dans le supérieur. L’enjeu n’est pas mince et c’est peut-être cela qui pousse le ministère à dévoiler ses décisions en toute fin d’année alors que l’atmosphère coté examinateurs est déjà échauffée.
François Jarraud
Grand oral : début difficile d’une épreuve phare