Chargé par la commission des finances d’un rapport sur « l’attractivité du métier d’enseignant en mathématiques », le sénateur G Longuet (LR) semble bien embêté alors qu’il y a quelques années il démontrait que les enseignants étaient surpayés. Cette fois ci il n’échappe pas à la démonstration du décrochage salarial des enseignants français. Mais c’est pour désamorcer la revalorisation. Pour lui le vrai problème c’est la formation des enseignants. Là dessus son rapport apporte un éclairage intéressant sur les lacunes du plan maths et de la formation continue des enseignants. Et il laisse dans l’ombre les raisons sociales du décrochage des jeunes français en maths.
Former plutôt que revaloriser
« Face au double constat d’une chute du niveau en mathématiques et de difficultés croissantes de recrutement des enseignants en mathématiques, il est indispensable de renforcer l’attractivité de la profession », déclare G Longuet. « Le levier de la rémunération, s’il doit être utilisé afin de revaloriser les salaires des professeurs, ne peut être la seule solution, en particulier au vu des lacunes qui caractérisent la formation des enseignants, notamment en mathématiques. La priorité doit aller à la mise en place d’une formation initiale plus adaptée pour les enseignants du premier degré, et à celle d’une formation continue à la hauteur des enjeux dans le second degré ».
Le faible niveau des élèves français en maths est attesté par les enquêtes Timms qui donnent des résultats très inquiétants en maths comme en science. La France est en queue de peloton des pays développés et c’est effectivement très préoccupant pour l’avenir du pays.
Le lien est aussitôt fait par G Longuet avec la perte d’attractivité du métier enseignant et avec le salaire enseignant. G Longuet n’a pas de mal à montrer que les salaires enseignants sont nettement inférieurs en France par rapport aux pays européens. Le vivier de candidats aux concours de l’enseignement en maths est insuffisant. Et chaque année le ministère recrute de plus en plus de contractuels.
Des crédits de formation sous consommés
Pour G Longuet la solution c’est d’abord de renforcer la formation continue. D’abord celle des professeurs des écoles dont le niveau en maths est jugée insuffisante. Pour G Longuet la France est dans la situation paradoxale d’un pays où « malgré la demande soutenue des enseignants et de l’institution le faible volume de la formation continue classe la France derrière des pays comparables ». De surcroit les crédits de formation continue ne sont pas totalement consommés.
Son rapport comporte une carte intéressante sur les inégalités dans la mise en place du Plan maths. Alors que le ministère met e valeur le « plan maths » et ses « constellations », on voit les départements qui ont formé peu de « constellations ». C’est quand même un bon tiers où la formation piétine : en gros le bassin parisien.
Du coup, G Longuet recommande de » mettre fin à la sous-consommation des crédits dédiés à la formation continue » et « d’augmenter les crédits dédiés à la formation continue des enseignants du premier et du second degrés ». Il indique d’ailleurs que seulement 2000 enseignants ont été formés sur leur temps de congé alors que la loi Blanquer impose un temps de formation durant les vacances à tous. Il n’est pourtant pas certain d’améliorer l’attractivité en détériorant les conditions de travail…
Sur la revalorisation; il demande de « poursuivre la politique de revalorisation des professeurs des écoles, en approfondissant le mouvement actuel de redéploiement des moyens vers le premier degré » et de « prolonger la dynamique de revalorisation des rémunérations des enseignants en début de carrière annoncée lors du Grenelle de l’éducation, en s’assurant que la prime d’attractivité couvre les 15 premières années d’enseignement en 2022 ».
Des choix sociaux passés sous silence
C’est là que les contradictions arrivent. Car consacrer davantage de moyens au premier degré dans un budget contraint c’est aggraver la suppression de postes dans le second. Car c’est ainsi que le ministre procède. Il est vrai que JM Blanquer a résolu en partie la question du recrutement des professeurs de maths en retirant les maths du tronc commun en lycée général dès la 1ère.
G Longuet demande aussi de « revenir en 2023 au taux d’accès à la hors classe des enseignants à 17 %, contre 18 % en 2021 et 2022 », ce qui est cohérent avec l’idée de revaloriser le début de carrière. Le problème c’est qu’avec la revalorisation des premières années on arrive à une carrière plate dès 15 ans d’ancienneté. C’est ce qui est en train de se dessiner et serait encore aggravé par la baisse des taux des promotions. Or une carrière plate ce n’est pas très attractif…
Notons au passage que le fond du raisonnement de G LOnguet n’est pas validé par Timms. L’enquête internationale n’a pas trouvé de corrélation entre le niveau de formation des enseignants en maths et le niveau des élèves.
Mais ce qui est intéressant dans le rapport ce n’est pas seulement cette chasse détaillée aux droits acquis. C’est l’impasse sur tout ce qui est social. Ainsi G Longuet demande une étude sur l’écart filles garçons en ce qui concerne les maths. Mais pas sur l’écart entre favorisés et défavorisés qui est tout aussi important.
Pourtant quand on observe la chute de niveau en maths elle se produit aux deux bouts de la pyramide. La baisse est due au fait que nos élèves les plus forts sont moins forts que ceux des autres pays. C’est une constatation qui mériterait une explication. Mais elle est surtout due au fait qu’il y a un pourcentage important et croissant d’élèves vraiment très faibles (environ 20%). Ce sont ceux des quartiers populaires.
Le vrai point commun de la question du niveau en maths avec celui de la revalorisation des enseignants c’est le choix de société qui est derrière. Si les élèves des quartiers populaires sont faibles en maths c’est qu’il cumulent des handicaps résultant de choix sociaux qui concernent l’école (remplacements non assurés, contractuels etc.) mais pas seulement. L’absence de mixité sociale dans les écoles et établissements par exemple n’est pas dans l’horizon de G Longuet. Il vaut mieux selon lui vaut tout remettre sur le dos des professeurs…
François Jarraud