« Il faudrait désacraliser la philosophie ». Frédéric Le Plaine, professeur de philosophie dans le Nord, préside l’Acireph, une des trois grandes associations de professeurs de philosophie. Pour lui l’aménagement de l’épreuve décidée par le ministre « accentue la loterie des sujets » pour une épreuve qui de toutes façons devrait être revue. Il s’étonne de la non convocation des professeurs de philosophie pour surveiller l’épreuve. Et il parle de l’épreuve du bac 2021.
L’épreuve de philosophie vient d’avoir lieu. Que pensez vous des sujets ?
Ils accentuent quelque chose de déjà présent : la loterie des sujets. Le candidat n’est jamais sur de tomber sur un sujet qu’il peut traiter avec son cours. Cela tient au programme qui est beaucoup trop vague. Rien qu’avec les deux mots « liberté » et « arts » on peut avoir de très nombreuses questions. C’est aggravé cette année avec la mise en place de la demi jauge.
L’épreuve a été aménagée avec un sujet supplémentaire de dissertation. Cela n’a pas réduit le risque que vous mentionnez ?
C’est une mesure cosmétique qui ne change pas grand chose à la loterie. De nombreux collègues étaient paniqués à la fin de l’année par le programme.
Un autre aménagement c’est la possibilité de garder la meilleure note entre le controle continu et l’épreuve du bac. Cela ne réduit pas la loterie ?
Cette mesure va bénéficier aux bons élèves qui ont une bonne moyenne. Pour les élèves plus fragiles c’est à dire qui ont du mal à écrire ou qui ont un vocabulaire peu soutenu, ce choix ne change pas grand chose. Ces élèves ont une mauvaise moyenne de controle continu et ils ont eu moitié moins de temps cette année pour progresser. On ne leur a pas donner les moyens pour progresser. L’épreuve est aussi devenue encore plus inégalitaire puisque certains lycées privés ont fait du 100% présentiel.
Il faudrait quoi pour avoir une épreuve plus juste ?
Il faudrait accepter l’idée de désacraliser la philosophie et accepter que c’est une matière scolaire avec un programme qui est un contrat avec l’élève. Ce contrat c’est que l’élève ne devrait tomber au bac que sur ce qui est au programme. Aujourd’hui les élèves tombent au bac sur des sujets que leur cours ne permet pas de bien traiter. L’épreuve valorise des qualités d’écriture qui ne sont pas les mieux partagées socialement.
On craignait que les élèves quittent l’épreuve rapidement et remettent des copies blanches. Est-ce ce que vous avez observé ?
Je ne peux pas vous répondre. Curieusement dans plusieurs académies les professeurs de philosophie ont été dispensés de surveillance. C’est du jamais vu. Les rectorats craignaient-ils un mouvement ?
Certains disent que l’épreuve de philosophie a été sabotée par cette mesure. Qu’en pensez vous ?
Le vrai sabotage c’est l’organisation du bac voulue par Blanquer avec 82% de controle continu. Le bac a perdu sa valeur de diplôme national.
Des professeurs de philosophie dénoncent la réduction du temps de correction. Est-ce votre cas ?
Le temps de correction est réduit c’est vrai. Mais on va récupérer de nombreuses copies très courtes. Donc pour nous ce n’est pas un grand problème. En revanche nous avons pris position contre la numérisation des copies. Après une année de covid nous n’avions pas besoin de davantage d’écran. C’est un non sens écologique d’autant qu’on va imprimer les copies. La correction sur écran introduit un biais d’évaluation car on ne peut plus comparer les copies.
Sur France Inter JM Blanquer a présenté la philosophie comme « l’épreuve reine » du bac. Qu’en pensez vous ?
Il essaye de faire perdurer le mythe de la philosophie comme couronnement des études secondaires. Pour nous elle gagnerait à être enseignée dès la 2de , avec un vrai programme.
Propos recueillis par F Jarraud