Quand on veut approfondir un sujet, un thème, on cherche des ressources. Que ce soit pour faire travailler les élèves, ou pour soi-même en tant qu’enseignant. Cette activité qui pourrait sembler simple et évidente ne l’est en réalité pas autant. A entendre les enseignants, ils auraient du mal à trouver des ressources pertinentes pour leur travail. Sur le terrain cela reste la cacophonie. Mais est-il possible que l’accès aux ressources se clarifie à terme ?
Cacophonie institutionnelle
La définition générale du terme ressource est celle d’un moyen de se tirer d’embarras ou d’une situation difficile (CNRTL). En allant plus loin dans la recherche du sens, on s’aperçoit que tous les moyens, humains ou matériels peuvent être considérés comme des ressources. Dans le cadre de l’enseignement, on parle facilement de ressources pédagogiques comme une unité de contenu significative. L’idée de contenu est souvent prise dans le sens plus large de pédagogie et pas uniquement de contenu disciplinaire. Dans la salle de classe, l’enseignant fait donc appel à des ressources pour appuyer son enseignement. Images, tableaux, cartes, textes, livres etc., sont autant de ressources utilisées traditionnellement. Parfois un intervenant extérieur ou une visite hors de la classe peuvent aussi être considérés comme des ressources. L’arrivée du numérique dans l’enseignement et en particulier du web a très fortement élargi l’offre de ressources, ce qui n’est pas sans poser différents problèmes à chacun de nous.
Quand on veut approfondir un sujet, un thème, on cherche des ressources. Que ce soit pour faire travailler les élèves, ou pour soi-même en tant qu’enseignant. Cette activité qui pourrait sembler simple et évidente ne l’est en réalité pas autant. Chacun de nous est pris par des tensions multiples qui incitent parfois à négliger le choix de ressources de qualité suffisante au profit de ressources plus directement accessibles… Le livre scolaire a l’avantage de simplifier la tâche de l’enseignant en lui proposant, a priori, toutes les ressources dont il a besoin au cours de l’année. D’ailleurs, ces ressources sont organisées autour de programmes et constituent parfois l’architecture de la progression que l’enseignant va mettre en oeuvre dans sa classe. Depuis le développement du multimédia, l’arrivée du web et la généralisation des systèmes de projections grand écran, le livre a été mis à mal et parfois l’utilisation des visualiseurs les a transformés en ressources visuelles partagées dans la classe en permettant leur projection en grande taille.
A entendre les enseignants, ils auraient du mal à trouver des ressources pertinentes pour leur travail. De plus, on s’est aperçu que les sommes mises à leur disposition pour en acquérir sont très souvent peu consommées. De même lorsqu’une collectivité leur met à disposition des ressources, celles-ci sont souvent aussi sous-utilisées ou tout au moins peu utilisées en regard des dépenses engagées. Il semble qu’il y ait là un réel problème qui se trouve amplifié par une sorte de cacophonie institutionnelle. Plusieurs sites qui donnent accès à des ressources comme Edutheque, La Banque de ressources numériques pour l’École, Primabord, Canotech, lumni, ou encore Viaeduc et d’autres encore, comme les sites académiques des disciplines ou encore de certaines circonscriptions pour le primaire. Tout cela sans compter le Gestionnaire d’Accès aux Ressources qui tente de fédérer les ressources en simplifiant l’accès et surtout en protégeant les données personnelles des élèves (étonnant quand on sait l’absence de retour d’évaluation du ministère sur la mise en place du RGPD). Bien sûr, les ressources, ce sont aussi les entreprises du secteur des edtechs mais aussi les particuliers et les associations qui mettent en ligne de multiples ressources de toute nature.
Le ministère tente bien d’améliorer les choses. Le GAR par exemple qui garantit l’accès aux ressources via les ENT et une sorte de standardisation pour faciliter un accès unique, ou encore l’initiative e-inspe qui a pour objectif d’offrir « une plateforme de développement professionnel pour les enseignants, ». Mais sur le terrain cela reste la cacophonie. La multiplicité des sites proposés et leur pérennité à confirmer au fil des restructurations, la multiplicité des acteurs impliqués ne facilite pas les choses.
Ce n’est pas un problème d’accès unique
Mais est-il possible que l’accès aux ressources se clarifie à terme ? Certaines initiatives pourraient les aider à y voir clair, certains en rêvent. Mais il semble bien qu’il y ait aussi une dimension de la culture professionnelle du métier qui favorise cette multiplicité de moyens et encourage cette dispersion. C’est sur un fond « d’individualisme structurel » du métier que repose cette difficulté à trouver les ressources (la liberté pédagogique ou l’autonomie de l’enseignant).
Chaque enseignant peut être tenté de réinventer la roue chaque matin. Car l’enseignant, en tant qu’ingénieur pédagogique doit adapter les moyens qu’il utilise aux groupes classes avec lesquels il travaille. L’échec de Viaeduc (moins de 40 000 enseignants inscrits d’après la page d’accueil du site) dont on ne parle quasiment plus, confirme cela. Si à l’origine il s’agissait de favoriser les collaborations entre enseignants, (et même une sorte de guichet des ressources, rapidement abandonné), la suite prouve que cela n’a pas marché alors que dans le même temps d’autres collectifs associatifs d’enseignants ont continué de se multiplier. Pour le dire autrement, le problème n’est ni la labellisation des ressources ni la centralisation des points d’accès qui sont la solution, à moins de rêver d’un système descendant quasi dictatorial qui imposerait les ressources à tous (certains en ont rêvé). Toutefois, il est une «ressource humaine » qui reste en retrait et qui pourtant pourrait être performante, ce sont les corps d’inspection. Disciplinaires ou de circonscription, ces personnels, plutôt que d’être tiraillés en de multiples tâches, dont celle de contrôle, devraient davantage favoriser les propositions, les préconisations, les recommandations, en particulier en matière de ressource (sans pour autant être descendants).
Quelle formation ?
Puisqu’il est ici question de ressources, il est aussi une difficulté qui est peu documentée qui est celle de la capacité des enseignants à évaluer des ressources, et à aller chercher dans le monde scientifique les éléments dont ils pourraient se servir pour assurer la robustesse de leurs propos. Dès que la recherche de ressources devient plus pointue et plus « scientifique », on est étonné de constater que très souvent, les enseignants ne les connaissent pas ou trop peu, ne les consultent que rarement, et surtout se sentent rapidement décalés par rapport aux articles auxquels il est très aisé d’accéder aujourd’hui. C’est souvent les « vulgarisateurs » et en particulier la presse spécialisée qui fait des propositions. Est-ce suffisant ? Les chercheurs ont multiplié les incursions de vulgarisation de leurs travaux dans les médias. En croisant le travail journalistique et le travail des chercheurs, des revues comme « Sciences Humaines » par exemple ont réussi à mettre en place des ponts. Mais trop souvent, ce qui fait défaut, c’est une culture scientifique (quelle que soit les disciplines) qui fait défaut. Il est alors plus facile de se replier sur ce qui est proche : la presse généraliste, les éditeurs, les commerciaux etc. C’est pourquoi certains adoptent certaines ressources, méthodes et autres solutions, parfois dites miracles, sans discernement.
Il semble qu’il faille aussi intervenir auprès des formateurs et autres intervenants qui participent du développement de la culture des enseignants. C’est à l’articulation de la formation initiale (avant le professionnel), de la formation continue et de la recherche que l’on peut aller explorer des solutions. Ainsi, la recherche-action en établissement est un moyen de faire évoluer les choses. Trop peu employée et parfois de manière détournée (les praticiens pratiquent et les chercheurs théorisent sur ces pratiques), il serait préférable qu’une recherche action soit l’occasion d’un travail véritablement en commun : praticiens et chercheurs font un chemin en commun, basé sur les méthodologies scientifiques dans un contexte dit « in vivo ». De fait le travail des praticiens est alors de vivre la recherche de l’intérieur et le travail du chercheur d’ancrer sa démarche dans des contextes qui ne sont pas seulement expérimentaux. Il ne s’agit pas d’une démarche ethnographique, mais plutôt d’une activité contextualisée pouvant aussi produire du savoir et inciter alors les chercheurs à « aller voir plus loin », ce qui, pour certains, pourrait être utile….
Il sera intéressant d’observer la manière dont va se mettre en place le projet autour de la Laïcité pour mesurer l’écart qu’il y a entre une formation décidée d’en haut et la réalité de développement personnel des enseignants. L’appropriation de savoirs et de compétences nouvelles pourra-t-il se suffire d’une journée de formation ????
Bruno Devauchelle