« Les enseignants constituent vraiment le noyau dur de la gauche au sein de la fonction publique », déclare Luc Rouban (CNRS, Cevipof). Dans une nouvelle étude sur « les fonctionnaires face à l’élection présidentielle de 2022 » il met en valeur les particularités du vote enseignant. Les professeurs se distinguent par leurs valeurs, restées nettement plus à gauche, par exemple par rapport à l’immigration ou l’écologie, que le reste de la société. Ils sont logiquement ceux qui craignent le plus M Le Pen. Dans un paysage politique « brouillé », ils sont les moins fidèles à E Macron et les plus marqués à gauche au moment où le clivage droite – gauche se réaffirme.
Un ancrage à gauche
Quelles sont les valeurs politiques des enseignants ? Selon Luc Rouban, ils se distinguent par le taux le plus élevé pour « augmenter les impots sur les riches » (66%) ou l’urgence environnementale (59%) et le plus faible sur « il y a trop d’immigrés » (42%).
Alors que le paysage politique est « brouillé » , selon L Rouban, le pourcentage de ceux qui se disent proches d’un parti politique diminue chez les enseignants comme dans le reste d ela société. Mais les enseignants se déclarent proches de la gauche dans une proportion qui a augmenté depuis 2017 de 33 à 49%. Ce sont aussi ceux qui ont abandonné le plus E Macron (de 33 à 21%). 19% se sentent proches de la droite et 10% du RN, en légère hausse de 2% par rapport à 2017.
Des déçus du macronisme
Le RN est d’ailleurs la bête noire des enseignants. Ils sont les moins nombreux à envisager de voter pour elle au 1er comme au 2d tour de la présidentielle à venir.
Au premier tour 21% des enseignants voteraient Macron (24% moyenne nationale), 18% Jadot, 15% Hidalgo, 11% Mélenchon et 5% Roussel, les meilleurs scores pour ces éventuels candidats. 16% voteraient Bertrand (LR) et 10% Le Pen (contre 26% en moyenne nationale).
Le retour de la gauche
Les enseignants apparaissent bien comme le bastion de la gauche, ce qui doit expliquer en partie les attaques qu’ils subissent. Sont-ils précurseurs ? Pour Luc Rouban, « la demande globale en faveur de la gauche et de l’écologie politique a considérablement augmenté et cela dans toutes les catégories d’électeurs mais plus particulièrement chez les fonctionnaires. La gauche, dans la perspective de 2022, souffre bien plus d’une offre éclatée entre de multiples candidats que d’un affaissement de la demande d’égalité et de justice sociale, qui, bien au contraire, s’est trouvée amplifiée par la crise sanitaire… Paradoxalement, les grands perdants de cette évolution au premier tour de l’élection présidentielle sont les candidats de la droite parlementaire… Le clivage droite-gauche est en train de se réactiver au sein de l’électorat, ce qui pourrait, nouveau paradoxe, réussir à un macronisme renouvelé ayant glissé à droite et bénéficiant de la légitimité du Président sortant. »
F Jarraud