Quelques mois après un rapport de la Cour des comptes particulièrement ravageur, la délégation aux Outre Mer de l’Assemblée nationale publie un rapport sur l’école aux Antilles et à La Réunion rédigé par Cecile Rilhac, Daniele Obono, Max Mathiasin et David Lorion qui veut » dépasser la logique comptable ». S’il demande l’arrêt des suppressions de postes dans les 3 DROM de Martinique, Guadeloupe et La Réunion et préconise d’investir dans le bâti, le rapport ne va pas très loin dans les investissements. Il a comme grand avantage de détruire plusieurs affirmations du rapport de la Cour des Comptes. Et comme inconvénient de ne pas traiter des territoires où la situation est pire : Guyane, Mayotte.
Une situation scolaire inquiétante
Les rapporteurs ne le cachent pas : l’origine du rapport est à chercher dans le mouvement social des Antilles. Et le constat fait par le rapport est alarmant. C’est le principal apport du rapport.
En apparence les résultats scolaires sont bons avec des taux de réussite au bac égaux à la moyenne nationale. Le nombre d’enseignants par élève est meilleur qu’en métropole. Mais ces données cachent la réalité estime le rapport.
Si le taux de réussite au bac est bon c’est que le taux de décrochage est deux fois plus élevé qu’en métropole si on prend le taux de sortie précoce. La part de la population de plus de 15 ans sans diplome est le double de la métropole. Le taux d’illettrisme atteint 30% (trois fois la métropole). La maitrise du français pose problème avec un tiers des enfants à La Réunion qui parlent créole chez eux.
Le rapport souligne la baisse du nombre d’enseignants dans les deux degrés en réponse à la baisse démographique dans les 3 régions. » Les Rapporteurs ne partagent pas cette analyse comptable et recommandent de suspendre toute réduction de postes dans le premier et second degré afin de garantir des effectifs réduits par classe ». Ils estiment que l’appareil statistique du ministère n’appréhende pas les réalités. On le lit notamment dans le nombre d’élèves par classe dans l’éducation prioritaire qui reste élevé (27) alors que tous les dédoublements ne sont pas faits en CP et CE1.
Une situation sociale détériorée
Le rapport revient sur les conditions socio economiques très difficiles avec plus d’un tiers de la population sous le seuil de pauvreté dans les 3 départements alors que les fournitures scolaires sont un tiers plus chères qu’en métropole. Le bâti scolaire est « vétuste et dangereux » : un tiers seulement des écoles et collèges sont aux normes sismiques en Guadeloupe. « Le matériel élémentaire comme la craie et les éponges manquent », notent les rapporteurs. L’eau potable manque aussi dans les établissements.
Des recommandations modérées
A partir de cette situation les rapporteurs font 56 recommandations. La principale est l’arrêt des suppressions de postes dans les deux degrés immédiatement. Le rapport recommande de « rénover l’éducation prioritaire » en augmentant le nombre d’établissement en Guadeloupe mais aussi en appliquant la réforme gouvernementale ce qui revient à diminuer l’éducation prioritaire à terme. Il demande le dédoublement de tous les CP CE1 de l’éducation prioritaire et de plafonner le nombre d’élèves à 26.
Le rapport préconise de développer les langues régionales et de généraliser le dispositif « enseignement du français en milieu créolophone » dès la maternelle.
Les recommandations sur le bâti sont minimum : accélérer la mise aux normes sismiques, assurer l’accès à l’eau et au savon, climatiser les batiments. Autant de préconisations impossibles à mettre en oeuvre tant que la question des finances locales n’est pas traitée.
Enfin le rapport demande de lier davantage les formations professionnelles aux entreprises locales dans un esprit adéquationniste dont les limites sont bien connues.
Aucune de ces recommandations n’est chiffrée. Aucune ne fait l’objet d’une étude de faisabilité.
Un rapport qui éclaire celui de la Cour des comptes
Le principal intérêt de ce rapport c’est d’éclairer la légèreté du rapport de la Cour des comptes sur bien des points. La Cour n’avait pas perçu la réalité de la situation scolaire locale. Surtout elle rend les enseignants seuls responsables des problèmes éducatifs des DROM, ce que le rapport ne fait pas. Estimant que ces enseignants coutent décidément trop cher, la Cour des comptes demandait de dérèglementer l’enseignement dans les DROM. Un écueil où ne tombe pas le rapport.
François Jarraud