C’est quoi au juste l’école maternelle ? A la suite de la réforme du programme de l’école maternelle, le Snuipp FSU réunit le 1er juin un colloque à distance avec plus de 500 participants. Certes il s’agit de marquer l’intérêt du syndicat face au ministère à un moment clé de la réforme. Mais le colloque est là pour former les enseignants en les confrontant à des visions différentes de l’école maternelle. La question de la réduction des inégalités est bien centrale. Mais comment faire ? Christophe Joigneaux (Escol, Upec), Anne Clerc-Georgy (HEP Vaud) et Synvie Cèbe (Espe Clermont Ferrand) engagent un débat qui touche au coeur du métier…
Le contexte du nouveau programme
« Les enseignants de maternelle devront-ils modifier leurs pratiques à la rentrée ? Non ». En ouvrant le colloque, Guislaine David, co-secrétaire générale du Snuipp Fsu, rassure sur le nouveau programme, adopté par défaut le 27 mai. « Il s’agit d’aménagements plus que de bouleversement », dit-elle. « La place du jeu, celle du corps ne sont pas remises en cause. La place de la littérature , de l’écriture inventée, de la construction du nombre sont réaffirmées. Pour autant des vigilances persistent sur les attendus dont certains portent des objectifs du cycle 2. I faudra être attentif aux documents d’accompagnement ». Après une note du CSP qui a mobilisé la profession, la Dgesco a calmé le jeu et cherché des compromis. Cela n’empêche pas le colloque de réunir plus de 500 enseignants de maternelle.
De l’école de la créativité à l’école pour apprendre
« Quels choix pour l’école maternelle » interroge la première table ronde. Et c’est bien de visions différentes de cette école qu’il va être question dans une dialectique qui aura sans doute marqué les participants.
Christophe Joigneaux ouvre le colloque avec une intervention où il partage l’histoire de l’école maternelle. Autour de 1968, dans la suite de Kergomard, l’école maternelle est celle de la créativité et de l’épanouissement de l’enfant. Mais dès le milieu des années 1970 l’objectif de réduction des inégalités sociales passe au 1er plan et fait évoluer la conception de l’école maternelle. Le tournant est dans les instructions de 1986 : l’école maternelle est une école. « On joue parfois pour jouer mais surtout pour apprendre ». Le modèle de l’élève réflexif et autonome s’impose avec la montée des conception vygotskiennes. La maternelle est devenue une école où on apprend au moyen des étayages des enseignants.
C Joigneaux donne l’exemple des pratiques langagières comme pratique devant lutter contre les inégalités sociales. L’accent est mis sur le développement de la conscience honologique avec un enseignement systématique, comme on le retrouve dans le programme d e2015 oule nouveau. Finalement cela semble porter se sfruits selon une évaluation Depp de 2011 qui montre de nets progrès des élèves depuis 2017 et avec réduction des inégalités. Mais patatras ! Deux ans plus tard en CE2 le niveau des élèves est retombé. Finalement les activités de phonologie se font trop au détriment d’autre sactivités langagières plus transversales mais nécessaires pour la suite.
L’intérêt du jeu de faire semblant
Par suite, Anne Clerc-Georgy, HEP Vaud, présente l’intérêt du « jeu de faire semblant » pour le développement des enfants. Ces situations imaginaires permettent à l’enfant d’éprouver des émotions, de l’empathie, de voir les choses sous des angles nouveaux, de s’autoréguler et de s’approprier les apprentissages faits à l’école. Le jeu permet l’intériorisation et semble capable de développer l’enfant.
La « conception universelle de l’enseignement »
L’approche de Sylvie Cèbe est tout autre. Elle « mobilise les pratiques qui ont fait leurs preuves » à partir de Narramus. Pour réduire les inegalités sociales il faut viser « l’exigence cognitive et linguistique des familles cultivées ». Donc il faut enseigner longuement, de manière méthodique et explicite les connaissances, les compétences et le savoir faire à mobiliser pour la compréhension. Celles ci sont définies par la recherche à partir des preuves (evidence based). Et il faut le faire en se basant sur les attendus des programmes de 2021. Sylvie Cèbe introduit un nouveau modèle : « la conception universelle de l’enseignement » qui impose de planifier des cours accessibles à tous dès le départ en offrant plusieurs moyen d’engagement, de représentation et d’expression. « La CUE ne propose pas de changer les contenus enseignés mais les manières d’enseigner ».
On le voit deux représentations de l’enseignement en maternelle, radicalement différentes, sont proposées aux enseignants, même si l’une semble plus en accord avec la vision officielle. Les interventions de Sylvie Plane et Patrick Lamouroux complétaient ces approches de l’école maternelle.
L’école maternelle reste dans sa singularité entre une vision immersive de l’enseignement et une approche très directe. Les enseignants sont repartis avec matière à réflexion. A chacun de faire sa synthèse.
François Jarraud