Mars 2020 – mars 2021 : retour à la case départ. A nouveau les enseignants basculent sans réelle préparation dans l’enseignement à distance. A nouveau, tout refaire dans l’urgence. A nouveau, l’inquiétude sur les outils : tiendront-ils ?A nouveau, la peur de perdre des élèves. Voilà ce que nous ont dit des professeurs.
Anticiper pédagogiquement
« On a pu anticiper », nous dit Johann Nallet, professeur d’histoire-géographie au collège de Gemozac (17). « Je sais que mes élèves de 4ème et 3ème n’ont pas tous un ordinateur à la maison. D’autres n’ont pas Internet. Mais tous ont un smartphone. Ils peuvent retirer le travail à faire facilement sur Pronote avec un smartcode et renvoyer leur travail fat sur papier en le photographiant. Ils sont partis avec un fond de carte photocopié ».
Dans ses classes les élèves sont déjà habitués au travail à distance. « Je vais poursuivre sur le thème des migrations avec une capsule vidéo d’une ou deux minutes pour introduire le sujet. Ils auront un dossier documentaire envoyé sur Pronote ».
J Nallet n’envisage pas de faire de viso cette semaine car les élèves ne sont pas demandeurs. « Sils ont besoin je suis là ». Par contre la visio va revenir pour la semaine de rentrée après les deux semaines de congés. « Je vais recommencer avec une visio pour recréer du lien », nous dit-il. « Il y aura un quizz sympa pour réactiver les notions. Il peut être fait sur smartphone.
La vraie difficulté est ailleurs. « En distanciel il faut proposer des activités où il n’y ait pas d’implicite pour ne pas perdre d’élève. Il ne faut pas donner trop de travail ». Le collège a mis en place un dispositif pour éviter le décrochage. « Chaque enseignant a un fil de discussion pour sa classe. Les élèves signalent leurs difficultés. Souvent un camarade règle le problème avant moi. « Je vais poursuivre ma progression mais plus lentement. Je ne veux pas radoter ce ennuierait les élèves ! »
Un avenir brouillé
« On ne lâche rien », nous dit Nathalie Coudoré, professeure d’anglais au lycée professionnel Camel de Saint-Girons (Ariège). Mais elle est inquiète. « On est déjà en alternance une semaine sur deux car on a un important internat. Et c’est difficile ».
Le lycée a des sections très touchées par la crise, comme l’hôtellerie restauration et les soins à la personne, des secteurs où les entreprises ont souvent fermé. Les élèves ne sont pas rassurés pour les examens à venir, qui exigent des formations en entreprise. Ils ne le sont pas plus pour le post bac qu’il s’agisse d’insertion professionnelle ou de poursuite d’études. « La crise sanitaire les touche beaucoup et les décourage ».
A cela s’ajoutent les handicaps sociaux. « Souvent ils n’ont pas Internet à la maison. Je ne prépare que des travaux qui peuvent être faits sur smartphone ». « Il y aura une visio sur Zoom ». Et cette semaine les élèves doivent rendre de l’expression orale enregistrée en mp3 sur leur téléphone. Ils doivent aussi faire des exercices ludiques accessibles sur smartphone. « Mes collègues de cuisine se filment en train de préparer des repas. Ils font des tutoriels vidéos ». Tout est fait pour garder le lien avec les élèves. Mais l’avenir particulièrement brouillé n’aide pas les enseignants.
Une dynamique face aux inégalités
Au collège Rep Ducos du Hauron d’Agen (Lot et Garonne), Amélie Mariottat, professeure de français, espère garder tous ses élèves. « Mes élèves de 6ème et 3ème ont tous une tablette à la maison. Ils sont partis avec leur tablette et un dossier documentaire avec du son, une vidéo et un texte et des documents à compléter. J’ai prévu deux visios par classe cette semaine. La première accompagnera ces activités. La seconde sera là pour lever les difficultés. Si ça se prolonge j’organiserai des quizz en ligne et je créerai des groupes de besoins avec des visions différentes pour mieux les accompagner ».
Amélie Mariottat espère créer une bonne dynamique pour retrouver tous ses élèves après les congés. « Il y aura un jeu défi pour la rentrée. Mais je reste dans la continuité et je ne vais pas aborder une nouvelle notion. On fera ça en présentiel ».
Son souci ce n’est plus les zones blanches. Mais les élèves qui habitent de petits appartements où travailler est difficile. Seront-ils tous là fin avril ?
Gérer le stress
Professeure de lettres au lycée pilote innovant de Poitiers, Hélène Paumier a des élèves habitués aux outils numériques. « J’ai une seconde et une première. En 2de ils vont préparer un exposé en vidéo et ils se sont déjà inscrits sur des créneaux en visio. En première j’ai prevu deux visios en petit groupe sur la préparation d’une lecture linéaire. Ils vont échanger entre eux et je reprendrai en fonction de leur travail. Je garde 30 minutes pour u travail d’écriture accompagné en visio. On travaille sur le mensonge en ce moment… »
H Paumier n’a pas peur de perdre des élèves fin avril. « On a perdu des élèves lors du premier confinement. Depuis on a tiré des leçons. La première c’est de ne pas partir bille en tête. On n’assomme pas les élèves de visios. On garde la mesure. La seconde c’est qu’on a un dispositif de suivi. Chaque professeur suit un petit groupe d’élèves avec le renfort des CPE et de l’infirmière. « On doit faire face au stress des élèves ».
Propos recueillis par François Jarraud