L’instruction en famille est-elle un droit ou doit-elle être soumise à autorisation de l’administration comme l’établit l’article 21 de la loi séparatisme ? L’Assemblée nationale a débattu très longuement le 11 février en première lecture de cet article. Il lui a fallu cinq heures de débats pour décider de ne pas supprimer l’article. Au final, la majorité a imposé sa loi. Mais elle n’a pas dominé les débats, s’avérant incapable d’apporter des réponses convaincantes aux arguments de l’opposition de droite comme de gauche. Au point que plusieurs députés LREM ont voté contre le maintien de cet article. Et que son application est repoussée à 2024-2025.
Encadrer la liberté pour la défendre ?
Pendant 5 heures les députés se sont affrontés sur plusieurs amendements de suppression de l’article 21, déposés par la droite et la gauche de l’Asemblée. Les débats ont été vifs, émaillés de suspensions et de rappels au règlement, par exemple quand le gouvernement a introduit plusieurs amendements durant la séance, pour n’en garder qu’un.
Jean Michel Blanquer a du intervenir trois fois, de façon assez virulente. Pour lui, l’article, sui soumet à autorisation l’instruction en famille (IEF) ne revient pas sur la liberté constitutionnelle d’enseignement , et même ne réduit pas les libertés. « C’est quand les libertés ne sont pas précisées qu’elles sont peu garanties », dit il. En réduisant fermement à 4 cas la possibilité de l’IEF, le gouvernement conforte la liberté. « Cet encadrement est la garantie de la liberté ». Le ministre a aussi vivement pris à partie la gauche, accusée de renier l’école publique. Inversement , selon lui, LREM serait le défenseur de cette école. Il aussi défendu la constitutionnalité de la loi et justifié l’article par la nécessité de s’opposer aux parents qui retirent leurs enfants de l’école pour les radicaliser.
Malgré le soutien des rapporteurs et de députés LREM, dont un a annoncé bientôt 2 millions d’enfants déscolarisés et soumis à l’islamisme radical, le ministre n’a pas pu empêcher des députés de passer dans le camp hostile à l’article comme Mme Bono-Vandorme.
Un fort risque d’anticonstitutionnalité
Parmi les orateurs de l’opposition les plus remarqués, Charles de Courson (centriste). Pour lui la bonne stratégie contre la radicalisation n’est pas le controle a priori de l’IEF mais le controle a posteriori. « Le controle coute moins cher que si l’on éduquer les enfants à l’école », a t-il dit. Il rappelle aussi la jurisprudence du conseil d’Etat en 2017 sur la liberté de l’enseignement et rappelle que dans les pays d’europe où l’IEF est interdite cela vient de législations nazie ou fasciste. Pour lui ce texte est une agression envers les familles, argument qui a été repris par d’autres orateurs. Il rappelle aussi que la liberté de choix de sfamilles a été reconnue en 1977 par le conseil constitutionnel, soulignant la fragilité du projet de loi.
Olivier Faure s’interroge sur la façon dont l’administration va controler les 50 000 personnes qui demanderont l’autorisation. « Selon l’origine ? La religion ? ». Ce qui lui semble certain c’est les interprétation fort différentes selon les académies.
Le problème des 100 000 enfants non scolarisés
Stéphane Peu, élu PC de Seine Saint Denis, a déplacé le problème. « Quand un collégien a l’équivalent d’une année de cous perdue faute de remplaçant, quand des parents font la chaine autour d’une école pour empêcher les dealers d’y entrer sans que les autorités de ‘lEDucation nationale ou de la police les aident, trois quarts des parents font de l’évitement scolaire. L’état de l’école publique fait plus contre l’école que l’islamisme.. Le gros problème c’est pas l’IEF ce sont tous les enfants qui sont hors radars ». Les associations estiment que 100 000 enfants des bidonvilles sont écartés de l’école.
Le bilan final de cette journée c’est que les amendements de suppression de l’article sont écartés. Mais la majorité n’a pas convaincu et s’est fissurée. Et l’article 21 n’était toujours pas adopté dans la nuit quand l’Assemblée s’est séparée.
Le gouvernement a du introduire en urgence au milieu de la séance, peut-être pour ne pas éclater davantage, un amendement (2727) repoussant à 2024-2025 l’application de la loi pour les familles pratiquant déjà l’IEF. Ce report au delà de 2022 et à un autre gouvernement ressemble à un enterrement. Un amendement de la rapporteure prévoit une instance de recours contre une décision de refus d’autorisation par le Dasen auprès d’une cellule rectorale.
François Jarraud