« La France est en net progrès sur la formation continue mais on est au milieu du gué ». Ce bilan du colloque international organisé par le Cnesco sur la formation continue des enseignants résulte d’une double constatation. D’une part, après des années de désintérêt, l’Education nationale a augmenté le volume de la formation continue. Mais la conception qu’elle s’en fait et le management de ces formations les rendent particulièrement inefficaces. Le Cnesco plaide pour que les formations prennent en compte les attentes des enseignants et qu’y soient associés chercheurs et collectifs enseignants. A quelques jours des conclusions officielles du Grenelle, le Cnesco a t-il une chance d’être entendu ?
Un effort de formation réel…
Après deux années de recherche et une conférence de comparaison internationale particulièrement éclairant, Nathalie Mons, Régis Malet et Olivier Maulini, présentent les conclusion du colloque en essayant de pointer d’abord le positif.
Selon le Cnesco, il y a « une dynamique en marche » pour la formation continue des enseignants. Le Cnesco montre par exemple que dans TIMSS le nombre d’enseignants ayant suivi une formation en maths a doublé depuis 2015. 71% des enseignants du 1er degré ont suivi une formation en présentiel. On sait que le plan français et le plan maths vise à former tous les enseignants du 1er degré. Mais ce mouvement avait commencé bien avant JM Blanquer avec, par exemple, les formations mises en place dans les Rep+ en essayant de coller aux besoins des enseignants, formations en voie de disparition. Malgré tout le retard français par rapport à nos voisins reste très important. La France est dans le peloton de queue sur ce point.
Mais particulièrement inefficace…
Ce qui caractérise davantage la France c’est les effets « mesurés » des formations sur les enseignants. 38% des professeurs des écoles considèrent que leur participation (obligatoire) aux formations continues n’ont aucun effet sur leurs pratiques (contre 9% en Angleterre ou 19% en Suède selon Talis). Et les enseignants français émettent des besoins de formation de façon plus importante que leurs collègues des autres pays. Ils se sentent moins compétents pour appliquer des méthodes pédagogiques différentes ou aider les élèves.
Car déconnecté des demandes du terrain
Comment expliquer cela ? A vrai dire les enseignants savent ce que le Cnesco met à jour de façon scientifique. « Les formations fécondes sont celles qui sont ancrées dans les besoins des enseignants », explique Olivier Maulini. « En France elles sont parfois conçues par le ministère ou des experts de manière distante par rapport aux préoccupations du terrain ». En fait selon le Cnesco 83% des professeurs de collège par exemple ne sont jamais consultés sur leurs besoins de formation. C’est le cas de la moitié des professeurs des écoles. Le Cnesco n’insiste pas mais on sait que ceux-ci sont entrainés de façon obligatoire dans des formations imposées par le ministère sur sa vision pédagogique qui croise rarement les besoins du terrain.
Le Cnesco souligne aussi qu’il faut combiner formation individuelle et collective. A vrai dire le ministère tente de faire cela avec ses « constellations » dans le 1er degré. Mais ces constellations sont définies et imposées par la hiérarchie.
Le résultat est mis en évidence par le Cnesco : c’est que les enseignants vont se former en dehors de l’institution. 44% des professeurs des écoles et 47% d eceux du second degré suivent des formations proposées par d’autres structures, notamment les mouvements pédagogiques (Icem, Gfen etc.) ou les syndicats, selon l’enquête du Cnesco.
Régis Malet parle « d’un modèle de formation très descendant » en France et souligne que « la question de l’obligation n’est pas la clé d’uen réforme réussie de la formation ». Pour lui c’est la motivation intrinsèque des enseignants qu’il faut chercher. On sait que la loi Blanquer a amplifié les effets négatifs du modèle français en rendant la formation continue obligatoire et en prévoyant qu’elle ait lieu sur les congés à raison de 5 jours par an. La mesure est passée mais n’a pas encore été massivement appliquée.
Les 15 propositions du Cnesco
Alors quelles seraient les voies d’une réforme de la formation continue ? Pour Régis Malet il faut « envisager la recherche comme une posture à développer chez les enseignants » pour les engager dans des collectifs enseignants de formation. Ce qui passe par l’aménagement du temps de travail et par la reconnaissance institutionnel.
Le Cnesco fait 15 propositions pour relancer la formation continue en France. Il invite à prendre en compte les besoins des personnels en formation et à donner du temps pour construire des communautés apprenantes dans les établissements. Il invite à développer des formations universitaires qualifiantes et à mettre en place des « établissements apprenants » sur le modèle des lesson studies japonaises. Cela passe par la valorisation de la formation dans la carrière des enseignants par exemple à travers des missions.
Cette dernière recommandation pourrait être entendue. En effet le Grenelle de l’éducation , dans les conclusions du groupe formation et du groupe revalorisation, prévoit de revaloriser en focntion des participations aux formations. Pour le reste on voit mal le ministre, qui a fait le ménage dans les formateurs comme le rappelle récemment R Goigoux, renoncer à imposer ses choix pédagogiques à tous les enseignants. On le voit donc mal renoncer aussi à sa vision autoritaire et très hiérarchique du métier enseignants. L’éducation nationale risque fort de continuer à développer de vastes plans de formation d’une façon splendidement inefficace.
François Jarraud
La conférence du Cnesco sur la formation
Les comptes-rendus du Café sur cette conférence et les enjeux du développement professionnel des enseignants