Il y a trois semaines, nous avons concrétisé un projet évoqué depuis quelques mois avec deux collègues de CP : elles ont accueilli mes élèves de CM1-CM2 dans leurs classes dédoublées (à 13-14 élèves) pour servir de « scribes » à leurs élèves et retranscrire leurs textes libres.
J’avoue que j’étais un peu dubitative quant aux productions car plusieurs élèves de ma classe sont peu à l’aise avec l’écrit : l’un est très dysorthographique (l’orthophoniste qui le suit m’a conseillé en début d’année de ne passer quasiment que par l’oral avec lui), un autre écrit très gros, sans suivre les lignes de son cahier et quasi-phonétiquement, une troisième écrit également avec difficultés des lettres qui s’entremêlent et ne suivent pas les lignes, et un quatrième, très envahi par des problèmes familiaux, est difficilement déchiffrable. Bref : j’avais prévenu mes collègues de ces difficultés éventuelles et nous nous sommes lancés !
Première séance
Chaque CM se met en binôme avec un CP. Une feuille et un crayon sont prêts à être utilisés sur chaque table : c’est parti ! Nous avons vécu une demi-heure de concentration impressionnante : les élèves chuchotaient tous, il y avait très peu de mouvements, une atmosphère sereine et calme. Après ces 30 minutes, j’ai demandé à mes élèves de finir leur phrase, de noter les noms sur les feuilles, de me les remettre et de repartir avec moi. Ils ont remercié chaleureusement leurs binômes et nous sommes remontés en classe. J’ai, dès ce moment, été impressionnée par la longueur de leurs textes, notamment ceux de mes élèves les plus en difficulté à l’écrit.
Nous avons parlé de cette expérience en arrivant dans la classe : ils étaient attendris et émerveillés par les CP et leur imagination, m’ont demandé quand on y retournerait. Un enthousiasme général ! Et j’ai senti que mes élèves se sentaient « investis d’une mission » : ils étaient fiers d’eux. Je les ai bien sûr félicités pour leur attitude et l’intensité de leur concentration. J’ai vraiment eu la sensation d’un moment presque magique, de dépassement de soi, vécu par tous mes élèves, sans exception. Mes deux collègues m’ont ensuite fait des retours similaires : leurs élèves avaient été impressionnés par « les grands » et s’étaient également dépassés, concentrés. Ils s’étaient sentis importants et mis en valeur. On peut parler de « gagnant-gagnant », non ?
Michèle Sillam, animatrice du groupe de soutien au soutien auquel je participe, a eu la réaction suivante lorsque je lui ai fait part de cette expérience jubilatoire : « Comment appelle-t-on le fait de faire dicter le texte d’un élève qui n’écrit pas encore à quelqu’un ? Une ”dictée à l’adulte” ! Tu as renvoyé à tes élèves le fait qu’ils étaient responsables et dignes de confiance vis-à-vis des CP et ils ont agi en conséquence ! »
Épilogue
Nous avons fait ensuite deux autres séances, avec des moments de corrections orthographiques et syntaxiques entre autres, et les productions sont pour la plupart longues et imaginatives. Ils les ont également illustrées ensemble. Nous allons en faire un recueil de textes que nous distribuerons aux trois classes (et aux autres !).
Charlotte Marin
Pour aller plus loin
1) Les groupes de « soutien au soutien »
2) Eloge du mélange des âges
Une question
Qu’est-ce qui fait qu’une activité que nous proposons provoque la mobilisation de chacun ou pas ?