Enseigner c’est toujours transmettre de soi, introduire dans l’humanité, partager celle-ci. En participant à « Par les vivants », un projet pédagogique qui invite les élèves à construire un parcours sonore sur la communauté juive de leur ville durant la seconde guerre mondiale, Jean-Marie Evrard renoue avec la recherche historique et avec ces finalités du métier. Sa classe de seconde du lycée Jacques Feyder d’Epinay-sur-Seine est embarqué dans une démarche d’historien qui les fait grandir.
Un défi d’historien
« Si je me suis intéressé à ce projet c’est à la fois pour pouvoir accroitre mes connaissances sur cette histoire et parce que l’enseignement de l’histoire a toujours une visée civique. Là faire comprendre le processus politique qui partant de la discrimination a conduit à la Shoah », explique Jean-Marie Evrard. Ce jeune professeur d’histoire-géographie fait travailler une heure par semaine sa classe sur la découverte de la communauté juive d’Epinay sur Seine au moment de la seconde guerre mondiale. Il les entraine dans un projet dont les bases ont été lancées par une enseignante, Mme Paillery-Guichard.
Pour lui c’est déjà relever un défi d’historien. « J’ai retrouvé le plaisir de la recherche historique, du travail en archives. Le plaisir de tomber sur un document éclairant ». Avant de lancer les élèves JM Evrard a fait un gros travail de recherche en archive pour arriver à découvrir la communauté juive de la ville. Les sources sont au Mémorial de la Shoah et aussi aux archives municipales. Là il retrouve des listes de juifs, les déclarations des biens juifs spoliés par l’Etat français. A travers ces inventaires on entre dans les maisons. Ces archives sont ensuite réunies en dossiers familiaux sur lesquels travailleront les élèves.
Découverte de l’empathie
« Les élèves découvrent que les juifs d’Epinay n’ont pas été que des victimes. Ils vivaient dans un espace proche du domicile des élèves. Ils fréquentaient les mêmes lieux qu’eux. Ils avaient une vie. Et le fait que ce soit dans l’histoire locale implique fortement les élèves », explique JM Evard.
Les élèves sont donc confrontés à des archives. « Ils font un travail d’historien. Ils se posent des questions et mon travail c’est de les guider. Ils rédigent des récits intermédiaires qui préparent les podcasts qui permettront de construire un parcours sonores à travers la ville ».
Travailler sur la Shoah en Seine Saint Denis serait donc possible ? « Je fais le pari de l’éducabilité des élèves », répond JM Evrard. « Mais je ne rencontre ni résistance ni remarques hostiles de la part des élèves. La classe est un espace où on peut poser des questions. En fait les élèves vivent des révélations. Ils découvrent que ce qu’on leur a appris en 3ème est bien réel. Ce projet est aussi une école d’empathie ». Les élèves découvrent le processus politique qui conduit de la discrimination, une situation qu’ils peuvent connaitre, à la spoliation, l’exclusion et finalement la mort. Ils découvrent aussi comment des gens ordinaires sont touchés par les lois. « Ils apprennent aussi à faire classe. Ce travail crée une ambiance de classe. Ca les soude car ils coopèrent en petits groupes.
Et le professeur qu’apprend-il ? « A refaire de la recherche et c’est bien agréable. Mais aussi à être très agréablement surpris par les élèves. J’en vois se révéler à travers ce projet. Et ça c’est agréable ».
Propos recueillis par François Jarraud