Dans un courrier envoyé aux enseignants le 21 janvier au soir, JM Blanquer annonce que les épreuves de spécialité du bac 2021 auront lieu au contrôle continu. Il répond ainsi à la demande des syndicats et de très nombreux enseignants. Mais il annonce aussi un encadrement de ce controle continu. L’épreuve de français est maintenue mais avec 14 textes seulement en voie générale et 7 en voie technologique.
Les spécialités elles aussi au contrôle continu
« Nous devons tenir compte de la crise sanitaire et de ces nécessaires adaptations sur la tenue des examens », écrit JM BLanquer dans une lettre envoyée très tard aux enseignants le 21 janvier.
« Les enseignements de spécialité des baccalauréats général et technologique ne seront pas évalués au travers d’épreuves au mois de mars mais sur la base des moyennes des 3 trimestres de terminale », annonce le ministre. Parcoursup prendra en compte ces moyennes des deux premiers trimestres. Rappelons que jusque là Parcoursup était le prétexte invoqué par le ministre pour maintenir les épreuves en mars.
Une tentative de maintenir un cadre national
En augmentant encore la part de controle continu, le ministre détruit un peu plus le caractère national de l’examen. Finalement seuls le français, la philosophie et le grand oral seront évalués lors d’épreuves. En réponse, JM Blanquer promet « un cadre de travail commun » pour aider les commissions d’harmonisation et un « guide de l’évaluation » qui « déclinera des recommandations ». Il y aura « des jalons précis pour objectiver les résultats (des élèves), une définition des modes d’évaluation…, des exigences dans la constitution des moyennes ».
L’expérience du bac 2020 fait craindre que ces dispositifs soient de peu d’efficacité. Pour la seconde année consécutive le bac fait perdre en crédibilité et en caractère national. Une situation qui encourage les établissements d’enseignement supérieur à prendre en compte avant tout le lycée d’origine. Ce n’ets peut-être pas pour déplaire au ministre.
Une décision qui évite la catastrophe
Les conditions très particulières de cette rentrée et les exigences du nouveau bac, avec un programme très lourd, des classes chargées et un calendrier très avancé ont imposé cette décision. Un bel exemple est donné par une enquête de l’Apses, association des professeurs de SES qui a touché un quart des professeurs de terminale. Selon elle il aurait été impossible de faire passer les élèves en situation d’égalité. « Durant les 14 semaines entre septembre et les vacances de Noël, sur les 8 chapitres attendus pour les épreuves de mi-mars, 76,8 % des collègues déclaraient avoir traité 4 chapitres ou moins. A la rentrée de janvier, il restait alors pour leurs élèves à ingurgiter au minimum la moitié du programme attendu, le tout en 8 semaines », note l’Apses. L’enquête montre que 90% des professeurs de SES de terminale n’ont plus de dédoublements. 74% n’ont pas pu entrainer leurs élèves en devoir sur table d etype bac 8 semaines avant la date des épreuves. 74% n’ont évalué aucune dissertation. 94% disent n’avoir aucun temps pour préparer le grand oral. L’Apses demandait le report des épreuves de spécialité et la suppression du Grand oral.
Réactions syndicales
Le Se-Unsa se félicite de la décision ministérielle. « Le choix du recours au contrôle continu est le seul qui permet une adaptation des sujets aux progressions réelles et le seul qui garantit que les élèves seront bien évalués. C’est aussi le choix de libérer du temps pour les apprentissages. C’est enfin un choix qui confie aux équipes enseignantes la lourde responsabilité de mettre en place une évaluation équitable et adaptée aux attendus de programmes qu’ils pratiquent pour la première année. Les accompagnements annoncés, bien qu’un peu tardifs, seront les bienvenus et le travail collectif sera indispensable pour construire des repères partagés. Du temps devra être dégagé à cet effet », écrit le syndicat.
« La solution retenue (passage en contrôle continu) ne correspond toutefois pas aux attentes de la majorité de nos adhérents, qui demandaient un report en juin et la suppression du grand oral », écrit le Snalc qui « sait néanmoins faire preuve de pragmatisme ».
Pour Sud Education, « ce premier pas, bien mince, du ministre, ne doit pas faire oublier qu’en s’acharnant ainsi, Blanquer conduit une nouvelle fois à changer les règles des épreuves en cours d’année scolaire. Il en profite également pour pousser davantage encore le contrôle continu. Pour cette raison, la charge de travail des enseignant-e-s sera encore amenée à s’accroître : augmentation du nombre de devoirs surveillés, et réunions d’harmonisation pour lisser les résultats du contrôle continu ».
Aménagement des épreuves de français et philosophie
JM Blanquer annonce aussi des aménagements pour les épreuves de philosophie et français. En philosophie il y aura 3 sujets de dissertation au lieu de deux pour mieux couvrir le programme.
En français, l’épreuve ne comptera que 14 textes en série générale et 7 en série technologique. Cet allègement du nombre de textes à présenter à l’oral de l’EAF était attendu et espéré par les professeurs de français. L’annonce est cependant tardive : rendre obligatoires uniquement les extraits des œuvres au programme est susceptible de compliquer la progression, certains collègues ayant pu choisir de mener ou de programmer d’ores et déjà des études de textes dans le cadre des parcours associés.
L’annonce est aussi à forte teneur idéologique. La principale préoccupation semble être de maintenir envers et contre tout l’épreuve écrite de dissertation (en considérant désormais explicitement qu’elle porte uniquement sur l’œuvre, indépendamment du parcours associé, en considérant aussi qu’il suffit de mener 3 explications linéaires de 20 lignes pour la traiter). L’objectif semble être aussi de conserver la question orale de grammaire : on attendait un allègement du nombre de notions à préparer, qui avait été alourdi en début d’année, il n’en est rien pour l’instant.
Bref, sauvons la dissertation et la grammaire, continuons à empiler les explications linéaires. Peu importe d’ailleurs les activités d’enrichissement culturel et d’appropriation personnelle des œuvres, qui pourraient donner du sens à l’enseignement du français au lycée. En particulier dans le contexte difficile actuel.
Malgré toute cette évolution, JM BLanquer maintient sa consigne de retour des élèves de terminale en présentiel. Il invite à beaucoup travailler. Du moins tant que les établissements sont ouverts…
François Jarraud et Jean-Michel Le Baut
La note Apses