L’annonce surprise par J Castex, le 15 décembre, que les élèves pourront ne pas venir en classe les 17 et 18 décembre jette le trouble chez les enseignants et les personnels de direction. Aucune déclaration officielle ne laissait présager cette décision alors que presque quotidiennement le ministre de l’éducation nationale répète que rien n’est plus important qu’aller à l’école. Elle ajoute à la désorganisation du système éducatif. Mais on s’interroge aussi sur les raisons qui ont conduit le gouvernement à prendre subitement cette décision et sur ce que cela veut dire pour la rentrée de janvier.
Une décision surprise
Tout est parti d’une déclaration du premier ministre le 15 décembre au matin. Il annonce que les absences des élèves les 17 et 18 décembre, deux derniers jours juste avant les vacances de Noël , seront tolérées.
Il s’appuie sur une nouvelle note du Conseil scientifique Covid qui recommande de laisser les élèves libres de venir en cours, ou pas, jeudi 17 et vendredi 18. Le conseil justifie ce « conseil » par la volonté de limiter la diffusion du virus pendant les fêtes de fin d’année. « En ce qui concerne les écoles et les lycées, deux propositions peuvent être envisagées pour permettre de limiter au maximum la diffusion virale dans la semaine qui précède les repas de réveillon:
– renforcer les mesures barrières à l’école et dans les lycées la semaine du 14 décembre notamment dans les périodes à risque des repas où les enfants ne portent pas leur masque. Il est à ce titre recommandé aux établissements scolaires d’éviter les rassemblements liés aux fêtes de fin d’année dans les écoles.
– laisser une tolérance aux familles qui le peuvent et qui le souhaitent d’élargir de2 jours la période des vacances scolaires afin que l’auto-confinement de 1 semaine soit également possible pour les enfants. Il est donc recommandé de ne pas pénaliser les absences scolaires des 17 et 18 décembre »
Le ministre mange à nouveau son chapeau
Le ministère nous confirme un peu plus tard que les élèves pourront ne pas venir en cours jeudi et vendredi. « En référence avec ce qu’a dit le premier ministre », nous dit le ministère, « et en complément de l’avis du conseil scientifique, si des familles peuvent et veulent s’autoconfiner avant les fêtes il est toléré qu’elles n’envoient pas les enfants à l’école jeudi et vendredi. Elles doivent prévenir l’établissement scolaire ». Pour les enseignants : « ils ne sont pas concernés par ces absences tolérées pour les élèves ». Les rectorats devaient informer les écoles et établissements dans la journée.
Alors qu’il ne cesse de répéter depuis des semaines qu’il faut aller à l’école, le ministre mange son chapeau sur RTL le 15 au soir. « C’est une décision de protection… Nous tolérons qu’une famille n’envoie pas ses enfants. C’est une simple tolérance ». Et le ministre affirme que « la recommandation c’est d’envoyer les enfants ». Mais personne n’est dupe sur les effets de cette « tolérance ».
Les syndicats posent la question de l’après
Toute la journée des enseignants et des personnels de direction ont manifesté leur surprise et leur mécontentement d’une décision aussi tardive et qui arrive par voie de presse. On a l’impression de revivre un nouvel épisode des contrordres qui se sont succédés depuis le 12 mars.
Les syndicats sont fort critiques eux aussi. Le Snpden Unsa, syndicat de personnels de direction, « ne peut que s’étonner que les autorités scientifiques s’aperçoivent hier, lundi 14, que Noël tombe encore un 25 décembre ». Le syndicat « dénonce ces changements de cap tardifs pris sans concertation avec le terrain et qui déstabilisent de nouveau un système éducatif déjà bien à la peine ».
» l’École est un lieu d’éducation et d’apprentissage et non un service à la carte ou une garderie », dit Stéphane Crochet, secrétaire général du Se-Unsa, syndicat d’enseignants.
» Y a-t-il encore un pilote dans l’avion Éducation nationale ? », demande la Fsu, première fédération de l’éducation. » Alors que tous les signaux montraient ces dernières semaines que la situation sanitaire ne s’améliore pas aussi vite que prévue, rien n’a été prévu par le ministère. Cette annonce est une nouvelle marque de mépris pour les personnels et pour l’école qui se voit à nouveau désorganisée ».
Mais ce sont surtout les raisons de la décision qui font réagir les syndicats. » Soit des mesures de confinement étaient nécessaires compte tenu de la progression de l’épidémie à quelques jours des fêtes de fin d’année et alors il fallait les prendre, les expliquer et les annoncer en temps et en heure. Soit la situation n’imposait pas de modifications des décisions prises en fin de semaine dernière et il ne fallait pas semer le doute et la désorganisation en dérogeant aux règles ordinaires d’assiduité », écrit S Crochet.
» Par cette annonce, le gouvernement reconnaît implicitement, après avoir nié pendant des semaines cette évidence, que les écoles, collèges, lycées et CIO sont des lieux de circulation du virus et de contamination », écrit la Fsu. » le conseil scientifique alerte sur le caractère très sensible du mois de janvier : l’épidémie ne s’arrêtera pas après les vacances, elle pourrait même au contraire s’amplifier suite aux fêtes de fin d’année. La FSU renouvelle sa demande : différents scénarios doivent être préparés et discutés, notamment l’hypothèse d’un renforcement du protocole sanitaire et ses implications organisationnelles ».
Alors que la pandémie reste à un niveau élevé et que les fêtes de famille ne vont rien arranger et que le vaccin n’est pas attendu en mase avant le printemps ou l’été, on devrait anticiper sur une situation aggravée en janvier.
Mais anticiper sur la crise à venir voudrait dire préparer des recrutements, des locaux. Toutes décisions qui ont un coût. Finalement l’Ecole est ballotée au gré de décisions prises au dernier moment. L’institution se ridiculise. Les déclarations ministérielles n’en sont pas loin. Et les enseignants et les élèves trinquent.
François Jarraud