A l’école d’application Simon Bolivar dans le dix-neuvième arrondissement parisien, célébrer la laïcité tous les 9 décembre est devenu un rituel. Une journée qui consacre le long travail et les différents projets qu’effectuent les 11 enseignants et enseignantes autour des valeurs et des principes de la République. L’école accueille un public plutôt mixte avec des enfants dont des parents sont cadres et d’autres qui vivent dans des foyers d’urgence. Faire vivre tout ce petit monde ensemble autour de valeurs communes, c’est l’ambition de Laaldja Mahamdi et de son équipe.
Cette année, cette journée a une saveur particulière, lorsque l’on repense à l’abominable assassinat de Samuel Paty. Pour Laaldja, directrice de l’école depuis six ans, et ses collègues cette journée particulière est encore plus chargée de sens. Il faut qu’il reste une trace de ce que symbolisent les valeurs de la République pour tous les élèves. « Depuis 2016 tous les élèves participent à la journée de la laïcité du 9 décembre. D’habitude, on organise une cérémonie assez solennelle durant laquelle je fais un petit discours sur ce que représentent les valeurs de la République, et particulièrement la laïcité. Puis certains élèves de CM2 disent quelques mots, préparés avec leurs camarades en classe. Le point d’orgue de la cérémonie, c’est l’inauguration d’une fresque réalisée collectivement ». Mais cette année, c’est différent. L’équipe souhaite absolument que ce 9 décembre soit spécial, une façon de rendre encore hommage à Samuel Paty. « Cette année les enseignants ont souhaité que les enfants de l’école réalisent une œuvre collective dans laquelle ils ont inscrit les mots qui renvoient aux notions de liberté, d’égalité, de fraternité et surtout de laïcité ». Un projet qui a réussi à fédérer enseignants et enseignantes, élèves, parents et personnel communal. Des représentants de la commune, des responsables de la direction académique mais aussi le député de la circonscription, Mounir Mahjoubi, sont présents afin de marquer ce moment solennel.
Laïcité, j’écris ton nom…
C’est donc à 9h que tout ce petit monde s’est réuni dans le grand hall de l’école. « Avant tout de chose, je rappelle ce qu’est que la laïcité, en quoi elle rassemble, unit et nous permet de vivre ensemble ».
C’est ensuite au tour des CM2 de venir dire les quelques vers qu’ils ont composés pour l’occasion. Des vers écrits à la manière du poème « Liberté » de Paul Eluard. Des vers puissants, entonnés avec force par Salimata, Gérard ou encore Wail et Lucile. « Sur le drapeau de la France, sur la place de la République, sur tout ce que j’ai appris, j’écris ton nom », « Sur mon tableau de pensées, sur les ténèbres et les clartés, sur les pensées de mes ancêtres, j’écris ton nom », « Sur les arbres du bonheur, sur toutes les couleurs, sur l’horloge qui compte les heures, Laïcité, j’écris ton nom » …
Et en toile fond, une magnifique et immense fresque (plus de 7 mètres de long et 3 mètres de hauteur). Une fresque bariolée de rectangles de couleurs portant plus de 300 mots tels que liberté, amour, kahini, together, laïcité… écrits dans les différentes langues parlées par les enfants (français, arabe, bambara, farci, hébreu).
La toile, c’est l’idée de Sandra, professeur de la ville de Paris en arts plastiques. « Sandra nous a trouvé cette immense toile, elle et les enseignants ont ensuite réfléchi à la façon de la mettre en valeur. Ils ont décidé de faire une immense mosaïque avec les œuvres de tous les élèves de l’école ».
Un moment émouvant
Tina, enseignante de la classe de CE2 trouve cette journée particulièrement émouvante. « Le fait que l’on soit tous ensemble après avoir été tout seul à réfléchir et à se concentrer sur le mot laïcité m’a fait énormément de bien. C’est plus simple d’engager un travail autour de cette thématique dans le cadre d’un projet commun à toute l’école. Alors, avec les élèves nous travaillons sur ce que veut dire respecter l’autre. Mais ce n’est pas un travail ponctuel, autour du 9 décembre. Toute l’année, on continue à travailler le vivre ensemble, sur le partage, sur la différence et l’acceptation de l’autre. Mercredi dernier, ce que j’ai ressenti, c’est un mélange de tout cela, nous étions tous en communion. C’était fort, très fort ».
L’occasion de raccrocher des apprentissages à une situation vécue
Pour Jean-Marie, fêter la laïcité, c’est aussi l’occasion de faire un peu de production d’écrits. « On a travaillé autour du thème de la laïcité, on a écrit des poèmes ». Le fait de présenter le travail dans le cadre d’une cérémonie un peu solennelle lui a semblé aussi très intéressant du point de vue de la capacité d’adaptation des élèves à des conditions particulières. « Finalement, c’était là une occasion de faire de la médiation culturelle, médiation qui permet de réduire les écarts l’apprentissage entre les élèves. Elle permet de mieux accrocher les apprentissages car tous les élèves ont le même vécu. C’est le propre de la médiation culturelle »
Dans cette école, au fil des années et du travail des enseignants, les élèves semblent être attachés à cette cérémonie et aux valeurs qu’elle véhicule. Faire vivre les valeurs de la République c’est le quotidien de chaque école. À Simon Bolivar, on l’a compris depuis de nombreuses années.
Lilia Ben Hamouda