A force de dire que la France a géré mieux que les autres pays la crise sanitaire, ça donne envie d’y aller voir de plus près. Personne ne peut faire cette comparaison mieux que l’OCDE, un organisme neutre, qui a une vision mondiale de la situation et dont l’expertise en éducation est reconnue. Dans une étude publiée fin novembre, l’OCDE étudie les réponses des systèmes éducatifs à la crise sanitaire dans ses différentes dimensions. La France est citée 6 fois. Elle n’a pas ébloui les membres de l’OCDE. Et plusieurs dimensions jugées essentielles n’ont pas atteint la rue de Grenelle…
Assurer la continuité éducative
Dans tous les pays la crise sanitaire a durement touché les systèmes éducatifs. Elle a laissé des traces durables. Mais tous les pays n’ont pas vu dans la crise les mêmes défis. Et c’est sans doute là que l’on distingue le mieux les particularités françaises.
Si la continuité éducative et le soutien aux élèves défavorisés ont été vus comme les problèmes prioritaires partout, les pays de l’OCDE ont mis en rang 3 et 4 l’aide alimentaire aux élèves et leur bien être, des dimensions peu en vue en France. On pourrait aussi citer le soutien émotionnel aux élèves ou celui aux élèves allophones et leur famille.
Durant le 1er confinement, partout la priorité principale a été d’apporter des ressources éducatives aux élèves. L’OCDE cite l’exemple français de Lumnix. Mais d’autres pays ont aussi développé leurs programmes de télévision. C’est le cas en Nouvelle Zélande, au Portugal (le pays le plus cité dans l’étude) où le programme Estudo Em Casa a été accompagné d’un guide pour les familles.
Distributions d’ordinateurs
Plusieurs pays ont largement distribué des ordinateurs et des accès Internet aux élèves qui n’avaient pas de matériel. Au Chili 125 000 ordinateurs avec connexion Internet payée ont été donnés aux familles. La ville de Rome en a fait autant en Italie. Le Portugal aussi avec en sus un système d’échange de cours par la poste pour les zones blanches. Au Chili 380 000 élèves ont reçu leurs cours par voie postale grace à la mobilisation de l’armée de l’Air. La rue de Grenelle et ses 2000 ordinateurs « prêts à être distribués » fait petit joueur.
Soutenir défavorisés et étrangers
La question de la continuité pédagogique n’est donc pas qu’un problème éducatif. C’est aussi une question sociale rappelle l’OCDE. Certains parents partaient désavantagés comme ceux ayant des revenus faibles ou d’origine étrangère ou encore ceux exerçant des métiers prioritaires. L’OCDE cite la France pour l’ouverture d’écoles pour les enfants de soignants. L’Angleterre a maintenu ses écoles ouverte spour de nombreuses catégories de la population. Les Pays Bas ont ouvert des écoles pour tous les élèves qui ne pouvaient suivre l’enseignement à distance. Le Portugal a ouvert 800 écoles pour les enfants des travailleurs essentiels.
Le soutien social est aussi nécessaire. Au Royaume Uni le système de repas gratuits a été maintenu malgré l’épidémie. En Suède le gouvernement a annulé les prêts étudiants.
« La langue peut être une barrière importante à l’inclusion en éducation », rappelle l’OCDE. Plusieurs pays ont porté une attention particulière aux enfants allophones. La Suède et la Norvège ont largement communiqué dans les langues étrangères utilisées dans le pays pour expliquer les mesures éducatives prises. La Slovaquie, le Portugal ont visé spécialement les familles Roms avec des campagnes d’information. Certains pays on développé des ressources pédagogiques en plusieurs langues comme le Mexique ou le Nouveau Brunswick au Canada. Une idée qui n’est pas arrivée rue de Grenelle.
Le soutien émotionnel aux élèves a été pris au sérieux dans plusieurs pays avec un accent particulier pour les élèves LGBTQ+ souvent victimes d’exclusion. Cela a été le cas aux Etats-Unis, en Australie, au Canada, en Autriche, en Italie par exemple. Au Portugal l’association des psychologues a mis au point des recommandations pour les enseignants avec le soutien des psychologues de l’éducation.
Et les enseignants ? Eux aussi ont reçu du soutien pendant le confinement dans plusieurs pays. Ainsi les pays nordiques et baltes ont produit en commun des leçons à distance.
Les écoles d’été , une solution largement partagée
La réouverture des écoles a posé de nouveaux défis pour les systèmes éducatifs. Parmi les politiques suivies, la Grèce et la Corée ont recruté des psychologues et des médecins pour aider les élèves dans ce moment difficile. Presque tous les pays de l’OCDE ont pris des mesures en faveur des élèves défavorisés (mais apparemment pas la France).
« Les élèves désavantagés et vulnérables ont été nettement moins engagé dans l’enseignement à distance durant le confinement », estime l’OCDE. Ainsi au Royaume Uni deux élèves désavantagés sur trois ont moins suivi les cours. Pour y faire face plusieurs pays ont travaillé avec les syndicats enseignants. L’OCDE cite l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne par exemple. A Pays Basque espagnol, une grève massive des enseignants (70% des enseignants grévistes) a imposé le conditions sanitaires de la rentrée.
Car la crise sanitaire a touché tout le monde. L’OCDE donne des chiffres sur les évaluations du « learning gap » à cause de la crise sanitaire. En Angleterre une évaluation donne un retard de 3 mois en moyenne dans le niveau des élèves. Aux Pays Bas on enregistre une montée des écarts entre écoles et dans les classes.
Une solution fréquente a été l’ouverture d’écoles d’été. Loin d’être une spécificité française, elles ont fleuri un peu partout. Au Royaume Uni un milliard de livres a été débloqué pour faire face aux besoins exceptionnels. La France a financé un million et demi d’heures supplémentaires sans qu’on sache si elles ont été vraiment consommées. La Suède , l’Autriche, certains Lander ont ouvert des camps d’été pour que les élèves récupèrent leur retard. Certains pays ont mis en place des programmes accélérés. Le Canada a voté 2 milliards pour le retour à l’école.
Les efforts ministériels ont le mérite d’avoir existé. Mais on le voit la France n’est pas seule à avoir développé des stratégies durant le confinement et après. Elle n’est surement ni le pays le plus inventif ni celui qui s’est le plus préoccupé des élèves « particuliers ».
François Jarraud