H1N1 va-t-il permettre à l’école du XXIème siècle d’apparaître ? C’est le scénario que dresse Alain Bouvier, ancien recteur et membre du Haut Conseil de l’Education. Pour lui, la pandémie grippale aboutira à un phénomène « sans précédent dans l’histoire de l’Education nationale ». Les fermetures massives et longues d’établissements amèneront les familles à prendre en charge l’éducation des enfants directement. Cette décentralisation intégrale laissera des traces durables. Une nouvelle Ecole en sortirait.
Il peut sembler étrange de s’interroger sur l’impact sur l’École de la grippe A (H1N1, souvent appelée grippe porcine). Se pose-t-on la même question pour la grippe saisonnière qui touche en France près de 2 millions de personnes et provoque 2 000 décès ? S’interroge-t-on sur les conséquences des autres maladies sur l’École et son fonctionnement ? Pourquoi le faire plus particulièrement pour la grippe porcine ? Pourquoi un bouleversement du système éducatif serait-il en marche ? Lequel ?
En premier lieu, plusieurs facteurs légitiment d’évoquer la grippe A et ses conséquences sur le système éducatif.
• Cette maladie nouvelle, planétaire, médiatisée, se répand un peu plus chaque jour. Dans l’inconscient collectif elle renvoi aux tragiques épidémies des temps anciens. Je sais les craintes que de tels risques inspirent aux personnes, même de nos jours. Lorsque j’étais recteur en Auvergne, je fus confronté à quelques cas isolés de méningite sur un territoire de l’ordre du quart d’un département. À maintes reprises, les chercheurs expliquèrent au grand public, aux médias, aux élus, preuves à l’appui, qu’il ne s’agissait pas d’une épidémie : les cas ne provenaient pas d’un même virus. Rien n’y fit. Les explications, qui se voulaient rassurantes, ne firent qu’accroître les craintes des familles. Au point que le Préfet dû se résoudre à faire procéder dans l’urgence à la vaccination de 150 000 enfants et étudiants. L’impact d’une menace d’épidémie ressemble à un « effet papillon » : il est sans commune mesure avec la cause. La grippe A réunit les conditions pour que des effets de panique se produisent à et obligent les autorités sanitaires à prendre des mesures drastiques, sans précédent, sur de larges territoires et pour de longues périodes. Il est presque certain que cela se produira dans les mois qui viennent et, peut-être même, dès la prochaine rentrée scolaire. Certes, différents scenarii sont possibles : on voit des pays qui préfèrent ne diffuser aucun chiffre officiel et jouer sur la discrétion, alors que d’autres, comme l’Angleterre, s’inquiètent déjà de l’impact sur leur PIB, en craignant une baisse de 5 points de celui-ci.
• En France, face aux quelques cas de grippe A, les pouvoirs publics ont décidé une brève fermeture de deux ou trois collèges, d’une quarantaine d’écoles (sur les 56 000 que compte notre pays) et de quelques colonies de vacances. La grippe A émerge en des lieux variés qui se multiplieront. Cela conduira les responsables de la santé publique à prendre des mesures de fermeture d’écoles (qualifiées de « confinement ») sur des zones étendues : plusieurs établissements scolaires, toute une circonscription, tout un bassin, tout un département, peut-être plus large encore… Le confinement a un bel avenir devant lui !
• La fermeture d’une école ou d’un établissement secondaire pendant quelques jours s’est déjà produite dans le passé, pour des raisons diverses, notamment de santé publique. Cela arrivera encore. Les périodes de fermetures sont en général courtes ; les familles font face avec quelques modestes aides publiques. Lorsque ces fermetures sont longues (destruction d’un bâtiment par incendie, ou explosion, comme à Toulouse par exemple), les autorités arrêtent des mesures de substitution en s’appuyant sur les écoles et établissements les plus voisins qui fonctionnent. Or, demain, de vastes territoires seront concernés et il sera ni possible ni pertinent de déplacer quotidiennement un très grand nombre d’élèves. Le temps de propagation de l’épidémie pouvant durer des semaines, voire des mois, le virus devenant de plus en plus actif, ce sont d’autres dispositifs alternatifs qui seront mis en place. On parle déjà, officiellement de 12 semaines au moins. Enfin, l’épidémie peut revenir plusieurs fois et sous des formes plus redoutables.
On discerne donc la nouveauté de ce phénomène, sans précédent dans l’histoire récente de l’Éducation nationale : tous les élèves d’un territoire « interdits d’école » pendant plusieurs semaines, plusieurs mois, plus encore peut-être. Essayons d’imaginer ce qui se passera et ce que seront les conséquences ultérieures sur notre système éducatif : comme pour la crise financière, il faudra bien sortir de la grippe A !
Alertés depuis longtemps par les chercheurs et les responsables de la santé publique, les autorités de l’Éducation nationale ont anticipé l’avènement de ce phénomène et préparé une riposte pédagogique en complément des mesures sanitaires qui relèvent d’autres responsables. Plaçons-nous dans l’hypothèse où tout un territoire serait « confiné » pour un temps long et indéterminé. Soudainement, pour la première fois dans son histoire, le système éducatif sera entre les mains des parents et des élèves. Que pourront-ils faire et que feront-ils ? Quel rôle jouera alors l’Éducation nationale et comment ?
En France, l’École (publique et privée) est sous le contrôle de l’État. Son organisation est uniforme sur l’ensemble de l’Hexagone. Uniformité formelle, j’en conviens, mais qui sert de colonne vertébrale à l’ensemble. Suite au confinement, sans préparation ni des parents ni du corps enseignants c’est un autre système, hybride, qui se mettra en place et fonctionnera pendant des semaines, peut-être des mois. Aux mécanismes centralisés, bureaucratiques et technocratiques, très peu évolutifs, succèdera l’empirisme total, à travers une complète décentralisation sur les parents.
Première conséquence de la grippe A : un bouleversement profond du système éducatif ; or la majorité des acteurs n’en ont pas encore pris conscience.
Pour dire vrai, cela va considérablement accentuer l’existant scolaire actuel, nié par beaucoup d’enseignants et de cadres éducatifs. Deviendront essentielles les activités autour de l’École mais que l’École feint d’ignorer. La colonne vertébrale ayant disparue, les autres éléments déjà à l’œuvre vont prendre une place prépondérante, de façon diversifiée suivant les élèves. Alors que depuis quelques décennies les enseignants français peinent à individualiser les enseignements, ce sont les parents qui soudain le feront.
Les élèves pourront bénéficier des productions pédagogiques déjà préparées dans cette perspective depuis plusieurs mois, notamment par le CNED. Elles leur parviendront par la télévision, la radio, puis par Internet. La « e-académie » est promise à un beau succès, au moins au début, tant qu’elle pourra afficher une situation de quasi-monopole qui sera brève. En supposant que la totalité des familles disposent, à défaut de l’accès à Internet, d’une radio ou d’une télévision, le système éducatif considèrera qu’il a rempli son devoir et assuré sa mission. Les enseignants, qui n’auront plus d’élèves en classe, seront sollicités pour faire de l’accompagnement à distance (alors qu’ils ne sont pas formés à cela), de la correction de devoirs, etc. Une coupure se fera rapidement entre d’un côté les élèves qui se « contenteront » de ce service formel minimal, somme toute peu contraignant et de l’autre ceux qui bénéficieront de groupes de travail collaboratif à distance, avec leurs enseignants ou d’autres personnes ressources, accompagnés de différentes formes de « coaching », dont celles offertes par Internet. Quatre grandes catégories d’élèves, déjà présentes, se distinguent.
• Il y aura d’abord les élèves aidés par leur famille, ceux dont l’avenir est tracé dès la maternelle, qui sont destinés à entrer à Polytechnique, Normale sup, Sciences Po ou en médecine. Ils sont accompagnés par leurs grands-parents, leurs parents, leurs frères et sœurs, leurs cousins, des amis, par leur milieu composé de cadres, d’enseignants, d’avocats, d’architectes, d’ingénieurs, etc. Ces élèves apprennent l’essentiel en dehors de l’École, parfois avec plusieurs d’années d’avance sur l’âge officiel. Pourtant l’École les présente comme ses plus belles réussites : mentions au Bac, lauréats du concours général, olympiades, etc. Dans PISA ils font mieux que les petits finlandais ou coréens. Pour eux, avec le confinement, le changement sera faible. Les nouvelles ressources mises à leur disposition par l’Éducation nationale s’ajouteront à celles qu’ils utilisent déjà. Il n’est pas certain qu’ils s’en servent tant ils pourront les trouver culturellement pauvres. Leur communauté continuera, comme si de rien n’était, à les prendre en charge. Parmi eux, les enfants des familles les plus aisées en profiteront sans doute pour aller faire un semestre ou une année d’études dans un pays moins touché par la grippe. Je n’évoque pas ici les élèves intellectuellement précoces (200 000 selon l’Inspection générale). Ceux d’entre eux qui réussissent à l’école sont souvent repérés au moment où ils passent le Bac avec deux ou trois années d’avance. Pour eux, rien ne changera. Par contre, ceux qui, au contraire, échouent (plus du tiers) parce qu’ils s’ennuient à l’école emprunteront les autres voies que je vais indiquer. Entrent encore dans cette première catégorie les élèves dont les familles ont décidé de ne pas scolariser leurs enfants ; elles ne représentent qu’un faible pourcentage, en légère augmentation, mais qui risquera de s’accroître après le confinement. Au total, ce premier groupe représente environ 30% des élèves.
• Existe une deuxième catégorie d’élèves. Il se dit qu’il y aurait en France aujourd’hui plusieurs milliers d’officines d’enseignement. Leur chiffre d’affaire a augmenté de 35% cette année. Il a atteint 2,5 milliards d’Euros. Elles concernent massivement les enfants des classes moyennes, entre 20% et 25% des élèves. Certes, les cours particuliers existent depuis longtemps et les parents français, l’été dernier, ont acheté 4,5 millions de livrets de devoirs de vacances. Mais avec le développement massif des officines, on est passé de l’artisanat à de l’industrie de masse. En raison de leur petite taille, ces entreprises sont très réactives. Elles collent aux besoins. Pour elles, c’est une question de vie ou de mort. Par exemple lorsque l’orientation des élèves a été pointée comme une faiblesse du système éducatif français, en peu de temps, elles ont lancé sur le marché de nouveaux produits « orientation », sous la forme de modules. Il est évident que face aux confinements, elles transformeront leur offre : d’une part, en proposant de très petits groupes avec de strictes règles sanitaires ; d’autre part, par un usage généralisé des possibilités de travail à distance : Internet, mails, SMS, Webcam, téléphone, outils de travail collaboratif, etc. La jeunesse n’aura aucune peine à les utiliser, bien au contraire. Je suis certain que ces officines s’y préparent déjà.
Certes, les produits officiels de l’Éducation nationale diffusés en cas de confinement seront gratuits pour les familles. Mais ils sont élaborés par des organismes dont la réactivité n’est pas la qualité première, ni l’écoute des usagers. Ils sont le fruit d’équipes habituées à traiter les grandes masses, par des modalités uniformes et impersonnelles. La part sera donc belle pour la concurrence qui jouera la carte de l’écoute et de l’individualisation. Toutes les formes de coaching seront proposées et pratiquées. Dans les faits, il reviendra aux coachs de veiller, pour chaque élève, à la cohérence de ses activités. Sur le territoire confiné, on devine le patchwork que constituera l’ensemble : il sera de plus en plus difficile de trouver dix élèves faisant la même chose. C’est déjà en grande partie le cas aujourd’hui pour près du quart des élèves qui font appel à ces officines, alors que le corps enseignant feint de l’ignorer pour ne pas en tenir compte. Avec la grippe porcine, cela deviendra central et les enseignants, placés en situation périphérique, devront s’adapter à cette situation totalement nouvelle.
• Comme ils le font déjà, les élèves des familles plus modestes, se tourneront vers les associations de quartier, lorsqu’elles ne seront pas fermées par précaution sanitaire. Ceux qui disposent d’Internet iront sur des sites gratuits, à la rencontre de personnes de bonne volonté qui les aideront à faire un devoir (ou même le feront à leur place !). Qui assurera le suivi global de l’élève lorsque la famille n’en est pas capable (famille éclatée, absente, peu éduquée…), lorsque ses moyens financiers ou sa culture ne lui permettra pas de bénéficier de coaching ou d’Internet ? Existera sans doute un vague suivi à distance, assuré par les enseignants. Pour des élèves ayant peu d’appétence pour les études et peu d’encouragement de la part de leur entourage, son influence sera encore plus réduite qu’elle ne l’est en classe, où l’on sait qu’elle est faible. Or on peut estimer que ce groupe représente près de 30% de nos élèves, ceux dont les performances à PISA, sans être les plus bas, sont en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE. Ils seront, de fait, condamnés à « de l’auto coaching », c’est-à-dire livrés à eux-mêmes. On demandera donc encore plus à ceux qui à l’heure actuelle peuvent déjà le moins, ou presque, car il existe une quatrième catégorie.
• C’est la population (de 15% à 20%) des élèves en très grande difficulté depuis la fin de la grande section de maternelle. Ils lisent très difficilement et ne se sentent pas vraiment concernés par la classe. De là à leur demander de reproduire l’école volontairement chez eux ou ailleurs et d’en assumer toutes les conséquences… Sans oublier les 180 000 élèves de l’enseignement secondaire (« que » 5,4% des élèves dit la DEPP ; en fait, cela représente deux fois l’académie de Clermont-Ferrand !) absents fréquents et qui finissent par ne plus revenir assister aux cours, ou seulement au fond de la classe où ils passent leur temps à envoyer des SMS. Souvent ils disparaissent, au soulagement de leurs enseignants ; on comprend pourquoi. Que feront ces élèves ? Qui les prendra en charge ? Même physiquement présents en classe, ils ont déjà quitté l’École. Peut-on raisonnablement attendre qu’ils la réorganisent en dehors ? En outre, tous n’ont pas Internet chez eux. Si dans certains établissements ils sont peu nombreux (de l’ordre de 2%), dans d’autres, ils représentent plus de 30% des élèves. Personne ne tient à mettre cela sous les projecteurs car les moyens financiers attribués aux établissements scolaires dépendent du nombre de leurs élèves inscrit chez eux. C’est ainsi qu’il n’est pas rare de voir dans un lycée professionnel une section prévue pour 16 élèves ouvrir difficilement en juillet avec 12 inscrits (sous de multiples pressions), puis seulement 8 présents à la rentrée de septembre et plus que 4 élèves en novembre. Personne ne pourrait alors imaginer de la fermer à cette époque de l’année pour cause de nombre insuffisant d’élèves. Pourtant, la grippe A le fera ! Pour ce quatrième groupe d’élèves, il y a peu d’espoirs que les effets de la grippe porcine aillent dans le sens de l’amélioration de leurs performances scolaires.
Pour résumer : la grippe porcine n’aura guère d’effets négatifs sur la population des élèves qui apprennent bien, de multiples façons et en différents lieux. Elle modifiera les attitudes et comportements des deux groupes intermédiaires, peut-être de façon durable et elle isolera encore plus ceux qui n’arrivaient pas à trouver leur place dans le système scolaire. Les écarts se creuseront encore plus et les enseignants découvriront, sous la contrainte, de nouveaux métiers.
Si le confinement se poursuit pendant plusieurs mois (qui sait ?), la diversification des pratiques effectives des élèves et des familles s’intensifiera. C’est un système totalement individualisé qui progressivement se mettra en place, de façon empirique et non régulée. D’uniforme, l’école deviendra hybride. De formalisée jusqu’au moindre détail, elle tendra à être indescriptible. Les écarts de performances entre les différents groupes d’élèves, cruellement mis en lumière par PISA, vont s’accroître. Le rapport entre les élèves et les enseignants devenus une ressource parmi d’autres, vont considérablement évoluer. Des sortes de « facebook pédagogique » entre élèves verront le jour, proposant des groupes de travail entre « amis » et indiquant les « bons » enseignants ; sans s’attaquer les autres, leurs messages seront clairs. Le rôle de l’Éducation national restera essentiel sur les examens, mais il faudra les faire passer autrement. Si nous en sommes encore à vouloir interdire l’usage des calculatrices (c’est-à-dire, en réalité, des ordinateurs de poche connectés à Internet), certains pays ont déjà fait un choix opposé : l’usage d’Internet est favorisé pendant les examens. Cela oblige à concevoir des épreuves d’un tout autre type.
Ce bouleversement sera-t-il durable ? Sans doute en partie. Pour aller vers quoi ? Que sera le rôle de l’État ?
Un jour le confinement cessera et… tout ne reviendra pas dans l’ordre précédent. D’abord d’autres confinements pourront suivre. Mais il y a plus important. Pendant des semaines, les élèves et leurs familles auront inventé, construit et fait fonctionner une autre école. Certes, pour l’enseignement primaire dont les fonctions sont autant sociales que cognitives, les familles rescolariseront leurs enfants, mais elles chercheront de nouveaux équilibres avec les enseignants. Je peine à imaginer lesquels. Ils diffèreront d’une école à une autre. La variété règnera. Les parents ne seront plus « sur le paillasson » de la classe, selon la remarque faite par une délégation québécoise venue en France observer nos établissements scolaires. D’usagers, ils deviendront parties prenantes.
Au collège, ce sera plus difficile de trouver un nouvel équilibre. Les élèves ne voudront pas renoncer à l’autonomie acquise, qu’ils l’aient utilisée à bon escient ou pas. Les officines ne lâcheront pas les marchés conquis, les associations non plus, même si elles se défendent de raisonner en termes de marché. Les élèves ne voudront pas interrompre du jour au lendemain leurs usages d’Internet et de leurs instruments nomades. Un nombre plus important de parents se seront emparés de ce que font leurs enfants. Placés soudainement par la grippe A au cœur du réacteur, en majorité ils n’accepteront pas de se retrouver rejetés à la porte de l’Ecole et de la classe. L’École du XIXème siècle sera révolue, celle du XXIème entamera son élaboration et le milieu enseignant devra s’y atteler.
Dans les lycées, professionnels (44% des élèves de lycées) ou d’enseignement général, que se passera-t-il ? Qui peut le deviner ? Se risquer à faire des paris ? À sa manière, la grippe porcine va réformer le lycée.
C’est donc un radical chambardement du système éducatif qu’annoncent les suites de la grippe A.
L’épidémie est mondiale. Pourtant, elle n’aura pas le même impact sur les divers systèmes éducatifs. L’existant est différent d’un pays à un autre. Là où le rôle des parents est déjà important, intégré dans les pratiques sociales comme dans les pays du nord de l’Europe, les relations entre eux et le milieu enseignant se poursuivront à travers des modalités adaptées, basées sur les outils modernes de communication. Selon leurs traditions, ils bâtiront ensemble, sans heurt, leur nouvelle école.
Là où les élèves sont dans l’obligation de poursuivre des activités scolaires intenses en dehors de l’École (comme au Japon ou en Chine), ces pratiques seront accentuées. Des équilibres inverses entre les registres scolaire et hors temps scolaire verront le jour. Dans les pays où les élèves doivent déjà obligatoirement, chez eux, passer un temps important à travailler sur Internet (comme en Corée), ils auront encore plus à le faire. Ils perdront progressivement de vue l’intérêt du travail en présentiel. C’est encore un autre type d’école qui se dessine.
À l’intérieur de chaque pays, les organisations scolaires seront hybrides. Et, d’un pays à un autre, les évolutions se feront dans des voies dissemblables, même si des standards internationaux serviront de référence. Ces évolutions seront peu corrélées aux systèmes politiques. En fait, c’est déjà le cas. Des pays libéraux, comme l’Angleterre, introduisent des régulations étatiques, tandis que la république socialiste du Vietnam voudrait, que dans les quatre années qui viennent, le nombre des étudiants dans les universités privées passe de 17% à 60%.
Pour reprendre une expression de Gérard Moreau (Secrétaire général de l’AFAE) : « le mammouth est réformable » ; grippe porcine oblige, il le sera. Loin des misérables débats actuels sur les épreuves du brevet, les structures et les filières du lycée, etc. il devra prendre en compte les questions les plus naturelles qui soient : comment les élèves apprennent en classe ? Comment les élèves apprennent en dehors de la classe ? Comment ces deux voies s’articulent-elles ? Quel sera le nouveau rôle des enseignants ?
Aucun modèle mondial unique ne se dégagera : les situations seront variées entre les pays et à l’intérieur de chaque pays. Les États fixeront les standards, les indicateurs de résultats et assureront les régulations, en veillant à l’équité du système (faiblesse majeure du système actuel). L’avenir sera bientôt dans des systèmes scolaires pluriels et hybrides.
Alain Bouvier
Ancien recteur
Membre du Haut conseil de l’éducation
Alain Bouvier dans le Café :
A propos de la RIES
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