La France aggrave t-elle les inégalités scolaires ou les réduit-elle ? Comment évaluer l’équité des systèmes éducatifs ? La Commission européenne vient de publier un ouvrage qui aborde de nombreux critères d’organisation des systèmes éducatifs au regard de l’équité. C’est assez éclairant pour la France où on repère mieux comment certaines réformes qui vont dans le sens de l’accroissement des inégalités.
Un ouvrage de la Commission européenne réunit 12 critères qui influent sur l’équité, comme par exemple les politiques d’admission scolaire, de séparation en filières, de liberté de choix des écoles, de soutien aux écoles défavorisées, d’accès à l’école maternelle. On ne nous en voudra pas de nous e tenir à quelques particularités françaises et de conseiller la lecture de l’ouvrage pour l’analyse plus complète de la question. On pourra aussi se référer à la conférence du Cnesco qui a abattu un travail considérable sur cette question.
Cela permet de mettre en valeur 4 caractéristiques françaises qui sont lié à un faible niveau d’équité, bien connu, de notre école et dont on n’a pas toujours conscience.
Accès à la maternelle
Il y a bien un lien entre la participation des enfants à l’école maternelle, ou un enseignement pré élémentaire, et l’équité. En effet cet enseignement est particulièrement favorable pour réduire les inégalités. Longtemps la France a été un pionnier en ce domaine avec un accès quasi universel à l’école maternelle pour tous dès 3 ans. Accès devenu maintenant obligatoire.
Or cet avantage du système éducatif français est maintenant dépassé dans de nombreux pays européens. Ainsi en Allemagne, dans les pays scandinaves et balte, l’éducation pré scolaire commence avant 3 ans. L’OCDE a déjà souligné ce recul relatif de la France en montrant le peu de coordination entre les structures de garde en France et l’école maternelle. Alors que dans les pays évoqués il y a une réelle continuité.
L’école obligatoire à 3 ans ne change strictement rien sur ce terrain puisqu’elle l’était de facto avant la loi Blanquer. Par contre la scolarisation renforcée de l’école maternelle entreprise par JM Blanquer, la maternelle devenant la propédeutique de l’élémentaire avec évaluation à l’entrée en CP pour attester le niveau , accroit l’écart avec les structures pré scolaires. Cette scolarisation renforcée est un obstacle pour les enfants de milieu défavorisés qui sont plus éloignés des attentes de l’école. La politique ministérielle a aggravé les choses.
Quand JM Blanquer autorise un système éducatif spécial pour les favorisés
Peu de pays ont des systèmes éducatifs différents dès le primaire. En fait il y avait un club des 4 , avec par exemple l’Angleterre. La France vient d’entrer dans le club. La loi Blanquer a créé un système éducatif parallèle qui commence dès la maternelle pour les élèves les plus favorisés. Il s’agit des établissements publics locaux d’enseignement international (EPLEI) créés par la loi Blanquer. Après des décennies de rapprochement entre l’école du peuple et celle de la bourgeoisie, qui va aboutir au collège unique, JM BLanquer a inversé la tendance en créant les EPLEI. Ces EPLEI sont des établissements publics ayant des financements privés, regroupant primaire et secondaire et suivants des curriculums spéciaux. Ils ne concernent que les élèves des milieux défavorisés car ils ne sont accessibles qu’aux enfants maitrisant des langues étrangères reconnues. Pour le moment il ne s’agit que de quelques dizaines de milliers d’élèves. Mais ces structures se développent très rapidement et la loi permet même d’en implanter dans des établissements ordinaires. Ils sont donc appelés à prendre une place de plus en plus importante.
La capacité à choisir son école
On se rappelle de « l’assouplissement de la carte scolaire » sous N Sarkoz et de l’aggravation des inégalités que cela a entrainé. La France ne fait pas partie des pays où le libre choix de l’école est garanti , comme le Royaume Uni ou les Pays Bas. Mais ce libre choix reste possible sous condition. Et on sait comment les familles favorisées se débrouillent pour choisir leur école. A défaut il reste le privé subventionné.
L’intérêt porté à la mixité sociale
Il y a des pays européens qui imposent une certaine mixité sociale dans les établissements. C’est le cas par exemple en Belgique. En France il y a eu des efforts réalisés sous N Vallaud Belkacem pour augmenter la mixité sociale dans les zones urbaines où les écarts étaient très importants entre écoles ou collèges. Les municipalités ont toujours la possibilité de modifier les cartes scolaires. Elles le font mais rarement en ce sens. Souvent la modification est faite au contraire dans une logique d’évitement. Un bel exemple a été donné récemment à Marseille où l’ancien maire a fait construire une nouvelle école dans un quartier en gentryfication en réservant la nouvelle école aux nouveaux arrivants, les autres habitants s’entassant dans des préfabriqués. Les expérimentations lancées par N Vallaud Belkacem, soutenues par les collectivités locales se sont engluées faute du soutien de l’éducation nationale.
F Jarraud