Il faut du cran pour oser dire « non » tout seul dans son établissement. C’est ce qu’a fait le 2 novembre Christophe Ameline, un professeur d’histoire-géographie de 54 ans. Pour protester contre le peu de respect de l’institution envers S. Paty et les professeurs en général, il a fait grève et s’est tenu, tout seul, devant son collège, à Offranville, une banlieue plutôt aisée de Dieppe (76).
La loi du silence
« Je me suis dit : je ne peux pas aller travailler. Un homme s’est fait assassiner, un collègue. Qui suis-je si je me contente d’une minute de silence et de la lecture d’un texte incompréhensible par les élèves ». Alors Christophe Ameline n’est pas allé travailler et s’est tenu debout devant son collège , panneau à la main.
« Ce qui me choque c’est à la fois la façon dont sont gérées la crise sanitaire et la protection des fonctionnaires », nous dit-il. « J’ai posé des questions à mon chef d’établissement et à mes IPR. Je veux des éclaircissements. Mais je ne les obtiens pas. Comment une personne fichée S a pu être reçue par la principale de S Paty ? Comment se fait-il que ce professeur, menacé et bousculé, n’a pas eu de protection policière ? Je demande des réponses. Il y a peut-être des ajustements à mettre en place. Mais c’est la loi du silence. Personne ne me répond ».
Pour C Ameline, l’éducation nationale aurait du décaler le rentrée et permettre que les enseignants puissent, au moins pendant 2 heures, se recueillir ensemble. « Il faut reconnaitre la parole des acteurs du système éducatif. C’est plus intéressant qu’un numéro vert. Face à cet acte inacceptable il fallait un geste fort ».
Une gestion hypocrite de la crise sanitaire
Et puis il y a la gestion de la crise sanitaire. Christophe Ameline n’en peut plus des changements de cap incessants. « Il y a beaucoup de légèreté et d’hypocrisie », dit-il. « On a supprimé les groupes allégés, puis la distanciation et là on impose un nouveau protocole dont on sait bien qu’il est impossible à mettre en place avec tous les élèves présents. Et nous, on évolue en totale proximité avec les élèves ».
« Si on me demandait mon avis je dirais qu’il faut revenir à de petits groupes d’élèves face à l’épidémie. Ne pas être prudent c’est exposer toute la société à sa poursuite. Il y a aussi la qualité de vie de l’élève : il peut passer 10 heures par jour masqué et après avoir des devoirs à faire à la maison. Et son bien-être ? », interroge t-il.
Christophe Ameline a été 15 ans CPE avant de devenir professeur d’histoire-géographie. Il connait bien les établissements et leur direction. « J’ai eu la chance de voir les élèves et le système éducatif par plein de fenêtres », dit-il.
Pour lui ses collèges sont dans la désillusion. « Le silence est de mise pas la révolte », dit-il. « Mes collègues ne sont pas contents mais se taisent. Je veux être constructif. J’envoie des mails aux inspecteurs. Je m’exprime. Mais c’est la loi du silence. On n’attend rien de nous dans la hiérarchie et c’est dommage car on réfléchit nous aussi.
Ce matin Christophe Ameline reprend sa classe. Mais il ne laisse rien tomber.
François Jarraud