Alors que l’épidémie de Covid 19 explose dans le pays, le président de la République devrait annoncer un second confinement, probablement localisé. Dans cette perspective le maintien des écoles et des établissements scolaires est en débat. L’Ecole est-elle préparée à ce nouveau défi ? Faut-il s’attendre à de nouveaux protocoles sanitaires ? Le « plan de continuité pédagogique » vient tout juste d’être mis à jour…
Des protocoles trop légers
Emmanuel Macron devrait s’exprimer mercredi soir devant les Français. La croissance très rapide de l’épidémie tourne la page d’une politique qui s’est avérée incapable de contenir la maladie. Dans l’état actuel des réseaux médicaux il reste peu de cartes à jouer pour le gouvernement. Et c’est l’ampleur du second confinement qui est actuellement en débat.
L’Ecole joue t-elle un rôle dans la diffusion de l’épidémie ? Depuis le déconfinement, les responsables politiques se sont voulus rassurants. Le ministre de l’éducation nationale a souvent répété que les élèves ne sont pas contaminants.
Cela a permis à l’Education nationale de mettre en place des protocoles sanitaires très légers de façon à rendre possible le retour de tous les élèves en classe. Ainsi les surfaces touchées par les élèves ne sont plus nettoyées qu’une fois par jour, cela permettant de rouvrir la quasi totalité des locaux. Les règles de distanciation ont été contournées et les élèves sont entassés comme avant l’épidémie. L’interdiction du brassage des élèves n’est pas respectée. Dans les lycées, la récente réforme rend cette règle impossible depuis la réforme qui a institutionnalisé le mélange des élèves. Mais elle n’est pas plus respectée dans les autres niveaux où on observe le mélange des élèves le matin, lors des repas et dans la cours, quand ce n’est pas toute la journée. Cela empêche tout traçage des contacts des malades et donc désarme la riposte médicale. Même le nettoyage des mais n’est pas assuré dans toutes le structures scolaires. Quand l’Observatoire de la sécurité a signalé le sous équipement des locaux en points d’eau, le ministère a décidé de supprimer l’Observatoire plutôt que répondre aux besoins sanitaires. Finalement la seule barrière mise à l’épidémie a été le port du masque par élèves et professeurs dans le second degré, par les seuls professeurs dans le premier. Par la suite il s’est avéré que les masques obligatoires fournis par l’Education nationale pourraient être porteurs de nouveaux risques sanitaires.
Fermer aussi les collèges ?
Cette parole officielle sur la non contagiosité des élèves est maintenant contestée. Celle des lycéens et des collégiens les plus âgés ne fait guère de doute. Le débat scientifique s’est porté sur celle des écoliers. Les premières études, négatives, portaient sur la période du confinement. Une nouvelle étude, publiée par The Lancet le 22 octobre, portant sur 131 pays, va dans le sens contraire. Elle montre que la fermeture des écoles est le moyen le plus efficace pour lutter contre l’épidémie et que leur réouverture renforce l’épidémie. Cette étude, confortée par d’autres travaux, est en train de renverser les opinions émises jusque là. Cela commence à peser sur les parents. Ainsi le 27 octobre le co-président de la première association de parents d’élèves n’hésite pas à considérer les collège et lycées « comme de vrais clusters » et à demander leur fermeture.
Ainsi les certitudes officielles sont ébranlées et on imagine mal que certaines régions soient confinées mais que tous les élèves continuent à aller en cours.
Un plan de continuité qui tient sur une page
Quelles décisions pourrait prendre le gouvernement ? Dans les zones les plus attaquées par l’épidémie il pourrait décider la fermeture d’une partie des structures scolaires ou de leur totalité. Une fermeture au moins partielle des lycées dans ces zones, peut-être des collèges, semble en débat au sein de l’exécutif. Le cout économique de la mesure est tel que le gouvernement limitera probablement le plus possible ces fermetures.
Dans cette éventualité, l’Ecole est-elle prête ? Le ministère a publié un « plan de continuité pédagogique » qui a été mis à jour le 27 octobre… Cependant il reste très sommaire.
Ainsi en cas de circulation très active du virus les instructions données aux établissements scolaires tiennent en à peine plus d’une page. Surtout il s’agit d’instructions « à mettre en oeuvre au moment de l’activation du protocole ». Or la plupart des mesures auraient du être anticipées. Ainsi le chef d’établissement doit s’enquérir par téléphone du bilan des personnels seulement à ce moment. C’est à ce moment là qu’il s’enquiert d’identifier les élèves et enseignants en déconnexion numérique. Qu’il s’assure des comptes élèves sur l’ENT. Or tous ces aspects auraient gagné à être anticipées.
En principe les rectorats ont constituer un stock de matériel informatique pour les élèves et personnels qui en sont dépourvus. JM Blanquer a avancé le chiffre de 2000 ordinateurs qui seraient disponibles. C’est évidemment un chiffre largement insuffisant. Depuis la reprise de mai 2020 pas grand chose a été fait pour permettre à tous les élèves de disposer d’une connexion et d’un matériel personnel.
Impréparation
Cela ne suffirait d’ailleurs pas. L’impréparation n’a pas été que matérielle. Les leçons du confinement sur l’anticipation nécessaire du maniement d’outils communs à un établissement n’ont pas été tirées. Certains établissements ont détecté les élèves sous équipés. Certains ont fait manipuler par les élèves et les enseignants les outils qui pourront servir en cas de confinement. Cela s’est fait spontanément dans plusieurs établissements. Mais aucune consigne n’a été donnée en ce sens. Plus généralement la formation des élèves et des enseignants à l’utilisation pédagogique du numérique est restée insuffisante.
Le retard pris par l’institution en mars 2020 n’a jamais été rattrapé et voilà des établissements susceptibles de fermer localement ou de passer à moitié en présentiel sans que les équipes aient été préparées à ce risque. Elles vont devoir à nouveau tout construire dans l’urgence.
La décision officielle pourrait être prise le 28 octobre. A nouveau elle va balayer tout ce que les enseignants ont construit comme organisation et retour à la normale depuis le début de l’année. A nouveau l’Ecole va traverser de nouveaux jours difficiles pour beaucoup et très difficiles pour certains. Malgré les avanies subies après le déconfinement, nul doute que les enseignants répondent présents dans cette seconde crise.
François Jarraud