L’Education nationale a t-elle apporté son soutien à Samuel Paty ou au contraire l’a t-elle menacé d’une sanction ? Après un article du Point, assez ambigu, et compte tenu d’un assez lourd passif de l’institution scolaire, la rumeur d’une injonction au « pas de vagues » court les réseaux sociaux. Invité sur France Inter le 18 octobre, JM Blanquer affirme que le professeur a été soutenu. La rectrice de Versailles, mise en cause également, confirme dans un communiqué. Et le ministre dit du bien des syndicats. Le ministre aurait-il changé ?
Un nouveau Blanquer
C’est un nouveau JM Blanquer qui s’affiche depuis l’attentat contre S Paty. Le ministre cherche l’unité autour d’un combat commun, la lutte contre le terrorisme. Ce qui l’amène à tenir des propos tout à fait nouveaux. « J’ai été très heureux d’avoir l’unanimité des organisations syndicales sur la réaction (à apporter après l’assassinat de S Paty) et le travail à faire pour préparer la rentrée », a t-il déclaré le 18 octobre. « Je vais travailler avec eux pour qu’il y ait un consensus national ». Effectivement, le 17 octobre, les syndicats présents (Snalc, Fsu, Unsa, Sgen Cfdt) ont manifesté leur entente avec le ministre et leur volonté de travailler avec lui à la préparation de la rentrée.
Mais le ministre était surtout là pour couper court aux rumeurs de menace de sanction qui aurait été prise contre S Paty et d’absence de soutien quand il a été dénoncé par un père d’élève.
« Soutien complet au professeur »
« Plus personne ne peut dire que les instructions sont de mettre les choses sous le tapis », a dit le ministre en réponse à l’accusation de perpétuer le « pas de vagues ». Interrogé sur l’article du Point qui laisse entendre que les équipes « valeurs de la république » auraient menacé de sanctionner S Paty, JM Blanquer a été affirmatif. « Cette information est fausse… Il y a eu un soutien complet du professeur ». Il a précisé qu’il y avait un soutien complet sur son cours sur la liberté d’expression (y compris l’utilisation des caricatures) et que la principale avait parlé avec les parents sur la proposition faite aux élèves de sortir durant la projection des caricatures.
« J’ai parlé avec la principale et la rectrice. J’ai vu le travail des inspecteurs. Il y a diffamation. La principale a accompagné le professeur au commissariat pour qu’il porte plainte. Même pendant le week end l’inspecteur en charge de ça téléphonait au professeur pour le soutenir. On a eu une intervention appropriée » a conclu JM Blanquer.
Sur les incitations à « ne pas faire de vagues », JM Blanquer dit que « ça n’a pas totalement disparu mais j’ai voulu que ça change… On est trop dans un système cloisonné où les professeurs ont le sentiment d’avoir une maison froide au dessus d’eux. J’essaie de changer cela ».
A t-il fait assez contre le terrorisme ? Le ministre rappelle la loi Gatel et la loi sur l’école de la confiance et la future loi sur le séparatisme qui va interdire l’école à domicile.
Des propos confirmés par la rectrice de Versailles. Dans un communiqué elle parle « d’informations fallacieuses » sur la prise en charge de S Paty. « M Sefrioui dit que l’inspection académique serait prête à « sévir » contre M Paty. C’ets évidemment faux. Il serait absurde et paradoxal de donner crédit aux paroles de cette personne ». Elle affirme que « l’institution a toujours été en soutien total à l’égard de M. Paty ».
Vagues ou pas de vagues ?
Le 17 octobre plusieurs syndicats, notamment le Snalc et la Fsu, nous avaient confié que l’institution avait bien suivi cette affaire et soutenu le professeur selon ce qui leur était remonté de leurs sections départementales. Cela confirme les propos ministériels.
Mais ce qui plaide contre le ministre c’est que le « pas de vagues » n’est pas un mythe mais un fait attesté dans un rapport du Sénat. C’est aussi l’interprétation qui est faite de la visite des inspecteurs « valeurs de la république » auprès de S Paty. Au regard des enseignants, à tort ou à raison, une visite de ce type, n’est pas vue comme du soutien mais comme l’annonce de problèmes. Mais c’est surtout le poids de 3 années de défiance et de menaces contre les enseignants. Il y a eu l’article 1 de la loi Blanquer qui a nettement marqué la défiance du ministre envers les professeurs. Il y a eu des années de mépris pour leurs opinions. JM Blanquer a encore très récemment fait passer des mesures qui avaient contre elles un vote unanime du CSE. Il y a la répression, comme celle en cours contre les 4 de Melle. Il y a les injonctions envoyées au quotidien par la hiérarchie vers les enseignants. La suspicion sur les pratiques pédagogiques. L’obligation de rendre compte en permanence. Tout cela pèse dans la balance. L’annonce de l’ouverture d’un numéro vert suite à l’assassinat sauvage d’un enseignant semble dérisoire et irrespecteuse. Le ministre qui a maté les professeurs a du mal à entrer dans un nouveau costume. Même si, dans ce cas précis, il a raison.
François Jarraud