Comment simplifier l’approche de la modélisation en enseignement scientifique et en spécialité SVT ? Le modèle théorique central de la génétique des populations est désormais au cœur des programmes de terminale. Philippe Cosentino, enseignant en SVT au lycée Rouvière de Toulon (83), propose d’utiliser l’application « Dérive diploïde » qui permet de simuler l’évolution des fréquences alléliques et génotypiques d’une population d’effectif variable. Accessible librement en ligne, les lycéens pourront alors choisir deux allèles et réfléchir sur cette approche mathématique du vivant. En cette première année d’application des nouveaux programmes de terminale, les enseignants apprécieront cette approche pour une notion complexe à appréhender.
Un modèle étudié par tous les lycéens en série générale
« Le modèle mathématique de Hardy-Weinberg utilise la théorie des probabilités pour décrire le phénomène aléatoire de transmission des allèles dans une population », rappelle le bulletin officiel. Dans la partie « Une histoire du vivant », tous les lycéens généraux de France travaillent désormais sur le célèbre modèle proposé par le mathématicien britannique Geoffroy Hardy et le médecin allemand Wilhelm Weinberg en 1908. « La démarche de modélisation mathématique comporte plusieurs étapes : identification du type de modèle le mieux adapté pour traduire la réalité, détermination des paramètres du modèle, confrontation des résultats du modèle à des observations, qui peut conduire à limiter son domaine de validité ou à le modifier ».
Les enseignants dispensant l’enseignement scientifique en terminale doivent conduire leurs lycéens à « établir les relations entre les probabilités des génotypes d’une génération et celles de la génération précédente » mais aussi « de constater que les probabilités des génotypes sont constantes à partir de la seconde génération et d’analyser une situation d’évolution biologique expliquant un écart ».
Or, force est de constater que cette partie du programme est sans aucun doute l’une de celles qui posent le plus de difficultés aux enseignants de SVT, parfois peu familiers avec des approches essentiellement mathématiques.
Une activité facile à mettre en œuvre
Philippe Cosentino a modifié « Dérive diploïde », un de ses anciens logiciels, pour que les élèves « puissent travailler avec les fréquences génotypiques. Pour activer cette fonctionnalité, il faut bien entendu régler le nombre d’allèles à 2», explique-t-il. « Une fois « 2 allèles » sélectionnés, on peut choisir la fréquence initiale de l’allèle 1 ». Le logiciel réalise alors des croisements entre les individus de la génération parentale, de manière totalement aléatoire (panmixie), selon le mode « tirage avec remise ». Les allèles sont visibles aussi bien dans chaque individus que dans les gamètes qu’ils produisent.
Au final, l’objectif est de montrer aux élèves « que plus l’effectif est grand, plus les fréquences sont stables dans le temps (peu de dérive, mais on ne peut jamais l’annuler totalement) et plus les fréquences observées des génotypes se rapprochent de celles prédites à partir des fréquences alléliques p et q, soit p² pour A//A, 2pq pour A//B et q² pour B//B (mais sans jamais les atteindre exactement, l’effectif n’étant jamais infini dans ce type de modèle) », commente l’enseignant.
Philippe Cosentino propose de faire travailler les lycéens en construisant un tableau et un graphique permettant de comparer les fréquences observées et les fréquences prédites par le modèle au cours des générations. « Je conseille de faire ce tableau soit pour 16 individus soit pour 400 et de se limiter au suivi des fréquences des hétérozygotes (A//B). Les lycéens constateront alors que non seulement la structure génétique de la population fluctue beaucoup moins pour 400 individus, mais également que cette structure se rapprochent bien plus des prédictions du modèle dans ce cas ». D’autres approches modélisantes sont possibles, comme sur le site de l’académie de Versailles qui guide les enseignants de spécialité SVT vers des activités avec les logiciels NetBioDyn ou Edu’Modèles.
Pour terminer, Philippe Cosentino fait remarquer qu’aussi bien Edu’modèles et « Dérive diploïde » fonctionnent sur tablettes (telles que celles distribuées par la région PACA aux lycéens), ce qui permet d’envisager un usage en dehors de salles équipées d’ordinateurs (l’enseignement scientifique a souvent lieu dans des salles de cours banalisées, en classe entière), voire au domicile de l’élève (continuité pédagogique en cas de confinement, ou d’enseignement distanciel).
Julien Cabioch
Article explicatif du logiciel
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