Le budget 2021 est en train de se dégonfler. La publication des « bleus budgétaires », c’est à dire des comptes détaillés des ministères, montre un budget de l’enseignement scolaire en faible évolution en 2021 et une revalorisation des enseignants plus faible qu’annoncée. Finalement ce ne sera pas 10 milliards, puis 1 milliard, puis 500 millions, puis 400 millions, le budget annonce plus modestement 141 millions pour le premier degré public et 173 pour le second. Dès septembre nous annoncions que « l’éducation n’est pas une priorité » gouvernementale. C’est maintenant officiel.
« L’année de la consolidation »
Pour le ministère, qui rédige son document budgétaire, 2021 est « le temps de la consolidation et d’évaluation des réformes engagées ». « L’année 2021 marque l’aboutissement de la mise en place des réformes pédagogiques engagées depuis le début du quinquennat, dont le point d’orgue est la mise en oeuvre du nouveau baccalauréat 2021, mais aussi le début de leur évaluation, les résultats devenant significatifs quatre années après la mise en oeuvre des premières mesures à la rentrée 2017 ». Le document rappelle « la priorité donnée au premier degré » et la nécessité de « renforcer l’attractivité du métier de professeur ». « Le Grenelle de l’éducation qui doit se saisir de l’ensemble de ces questions sera ainsi structuré autour de trois axes : une meilleure reconnaissance des professeurs pour attirer, diversifier et conserver les talents, une plus grande coopération pour développer l’esprit d’équipe et des collectifs dédiés au suivi individualisé de l’élève ; l’ouverture du champ des possibles pour transformer les pratiques, via le numérique notamment ». Enfin en 2021, l’Ecole sera « mobilisée pour ses valeurs.
Un ministère immobile
C’est pourtant un ministère quasi immobile qui se dégage des comptes de l’enseignement scolaire. D’abord en terme d’emplois réels : les ETPT, c’est à dire les emplois réellement sur le terrain. On observe 970 créations dans le premier degré, 887 suppressions dans le second, c’est à dire une quasi stabilité. S’y ajoutent 3126 etpt créés pour la mission « soutien de la politique de l’éducation nationale. Mais ce sont des jeux d’écriture liés à la réunion des sports et de la jeunesse à l’éducation nationale.
L’augmentation du budget de la mission enseignement scolaire montre une hausse budgétaire pour le premier degré public d’environ 600 millions, compensée par ne baisse d’autant pour le second degré public. Ce qui augmente ce sont les missions « vie de l’élève » (+ 300 millions principalement pour l’inclusion scolaire) et « soutien à la politique de l’éducation nationale » (+300 millions principalement pour le sport et la jeunesse). Enfin l’enseignement privé voit son budget augmenter de 100 millions auxquels il faut ajouter les 100 millions de compensation versée aux communes pour la scolarisation obligatoire à partir de 3 ans, dont la quasi totalité va rembourser la prise en charge des maternelles privées.
On va donner un bon point au ministère : il relève les fonds sociaux des établissements de 30 à 46 millions, ce qui les fait revenir à la situation d’avant 2020.
Un mauvais point pour la sincérité : avoir écrit et clamé que le glissement vieillesse technicité (GVT) en 2021 serait de 775 millions. Le GVT c’est important : c’est l’augmentation automatique de la masse salariale en raison de l’avancement des agents. Nous avions relevé ce chiffre totalement improbable et demandé , en vain, des explications au ministère. Le budget rétablit la vérité : le GVT en 2021 sera de 297 millions, c’est à dire son volume habituel
Revalorisation : 300 millions pour les enseignants du public
Et la revalorisation ? Le budget 2021 prévoit bien 400 millions mais pas tous destinés aux enseignants. Le premier degré bénéficiera de 141 millions, le second de 173 millions. 74 millions iront à l’enseignement privé et 11 millions aux autres programmes de la mission enseignement scolaire.
Un budget ce sont aussi des indicateurs qui permettent d’évaluer l’efficacité de l’action gouvernementale. Dans le budget 2021, la plupart des indicateurs, pour des raisons diverses, ne sont pas renseignés. Inutile de chercher à savoir ce que maitrisent les élèves à la fin de chaque cycle: la plupart des colonnes sont vides (pages 19 et 21) par exemple. Ou alors les résultats ne sont pas au rendez-vous. Ainsi le taux d’accès au bac devrait passer de 87 à 83% en 2021, celui des enfants défavorisés passer de 75 à 72%. Le nombre de postes d’enseignants non pourvus à la rentrée rester aussi importants mais sur des durées plus longues (page 306). Le nombre d’académies bénéficiant d’une dotation équilibrée stagner à 23 alors que c’était 24 en 2018.
Premier et second degré
L’analyse des comptes du premier degré public montre que 177 millions sont prévus pour des mesures catégorielles dont 144 pour la revalorisation. Peut on en conclure qu’il resterait une trentaine de millions pour améliorer les décharges des directeurs ? La dernière tranche d’indemnité Rep+ représente 25 millions au budget et le PPCR 19. A noter une hausse des dépenses de formation : 4 millions supplémentaires prévus pour 2 journées de formation supplémentaire des enseignants du premier degré.
Dans le second degré il y a bien une hausse des dépenses pour heures supplémentaires qui passent à 1 milliard (soit 120 millions supplémentaires). Les dépenses catégorielles se montent à 209 millions dont 174 pour revalorisation. Les 35 millions restants pourraient concerner en partie les personnels de direction. Le PPCR représente 17 millions et la prime Rep+ 22 millions.
200 millions pour le privé
Dans l’enseignement privé , on constate 239 suppressions de postes (ETP) avec 577 créations dans le premier degré et 716 suppressions dans le second. Cette hausse renvoie peut-être au soutien étatique aux maternelles privées. L’enseignement privé bénéficie aussi de la hausse des heures supplémentaires et de l’application des classes à 24 élèves maximum.
135 postes supprimés chez les opérateurs
Les opérateurs du ministère sont particulièrement touchés par ce budget. Tous sauf France Education International et le Cereq perdent des emplois. Le CNED perd 40 emplois mais il s’agit selon le ministère d’une « correction technique ». L’ONISEP perd 55 postes du fait du transfert d’une partie de ses missions aux régions. A noter que le ministère attend aussi la restitution de locaux. Les Dronisep devraient aller dans les locaux des SAIO. Canopé perd 45 emplois. D’après le ministère il s’agit « d’un changement de méthode » dans la présentation des emplois.
François Jarraud